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Reviewed by:
  • Les enquêtes de Saint Louis. Gouverner et sauver son âme by Marie Dejoux
  • Laure Verdon
Marie Dejoux Les enquêtes de Saint Louis. Gouverner et sauver son âme Paris, Puf, 2014, VI-475 p.

Cet ouvrage de Marie Dejoux est la version remaniée de sa thèse de doctorat, comportant néanmoins un riche appareil cartographique, de nombreux tableaux, un index général, ainsi qu’un jeu de pièces justificatives. S’inscrivant dans une production historiographique aujourd’hui foisonnante, qui a permis de reconsidérer à nouveaux frais l’objet historique que représente l’enquête générale dans les États occidentaux des XIIIe-XVe siècles sous l’angle de ses usages politiques, ce livre apporte incontestablement une contribution notable à ce renouveau1.

Le sujet – et l’objet – de cette étude est constitué par les monumentales mais très disparates enquêtes dites de saint Louis, qui précèdent le départ du roi pour la croisade en 1247 et se poursuivent après son retour en 1254. L’auteure en entreprend une étude exhaustive, « totale » pour reprendre ses propres termes, qui vise à restituer toutes les dimensions de l’enquête, y compris les plus matérielles, mais dont on sait aujourd’hui qu’elles sont riches d’enseignements quant aux intentions politiques qui y président. Le principal mérite du livre, et non le moindre de ses apports, est d’avoir eu l’audace et le courage de s’attaquer à l’ensemble de cette documentation et de la considérer comme un tout afin de dégager les [End Page 1016] caractéristiques de ce que l’on pourrait appeler les pratiques inquisitoires de Louis IX. En une démarche logique et progressive, dont l’objectif affiché est de proposer une nouvelle lecture historique de cet outil inquisitoire si particulier, sont ainsi tour à tour pris en considération et analysés les documents et les traces archivistiques que ces derniers ont pu laisser, la procédure, le personnel mobilisé, le territoire concerné, les personnes et catégories sociales dénoncées, les témoins, les relations de sujétion établies par les enquêtes et, enfin, le rôle politique que le souverain a entendu leur faire jouer.

Dans une première partie novatrice sur bien des plans, M. Dejoux adopte une démarche qui puise à d’autres sciences sociales, la sociologie surtout, et emprunte aux méthodes de l’archéologie du document pour reconstruire de manière minutieuse la réalité documentaire. Ce faisant, elle déconstruit quelques mythes en restituant notamment, et tout au long du livre, le contexte dans lequel ces sources s’insèrent ainsi que celui de leur promotion, par le seul milieu des Mendiants et dans le cadre du procès en canonisation du roi, au XIIIe siècle. Elle propose une nouvelle typologie convaincante des enquêtes, pertinente au moins pour cette période qui voit la genèse de ce type d’outil de gouvernement, en substituant à la désormais classique distinction entre enquête judiciaire et administrative une différenciation nuancée entre enquêtes contentieuses et enquêtes informatives. Cette précision présente l’avantage d’affirmer de manière claire que, quel que soit son objet, toute enquête obéit à une même procédure, que l’on peut dans tous les cas qualifier de judiciaire, par la quête de la «vérité», et construit les moyens pratiques pour y arriver. Autrement dit, et c’est là un apport notable de cet ouvrage, ce qui qualifie l’enquête, ce n’est pas le type de procédure adopté mais bien le contexte et les intentions qui président à sa réalisation.

Le XIIIe siècle revêt, de la sorte, un relief particulier. L’auteure a raison de souligner le fait que les études récentes relatives aux enquêtes occidentales se sont centrées sur la période postérieure des XIVe-XVe siècles d’abord et avant tout en raison de l’abondance de la documentation, en négligeant quelque peu ce XIII...

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