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  • Les politiques de l’emploi (1960–2000). Sociologie d’une catégorie de politique publique by Fabrice Colomb
  • Jacques Freyssinet
Fabrice COLOMB. – Les politiques de l’emploi (1960–2000). Sociologie d’une catégorie de politique publique. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 226pages. « Res Publica ».

Il existe aujourd’hui une abondante bibliographie sur les politiques de l’emploi. Le titre de l’ouvrage pourrait faire craindre une nouvelle tentative de synthèse sur un sujet rebattu. Tel n’est pas le cas : derrière un titre banal, il faut porter attention au sous-titre. L’auteur s’intéresse au processus social de production du référentiel élaboré, à partir du début des années 1960, pour légitimer l’émergence de cette catégorie nouvelle de l’intervention publique, puis qui s’est transformé avec l’expérience, selon les conjonctures, les priorités et les représentations concurrentes du fonctionnement des marchés du travail.

Une affirmation initiale engendre une drastique réduction du champ. L’auteur estime que les acteurs sociaux sont absents de ce processus. Il est, à ses yeux, commandé par une « élite décisionnaire » composée, pour l’essentiel, d’un petit nombre de hauts fonctionnaires, soit en position de responsabilité au sein de l’administration du travail ou du Commissariat général du plan, soit de passage dans les cabinets ministériels (Premier ministre, ministre chargé du Travail et de l’Emploi, ministre des Finances). Compte tenu de l’importance que revêt cette affirmation pour cibler le contenu de l’ouvrage, il aurait été utile qu’elle fasse l’objet d’un minimum de justification. Si les acteurs sociaux sont absents de l’analyse qui nous est proposée, on s’interroge sur le point de savoir dans quelle mesure ce traitement reflète la situation de l’époque ou un a priori de l’auteur. Par exemple, si celui-ci avait étudié le rôle que l’action sur la durée du travail a joué dans les choix de la politique de l’emploi, il aurait difficilement pu affirmer l’absence des acteurs sociaux dans la construction des catégories et des représentations. Logiquement, le centrage de l’attention sur l’élite décisionnaire s’accompagne du choix d’une « posture intentionnaliste » : il s’agit de « comprendre la construction des catégories non pas à partir du rôle des structures sociales sur la conduite d’agents, mais plutôt à partir des interactions entre les acteurs dans des situations données » (p. 21).

Dès lors que l’on accepte de se situer dans le cadre de ces options initiales, le choix de la méthode est justifié. Outre le dépouillement des sources classiques de documentation et d’archives, l’analyse s’appuie sur des entretiens approfondis menés avec trente-cinq membres de l’élite décisionnaire dont, par ailleurs, la trajectoire professionnelle ou politique est retracée en détail. Soulignons qu’il ne s’agit en rien d’isoler un bloc technocratique homogène. Bien au contraire, l’hétérogénéité et l’instabilité de la composition du groupe sont mises en évidence. Par ailleurs l’auteur, conscient des biais de la mémoire, ne propose pas une lecture naïve de ces entretiens, mais seulement leur utilisation pour éclairer les conditions de production des discours qui ont contribué à la prise de décision. [End Page 122]

La délimitation de l’objet et le recours à une source privilégiée d’information s’accompagnent d’un choix de méthode. Pour repérer les « scènes », c’est-à-dire les lieux où se confrontent les représentations à l’occasion de la prise de décision, l’auteur retient « quatre épisodes significatifs ». Un premier référentiel spécifique de la politique de l’emploi émerge entre 1963 (création du Fonds national de l’emploi) et 1967 (ordonnances sur l’emploi incluant la création de l’Agence nationale pour l’emploi), dans une perspective de gestion des reconversions. De nouveaux dispositifs doivent assurer conjointement une réallocation efficace de la main-d’œuvre et la « protection du statut...

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