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  • Les Mots sans sépulture. L’Écriture de Raharimananaby Jean-Christophe Delmeule, and: “Raharimanana: La Poétique du vertige” ed. by Jean-Christophe Delmeule
  • Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo
Delmeule, Jean-Christophe. Les Mots sans sépulture. L’Écriture de Raharimanana. Coll. “Documents pour l’histoire des Francophonies/Afriques.”Bruxelles: Peter Lang, 2013. isbn9782875740700. 227 p.
Delmeule, Jean-Christophe, coord. “Raharimanana: La Poétique du vertige”. Interculturel Francophonies, 23 (2013). isbn9788895343150. 217 p.

Depuis longtemps déjà, et depuis les nombreux articles qu’il lui a consacrés, Jean-Christophe Delmeule enseignant-chercheur à Lille III et lui-même poète, entretient une relation étroite avec l’écrivain malgache Raharimanana. Le numéro d’ Interculturel Francophoniesqu’il a dirigé sur l’auteur devance de quelques mois la publication de sa propre monographie. Constitué des sections “Cette origine réinventée” comportant trois contributions, “Une esthétique de la relation …” en comportant trois également, “Le temps politique” constitué de deux articles, “Depuis le temps de l’enfance,” d’un seul et “Parole d’auteurs” composé de deux entretiens et d’un inédit de Raharimanana, cette revue explore les relations entre littérature et histoire, analyse l’écriture de la violence chez l’auteur, ses relations avec les textes anciens malgaches et la tradition des Sorabe, sa poétique du fragment et du repli.

L’ensemble de ces travaux a donc été prolongé, peu de temps plus tard, par la monographie de Delmeule qui constitue à la fois une synthèse et une avancée majeure dans l’étude de l’auteur malgache. C’est en effet le premier ouvrage d’envergure sur cet écrivain. Dans une écriture intense, Delmeule tente la gageure de l’exercice monographique. Il s’agit de rendre compte de manière organisée de l’ensemble d’une production auctoriale étroitement imbriquée. Il ne peut que croiser une perspective diachronique pour témoigner de l’évolution d’une écriture et synchronique, pour regrouper certains des textes selon leur thématique, les prises de position de l’auteur, les modalités narratologiques qu’il emploie … Si parfois la fragmentation l’emporte un peu trop dans sa présentation, allant à l’encontre du principe d’“infiltration” (52) et de réécriture permanente sur lequel, comme il le rappelle lui-même, repose l’écriture de Raharimanana, il semble difficile d’éviter cet écueil du fait même de se donner pour projet de rendre compte de la construction d’une poétique.

Car c’est là avant tout que se situe la démarche de Delmeule que l’on ne peut que saluer. L’écriture de Raharimanana perturbe profondément par sa violence, l’horreur parfois insoutenable de ses évocations de corps démantelés, de déchets d’une humanité erratique et maudite, par la virulence de ses dénonciations politiques contre les régimes malgaches—leur gabegie et leur inconscience—, contre les régimes occidentaux—leur histoire coloniale, leur néocolonialisme et leur capitalisme mondialisé—qui creusent les déflagrations des inégalités, de la misère, de la honte de soi. Aussi l’analyse que livrent les critiques [End Page 234]sur l’auteur s’arrête-t-elle souvent au scandale de cette violence et de ces évocations et néglige-t-elle ce qui fait précisément que ce vertige est si saisissant: la puissance peu égalée de cette écriture dans la littérature contemporaine. Restituant l’intégralité de ses aspirations et de son travail esthétiques à Raharimanana, Delmeule lui rend, à lui comme aux autres auteurs francophones, justice: il le libère des missions sociales et politiques qui lui sont souvent imposées et qui masquent le fait que son œuvre est comme toute littérature “interpellation faite à la langue” (17).

C’est dans cette optique que Delmeule consacre sa première partie, sur quatre que comporte l’ouvrage, à “La poétique de la blessure.” Plaçant sous cette désignation transversale l’ensemble de l’œuvre de Raharimanana, Delmeule l’explore en onze brefs fragments qui portent autant de titres qui rendent compte d’une écriture qui glisse d’œuvre en œuvre en...

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