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Reviewed by:
  • Histoire de la Turquie. De l’Empire à nos jours by Hamit Bozarslan
  • Noémi Lévy-Aksu
Hamit Bozarslan
Histoire de la Turquie. De l’Empire à nos jours
Paris, Tallandier, 2013, 589 p.

Historien et politologue, spécialiste de la question kurde et de la violence dans le Moyen-Orient contemporain1, Hamit Bozarslan entreprend ici une synthèse ambitieuse de l’histoire de l’empire ottoman et de la Turquie républicaine. En effet, contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre de l’ouvrage, l’histoire ottomane n’est pas présente sous [End Page 829] forme de prélude à l’histoire de la Turquie moderne, mais elle occupe la plus grande partie du panorama qu’offre H. Bozarslan, qui couvre plus de six siècles, de la formation de l’empire à nos jours. Alors que d’importants ouvrages de synthèse sont parus récemment en anglais, telle la Cambridge History of Turkey, on ne peut que saluer le projet de rendre accessible à un public francophone les acquis d’une historiographie qui s’est profondément renouvelée depuis deux décennies. Malgré les réserves exprimées ci-dessous, H. Bozarslan relève le défi de proposer une synthèse accessible au non spécialiste sans renoncer à une approche conceptuelle originale.

Le livre se compose de quatre volets chronologiques. Intitulée « Un ‘empire universel’ », la première partie est centrée sur la mise en place de l’empire et sa période dite « classique », les XVe-XVIe siècles, abordant les XVIIe-XVIIIe siècles essentiellement sous l’angle des contestations et des crises d’un modèle politique. La deuxième partie se penche sur l’« Ordre nouveau » du long XIXe siècle, de la réorganisation militaire de Sélim III aux Tanzimat, avant de discuter le statut problématique du règne du sultan Abdülhamid II (1876-1909) au sein de cette ère de réformes. Le troisième volet explore « La Turquie unioniste et kémaliste » du premier XXe siècle, inscrivant la période républicaine dans la directe continuité de l’époque Jeune-Turque. Enfin, la dernière partie est consacrée à « La Turquie d’aujourd’hui », expression qui renvoie à une approche synthétique et thématique de la République turque des lendemains de la Seconde Guerre mondiale à nos jours.

Cette périodisation est loin d’aller de soi, alors que la question des ruptures et continuités de l’histoire ottomano-turque reste débattue dans les champs historiographique et politique de la Turquie contemporaine. Le parti pris de l’auteur est clairement révisionniste face à une historiographie officielle kémaliste qui s’est construite autour de la rupture absolue qu’aurait introduite la proclamation de la République en 1923. Cette thèse de la rupture, qui a aujourd’hui perdu de son hégémonie en Turquie même, est ici réfutée de manière convaincante à travers une exploration des connexions idéologiques et politiques étroites entre les périodes unioniste et kémaliste. En revanche, la périodisation proposée pour la période ottomane antérieure est plus traditionnelle et tient moins compte des acquis de l’historiographie récente. Nombre de travaux, dont le volume III de la Cambridge History of Turkey offre un utile aperçu, ont en effet réévalué les XVIIe et XVIIIe siècles sous l’angle de dynamiques sociales et culturelles qui ne peuvent être réduites à un appendice de la période classique ou à un prélude des Tanzimat, un aspect qui transparaît peu dans le découpage chronologique et thématique adopté par l’auteur.

Cette remarque préliminaire pose la question plus large de l’approche choisie pour l’analyse de l’empire ottoman. Privilégiant l’angle politique, l’auteur se penche sur les ressorts complexes du pouvoir impérial avec le souci de prendre en compte ses ramifications provinciales et les dynamiques sociales qui renforcent ou contestent l’ordre établi. Le panorama qui en résulte est d’une grande clarté, même si certains aspects auraient...

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