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Reviewed by:
  • La guerre des Canadiens 1756-1763 by Jacques Mathieu and Sophie Imbeault
  • Thomas Wien
Mathieu, Jacques et Sophie Imbeault – La guerre des Canadiens 1756-1763, Québec, Les éditions du Septentrion, 2013, 280 p.

Deux pistes de recherche ouvertes par Jacques Mathieu, professeur émérite à l’Université Laval, se croisent ici : le cadre familial du peuplement colonisateur dans la vallée laurentienne et l’histoire des mémoires collectives québécoises. Le croisement permet à l’auteur de développer une approche bien personnelle de l’expérience historique de la guerre, sujet qui a attiré l’attention des historiens ces dernières années, ici et ailleurs1. L’étude vise l’expérience des Canadiens, principalement ceux de la grande région de Québec pendant l’invasion britannique de 1759-1760.

Des miliciens ou des parents de miliciens pour la plupart, les Canadiens étudiés par J. Mathieu font presque tous partie des classes laborieuses. Non le moindre des traits originaux du livre est donc le chapitre très empathique de Sophie Imbeault, qui fournit une sorte de contrepoids social en dépeignant les dilemmes de la noblesse canadienne au lendemain de la guerre de Sept Ans. Rester au Canada ou le quitter, voire y revenir après un séjour plus ou moins satisfaisant en métropole ou ailleurs : S. Imbeault présente les différents cas de figure, y compris ceux, assez peu connus, des jeunes officiers canadiens lancés dans une carrière en France ou dans ses autres colonies. À partir d’exemples éloquents, le chapitre étoffe le portait d’un groupe qui tout à coup est appelé à défendre l’évidence de ses privilèges. [End Page 827]

L’éloquence des exemples repose pour beaucoup sur les témoignages exprimés dans des lettres personnelles, source de prédilection de l’historienne. Disposant de très peu de documents de ce genre écrits par des Canadiens d’origine plus modeste, J. Mathieu procède autrement. Comment imaginer, se demande-t-il, ce que la guerre a fait subir à cette population, « l’insécurité, les craintes, les peurs, les appréhensions, les souffrances, les deuils, la famille, la solitude ? » (p. 17). L’exercice d’imagination passe par l’évocation des événements à l’échelle paroissiale et, plus encore, de l’expérience individuelle. L’auteur ne s’est pas intéressé aux stratégies familiales pour rien : c’est la famille qui forme à ses yeux un premier horizon indispensable de cette expérience. Le principal travail du chercheur consiste alors à reconstituer « l’image » (p. 114) ou « l’environnement » (p. 209) familial de quelques centaines – avec leurs proches parents, de quelques milliers – de Canadiens dont la vie fut bouleversée, si elle ne fut pas carrément abrégée, par l’invasion britannique. Tirées du dictionnaire généalogique de Cyprien Tanguay et de la base de données des démographes de l’Université de Montréal, les informations fournies par les registres paroissiaux forment la matière brute de l’enquête. Complétées parfois grâce à d’autres sources, elles alimentent les nombreuses notices biographiques qui jalonnent les chapitres. En voici une assez bien fournie :

Gauvreau dit Colas, Nicolas, milicien batterie royale, tonnelier de métier, n[é] 1726. D[écédé] 17 juillet 1759, tué par un boulet. Enterré près de l’hôpital ambulant du faubourg Saint-Jean [de Québec]. M[arié] 16 novembre 1750 [à] Marie Élisabeth Dassylva Portugais. Le couple a eu 7 enfants entre 1751 et 1759, mais un seul fils, né en 1755, survit à l’été 1759. La veuve se remarie, après sept [huit ? TW] mois de veuvage, le 14 avril 1760, à Jean Samson qui est veuf avec trois enfants à charge (p. 99).

Ces biographies décrivent à tour de rôle différentes catégories d’une population éprouvée : des victimes de la dévastation des campagnes canadiennes ou du siège de Québec, des veuves de guerre, des prisonniers, des Acadiens réfugiés à Québec et décimés (en 1757-1758) par la variole, etc. L’analyse qui entoure les notices souligne à la fois la...

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