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  • Revivre la conquête
  • Éric Bédard
Imbeault, Sophie, Denis Vaugeois et Laurent Veyssière (dir.), 1763. Le traité de Paris qui bouleversa l’Amérique. Québec, Septentrion, 2013, 420 p.
Deschênes, Gaston et Denis Vaugeois (dir.), Vivre la Conquête à travers plus de 25 parcours individuels, tome 1. Québec, Septentrion, 2013, 249 p.
Deschênes, Gaston et Denis Vaugeois (dir.), Vivre la Conquête à travers plus de 25 parcours individuels, tome 2. Québec, Septentrion, 2014, 317 p.
Saint-Pierre, Marjolaine, Lacorne Saint-Luc. L’odyssée d’un noble, 1711-1784. Septentrion, 2013, 404 p.

De 2009 à 2013, plusieurs commémorations et colloques ont souligné, parfois dans la controverse souvent dans l’indifférence, le 250e anniversaire de la bataille des plaines d’Abraham, de la capitulation de Montréal et de la ratification du Traité de Paris. Dans un tel contexte, on aurait pu s’attendre à ce qu’un historien d’une université canadienne offre au public une grande synthèse savante aussi ambitieuse que celles des Américains Fred Anderson (Crucible of War, 2000) ou Jonathan Dull (The French Army and the Seven Years’ War, 2007). Si l’on excepte le bel ouvrage de Peter Macleod, qui n’œuvre pas à l’université et dont le Northern Armageddon (2008) n’était consacré qu’au siège de Québec et à la bataille des plaines d’Abraham, ce ne fut malheureusement pas le cas. Pour produire un tel ouvrage, encore aurait-il fallu reconnaître une valeur heuristique à l’histoire politico-nationale et condescendre à narrer des événements, bref pratiquer un genre plus traditionnel peu prisé par les tâcherons d’une historiographie socioculturelle généralement captive d’un constructivisme de plus en plus radical. Faute d’une telle somme, le lecteur intéressé par cet événement a dû se rabattre sur des ouvrages collectifs qui regroupent souvent des textes qui furent au départ des communications prononcées lors de colloques savants.

Pour assouvir la curiosité d’un public québécois encore intéressé par ces événements, les éditions du Septentrion ont proposé plusieurs livres qui oscillent entre une quête désintéressée de connaissances et un devoir de mémoire. Trois des quatre ouvrages recensés dans cette note sont codirigés par Denis Vaugeois, l’âme de cette maison d’édition qui signe la conclusion de 1763 et les introductions des deux tomes de Vivre la Conquête. Historien reconnu pour ses travaux sur les Amérindiens et les Juifs, éditeur d’ouvrages très populaires (Canada-Québec, 1534-2010 ; Histoire populaire du Québec ; Boréal express), Denis Vaugeois a beaucoup été marqué par les enseignements de l’historien Maurice Séguin, théoricien de l’école de Montréal qui considérait la Conquête comme un [End Page 781] événement déterminant de l’histoire du Québec1. Si tous ces ouvrages publiés par Septentrion considèrent cet événement structurant, aucun ne défend une thèse forte. On chercherait en vain dans ces livres une quelconque problématique « nationalitaire ». En effet, l’histoire proposée, qui ne se veut ni pessimiste, ni optimiste, cherche à s’« éloigner d’un manichéisme agaçant ». Contrairement à l’approche de Maurice Séguin, résolument allergique à l’histoire narrative, elle « raconte et explique peu » (Vivre la Conquête, p. vii et xi). Ressortent cependant de ces ouvrages deux idées généralement admises par les héritiers de l’école de Montréal. La première veut que la France ait abandonné les Canadiens à leur sort, qu’elle ait privilégié ses intérêts économiques à court terme au détriment d’un grand dessein impérial – cette idée est clairement avancée par Laurent Veyssière et Denis Vaugeois dans l’introduction et la conclusion de 1763. La seconde idée tient pour évidente que la Conquête affecta considérablement la vie des Canadiens, que cet événement eut un réel impact. Affecta-t-elle aussi, comme le soutenaient Maurice Séguin, Guy Frégault et Michel Brunet, toute une nation...

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