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  • Défense de Montesquieu: sur une lecture absurde du chapitre ‘De l’esclavage des nègres’ by René Pommier
  • Edward Ousselin
Défense de Montesquieu: sur une lecture absurde du chapitre ‘De l’esclavage des nègres’. Par René Pommier. Paris: Eurédit, 2014. 101 pp.

Ce pamphlet constitue une réfutation détaillée d’une section du livre d’Odile Tobner, Du racisme français: quatre siècles de négrophobie (Paris: Les Arènes, 2007), consacrée à un célèbre chapitre (XV, 5) du livre de Montesquieu, De l’esprit des lois (1748). Tobner avait présenté ‘De l’esclavage des nègres’ non pas comme une dénonciation sous forme ironique, mais comme une justification éhontée de l’esclavage. D’après elle, ce sont les manuels scolaires Lagarde et Michard qui ont, à tort, ‘diffusé le dogme’ (p. 253) selon lequel le texte de Montesquieu serait ironique. La lecture révisionniste de Tobner fait de Montesquieu non seulement un raciste, mais plus encore un partisan de la traite et de l’esclavage des Noirs, ce qui n’a pas manqué de faire réagir René Pommier. Défense de Montesquieu est donc un ouvrage particulièrement polémique, qui s’appuie toutefois sur une érudition impressionnante. Pommier est un habitué de ce genre d’ouvrages, s’étant déjà livré à des [End Page 545] attaques en règle contre Roland Barthes, Sigmund Freud et René Girard. Comme à son habitude, Pommier ne lésine pas dans le domaine de l’invective: ‘elle est profondément stupide ou complètement folle’, ‘les allégations les plus ridicules’, ‘la sottise la plus épaisse’, ‘des insanités aussi insupportables’ (pp. 8 — 9). Afin de dénoncer les assertions de Tobner, Pommier fournit une minutieuse explication de texte — un exercice qu’il a beaucoup pratiqué, comme il le signale, durant sa carrière d’enseignant (p. 43). Les lecteurs apprécieront, par exemple, la longue série de citations, scandée par ‘Citons aussi’ (pp. 46–51), et destinée à réfuter l’une des affirmations de Tobner, pour qui la teneur ironique du texte de Montesquieu ne serait qu’une illusion lénifiante récemment propagée par des manuels scolaires, et qui en conclut qu’il faudrait plutôt prendre ce chapitre de De l’esprit des lois au pied de la lettre. Sur le fond, cette question précise ne fait guère de doute: ‘De l’esclavage des nègres’ est un exemple d’ironie dénonciatrice presque aussi célèbre dans la littérature française que l’est le pamphlet de Jonathan Swift, A Modest Proposal (1729), pour la littérature anglaise. À un autre niveau, le livre de Tobner constitue un exemple mineur d’un discours révisionniste plus vaste, dont l’origine remonte au moins à La Dialectique de la raison (1944) de Theodor Adorno et Max Horkheimer, et qui tend à transformer la vision des Lumières, à en faire la matrice du racisme et du totalitarisme modernes. La tentative de renversement du sens d’un court texte de Montesquieu s’inscrit dans ce discours plus général, qui consiste à nier toute valeur progressiste aux œuvres littéraires issues des Lumières, à les représenter non pas en fonction d’une optique subversive ou contestataire, mais comme l’alibi idéologique de l’impérialisme occidental. Pommier a enfoncé des portes ouvertes (comme il le dit lui-même, p. 9) en réfutant de façon si détaillée les arguments de Tobner à propos du texte de Montesquieu. On se demande si tant de violence rhétorique était nécessaire pour si peu. L’enjeu véritable est celui d’un discours nihiliste qui assimile les valeurs progressistes des Lumières aux totalitarismes du vingtième siècle.

Edward Ousselin
Western Washington University
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