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Reviewed by:
  • La Grande Guerre, si loin, si proche. Réflexions sur un centenaire by Jean-Noël Jeanneney
  • Serge Jaumain
Jeanneney, Jean-Noël – La Grande Guerre, si loin, si proche. Réflexions sur un centenaire, Paris, Seuil, 2013, 176 p.

C’est un superbe petit livre regroupant les réflexions d’un grand intellectuel français sur les commémorations de la Première Guerre mondiale que nous proposent les Editions du Seuil. L’ouvrage sorti de presse fin 2013, à un moment où l’on ne connaissait pas encore l’ensemble du dispositif commémoriel et encore moins la manière dont les citoyens se l’approprieraient, n’a pas pris une ride. Il reste intéressant de lire ce qu’un historien engagé dans les débats de son temps attendait de ces commémorations.

Le style très enlevé mais aussi le caractère fort personnel de l’ouvrage où l’auteur n’hésite pas à présenter et défendre ses propres positions sur un certain nombre de dossiers contemporains rendent sa lecture des plus passionnantes L’originalité de l’analyse tient au fait que Jean-Noël Jeanneney n’est pas seulement un historien de haut vol, c’est un homme d’action à qui François Mitterrand confia, en 1989, l’organisation des commémorations du bicentenaire de la Révolution et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. La comparaison avec 2014 n’en est que plus intéressante même si, comme le rappelle d’emblée l’auteur la nature des deux événements est bien différente : si la Révolution fut un moment de rupture dans la société française, le début de la guerre fut au contraire un grand moment d’union nationale. En outre, en 1989 des [End Page 820] interprétations très politiquement marquées des commémorations conduisirent à de vifs débats historiographiques qui n’ont jamais pris cette ampleur pour la Première Guerre mondiale. Enfin les images que l’on conserve de la Révolution et de la Grande Guerre sont très différentes : lumineuses pour la première, elle sont sombres voire des plus sinistres pour la deuxième.

L’originalité du propos ne tient pas uniquement au fait que l’auteur fut l’un des chefs d’orchestre des commémorations de 1989. Il appartient aussi à une génération où le souvenir de la Grande guerre était très vivace. Ainsi, lorsque le 13 juillet 1919, Georges Clemenceau, Président du conseil, se rend solennellement à l’Arc de triomphe vers un catafalque en l’honneur des morts de la guerre, le petit garçon auquel il donne la main et qui symbolise la France du futur n’est autre que… le père de Jean-Noël Jeanneney ! L’auteur se rappelle aussi le concierge de son école mutilé de la Grande Guerre et qui occupait un de ces emplois réservés ou encore les cours de Pierre Renouvin qui lors de cette guerre avait perdu un bras, des doigts de l’autre main. De sa voix, altérée elle aussi par le conflit, il retraçait les évolutions diplomatiques de cette période mais… en étant extrêmement discret sur les souffrances endurées par les soldats et les populations civiles. De ce point de vue la littérature et la poésie furent bien plus promptes à saisir et à rapporter la violence de cette guerre que les historiens jusqu’au tournant historiographique majeur amorcé dans les années 1980 autour de l’Historial de Péronne.

Ce petit livre nourri de cette nouvelle historiographie, mêlée au parcours personnel de l’auteur propose donc un regard original doublé d’un plaidoyer sur ce que devraient nous apporter les commémorations.

Convaincu que l’on construira mieux l’Europe de demain en connaissant ce qui s’est passé voici cent ans, l’auteur rappelle que pour les jeunes Européens « la paix du continent a pris les couleurs de l’évidence » et que dès lors « il flotte (…) autour de cette guerre, une impression d’absurdité » (p...

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