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  • Les Hommes de l’ombre: portraits d’éditeurs by François Dosse
  • Edward Ousselin
Les Hommes de l’ombre: portraits d’éditeurs. Par François Dosse. Paris: Perrin, 2014. 421 pp.

François Dosse a choisi treize éditeurs qui ont pour la plupart connu le succès au cours des années 1960–1970, une période faste pour le marché de l’édition en France, durant laquelle le nombre de livres publiés chaque année a doublé. Juste retour des choses, chacun de ces éditeurs se voit consacrer un chapitre, en partie biographique mais surtout bibliographique: Christian Bourgois, José Corti, Claude Durand, Paul Flamand, Claude Gallimard, René Julliard, Robert Laffont, Jérôme Lindon, François Maspero, Maurice Nadeau, Charles Orengo, Jean-Jacques Pauvert et Françoise Verny. À travers ces portraits d’éditeurs, Dosse esquisse une histoire de l’édition française (surtout dans les domaines de la littérature, de l’histoire et des sciences humaines) durant la deuxième moitié du vingtième siècle. S’y trouvent évoqués, par exemple: ‘l’affaire’ Minou Drouet (la toute jeune fille qui dans les années cinquante aurait écrit des poèmes dont l’authenticité reste sujet à polémiques, et qui furent publiés chez Julliard); les ravages de la censure, celle-ci sévissant dans le domaine politique comme dans celui de la moralité publique, et dont certains éditeurs (Maspero, Pauvert) ont plus particulièrement fait les frais; le risque, bien réel, qu’a pris Bourgois en publiant la version française des Versets sataniques de Salman Rushdie; le refus du prix Goncourt par Julien Gracq en 1951, ainsi que le cas de Romain Gary, le seul écrivain à qui le prix Goncourt ait été deux fois attribué (la deuxième fois sous le pseudonyme d’Émile Ajar); la cristallisation du phénomène littéraire et éditorial du ‘Nouveau Roman’ autour des Éditions de Minuit; la création de Tel Quel, publié par les Éditions du Seuil, la revue ‘devenant vite le haut lieu d’expression de l’ambition syncrétique que représente le structuralisme’ (p. 118). Comme le signale Dosse dans son introduction, la période d’essor exceptionnel de l’édition française durant les années 1960–1970 était concomitante au développement rapide de l’enseignement supérieur, qui a généré ‘un marché grandissant, celui des étudiants qui connaıˆt en ces années une croissance exponentielle, et qui est un lectorat très en lien avec l’actualité autant littéraire que politique’ (p. 10). La croissance de ce marché a également été accompagnée par le lancement, chez plusieurs maisons d’édition, de collections en format poche et à prix abordables, favorisant ainsi un accès plus large aux recherches [End Page 577] universitaires dans les domaines de pointe (ou les secteurs porteurs) que constituaient alors les sciences humaines. Paradoxalement, plusieurs éditeurs qui ont participé à ce phénomène de massification du lectorat ne se distinguaient pas eux-meˆmes par leur parcours universitaire: ‘Il est frappant de constater que beaucoup des éditeurs qui ont marqué cette période sont des autodidactes aux itinéraires sinueux, sans que ce soit une règle qui vaille pour toute la profession’ (p. 9). En ce qui concerne les aspects biographiques des éditeurs représentés dans le livre de Dosse, certains sont décrits comme des personnages hauts en couleur (Maspero, Pauvert, Verny) alors que d’autres, plus ordinaires sur le plan personnel, sont d’abord et surtout des passionnés de la littérature, ce qui convient sans doute à ces indispensables ‘hommes de l’ombre’.

Edward Ousselin
Western Washington University
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