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Reviewed by:
  • Shame Between Punishment and Penance: The Social Usages of Shame in the Middle Ages and Early Modern Times éd. by Bénédicte Sère et Jörg Wettlaufer
  • Piroska Nagy
Bénédicte Sère et Jörg Wettlaufer (éd.) Shame Between Punishment and Penance: The Social Usages of Shame in the Middle Ages and Early Modern Times Florence, Sismel-Ed. del Galluzzo, 2013, XLIV-451 p.

La honte est un sujet complexe d’histoire culturelle. Notion polysémique et ambiguë, fluide comme tous les sentiments, cette émotion sociale par excellence a également une expression corporelle bien connue, présente dans les sociétés les plus diverses, au point de faire croire qu’il existe des émotions universelles, même si les valeurs qui leur sont attachées ainsi que leurs usages peuvent grandement varier. Ce recueil ambitieux vise à en saisir la configuration spécifique dans la culture occidentale et chrétienne, entre le Moyen Âge et l’époque moderne. Bien que les discours, surtout normatifs, qui la concernent soient clairement cristallisés, la honte est parfois difficile à saisir dans les sources: le vocabulaire latin la décrivant est pluriel et mobile, sans pour autant que ses pôles soient bien délimités. Dans l’Occident chrétien, la honte s’est construite autour de binômes qui marquent son ambivalence, sinon sa polyvalence: bonne ou mauvaise, masculine ou féminine, elle peut se comprendre en fonction de la morale de l’honneur – ou de la morale du péché et de la faute, qui lui donnent chacune une valence différente. C’est le croisement de ces deux interrogations, juridique et politique d’un côté, religieuse et théologique de l’autre, qui a permis de relever le défi de circonscrire la honte comme objet historique, comme le proposent ici deux historiens médiévistes dont les recherches touchent aux discours scolastiques et religieux pour Bénédicte Sère, au milieu des cours et au droit tardo-médiévaux pour Jörg Wettlaufer.

Dans ce beau volume trilingue, le sujet reçoit un traitement multidisciplinaire (de la sociologie à la criminologie et à l’anthropologie) et pluriculturel. Bien que l’essentiel des articles porte sur le Moyen Âge et le début des Temps modernes, plusieurs études en débordent: concernant le Rwanda ou l’Indonésie actuels d’un côté, et l’histoire de l’Asie orientale dans une perspective comparée de l’autre. Ainsi la réflexion, centrée pour l’essentiel sur le noyau culturel du « long Moyen Âge » cher à Jacques Le Goff, s’étire dans son ensemble sur la longue durée, de l’Antiquité romaine à nos jours. Après une préface de Claude Gauvard suivie d’une introduction très bien pensée des deux directeurs du volume, et avant la conclusion de Nicole Bériou, les vingt et une études sont organisées en quatre grandes parties cohérentes qui cependant dialoguent entre elles.

La première partie, consacrée à la sémantique de l’honneur et de la honte dans les sociétés occidentales de l’Antiquité (romaine) et du haut Moyen Âge, montre deux choses fondamentales : d’une part que la honte comme punition, notamment par l’infliction de châtiments infamants, traverse le grand clivage du passage au christianisme et reste omniprésente dans les sociétés d’honneur. De manière générale, la honte met à mal la position sociale plus que les relations interpersonnelles, notamment dans les couches supérieures des sociétés d’honneur (Han Nijdam). D’autre part, bien que la honte opposée à l’honneur puisse être aussi bien morale que corporelle (Rob Meens), la christianisation apporte à sa perception une inflexion importante. Virginia Burrus étudie ce qu’elle appelle un tournant vers la honte – liée tant [End Page 1018] à la notion de péché qu’à la corporéité – dans l’Antiquité tardive, source de la transformation de la conversion.

La deuxième partie concerne honte et pénitence dans le discours et la pratique théologiques du Moyen Âge central, et forme une partie homogène en termes de sources...

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