In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

  • L’album et le deuxième sexe
  • Louise Renée (bio)
Gagne, Nelly Chabrol. Filles d’albums: Les représentations du féminin dans l’album. Le Puy-en-Velay: L’atelier du poisson soluble, 2011. 238pp. 38,00 € relié. ISBN 9782358710251. Imprimé.

Maîtresse de colloques en littérature française du vingtième siècle à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, Nelly Chabrol Gagne est aussi responsable du programme qu’elle a fondé, un Master en Création éditoriale générale et de jeunesse. Spécialiste de l’œuvre de Valéry Larbaud, de littérature de jeunesse et de théorie féministe, elle travaille depuis plusieurs années sur l’album d’enfants et en particulier sur la représentation des filles et des femmes dans la littérature de jeunesse. Publiée en 2011, Filles d’albums: Les représentations du féminin dans l’album est une étude très ambitieuse dont le but est de dénoncer le sexisme dans les albums de jeunesse et d’encourager les maisons d’édition à devenir plus conscientes de leur rôle dans la formation des jeunes. La représentation du féminin dans l’album doit se libérer du carcan des attentes sexistes qui ont la vie dure même dans les sociétés occidentales. Gagne affirme: « Il y va de l’équilibre, voire de l’avenir des sociétés humaines. Ce n’est pas rien » (225). Le livre est destiné aux maisons d’édition, aux auteurs d’album de jeunesse, au grand public et aux étudiants.

Gagne a analysé 336 albums individuels dont elle fournit au moins une illustration en couleurs. C’est un très beau livre disposé en trois colonnes par page avec une bande en gris au bas de la page pour les notes et les références. Gagne s’appuie sur des études interdisciplinaires portant sur la sociologie, la psychologie, la psychanalyse et d’autres domaines pertinents. La sélection d’ouvrages à étudier, la fine [End Page 148] analyse de chaque texte cité, ainsi que les bilans récapitulatifs témoignent d’un travail immense pour mener à bien une étude dont l’importance ne la fait pas hésiter une seule seconde. Outre le mérite d’avoir sérieusement analysé une question si pertinente, Gagne fait aussi preuve d’un grand talent visuel: elle interprète les images et les graphies d’une façon très convaincante et poétique, et elle établit toujours le lien entre l’esprit du texte et le choix des illustrations.1

Filles d’albums est divisé en cinq chapitres sur les âges successifs du personnage féminin, avec un sixième chapitre consacré aux filles et aux femmes oubliées par l’histoire ou victimes de conditions atroces. Dans l’introduction, « Ou comment approcher un objet d’étude si polémique? », Gagne explique les enjeux du problème, délimite son corpus et explique l’organisation du texte. Elle rappelle d’abord une étude effectuée en 1995 dans le cadre du programme européen Attention Album! dont le but était d’examiner les albums destinés aux enfants de zéro à neuf ans. La conclusion de cette équipe de chercheurs n’était pas encourageante: « les albums illustrés véhiculent des rapports de sexe inégalitaires. La littérature de jeunesse n’est pas anodine, comme le laissent croire le chatoiement des graphismes recherchés et la variété du peuple des personnages. Elle contribue à la reproduction et à l’intériorisation de normes de genre » (3). Gagne veut savoir si, depuis 1994, la représentation du féminin dans les albums de jeunesse a augmenté, et ce d’une façon positive. Son approche critique sera celle des cultural studies plutôt que celle de la critique féministe française qui risque, dit-elle, de “ré-essentialiser” la femme. Gagne s’inspire surtout des travaux de l’Américaine Judith Butler parce qu’elle « propose [End Page 149] une déconstruction historique du sexe, c’est-à-dire qu’elle ambitionne de se dé-centrer afin de déstabiliser le phallogocentrisme imposé, l’hétérosexualit...

pdf

Share