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Reviewed by:
  • Mediterraneans: North Africa and Europe in an Age of Migration, c. 1800-1900 by Julia A. Clancy-Smith
  • M’hamed Oualdi
Julia A. Clancy-Smith
Mediterraneans: North Africa and Europe in an Age of Migration, c. 1800-1900
Berkeley, University of California Press, 2011, XV-445 p.

Après avoir exploré l’intérieur du Maghreb et les résistances à l’autorité coloniale française dans Rebel and Saint 1, Julia Clancy-Smith éclaire ici une partie de l’histoire nordafricaine par ses continuités méditerranéennes. A contrario de ce que laisse penser le titre, ce livre ne couvre pas la diversité des mobilités en Méditerranée occidentale au cours du XIXe siècle. L’auteure se concentre davantage sur l’accueil à Tunis de migrants « européens » à partir d’une aire définie comme un « couloir central en Méditerranée », incluant la Sicile, le Sud de l’Italie et Malte. À la croisée des influences impériales ottomane, française et britannique, Tunis et ses alentours ne rassemblaient en 1816 que 2 000 à 3 000 Européens pour une population totale estimée à près de 100 000 habitants. Au début des années 1880, au moment de l’établissement du protectorat français, leur proportion dans cette capitale méditerranéenne avait cependant atteint 15 %.

Analysant cette montée en puissance à partir d’une série d’indices et au fil de quelques trajectoires singulières, J. Clancy-Smith confirme de manière convaincante de profondes révisions historiographiques perçues dans d’autres recherches, telle que l’inversion des dynamiques migratoires d’abord orientées de l’Europe latine vers le Maghreb au cours du XIXe siècle, puis redirigées de ce Sud vers l’Europe continentale à partir des années 1910. Parallèlement, dans le sillage des travaux d’Anne-Marie Planel sur la communauté des Français à Tunis, l’auteure ne voit pas dans ces allochtones les incubateurs des impérialismes européens ou les « supplétifs » d’une population française qui, dès cette époque, aurait été prépondérante sur les terres nord-africaines. Elle réinterroge les manières dont les migrants européens se sont perçus et furent identifiés, leur mode de coexistence avec les sujets des gouverneurs de la province ottomane de Tunis, ainsi que leur influence sur les ordres sociaux et politiques locaux.

Dans les six premiers chapitres, l’auteure analyse le cadre d’arrivée des migrants à partir du port de La Goulette, les raisons de leur installation, leurs moyens de subsistance et leur modalité d’insertion dans une pluralité de régimes juridiques. Les trois derniers chapitres ouvrent d’autres perspectives à partir de trois cas d’étude : l’implantation de la congrégation des sœurs de Saint-Joseph de l’Apparition à partir du milieu du XIXe siècle, les sociabilités des élites dans les bains thermaux et la « géo-biographie » de Kheireddine Pacha, Premier ministre à Tunis de 1873 à 1877, qui, durant sa vie d’homme d’État, n’a cessé de voyager en Europe et à Istanbul. Hors du compartimentage lié à l’éclatement des corpus d’archives consultées, ce livre peut être lu selon trois thématiques successives : les raisons des migrations, leurs effets, et les capacités d’intervention des autorités consulaires et provinciales de Tunis face aux migrants et aux résidents européens.

L’auteure déploie les multiples facteurs d’attraction de Tunis pour les Maltais puis pour les Italiens : les capacités d’accueil de ces terres qui n’ont cessé de constituer des « sociétés d’appel » (Jocelyne Dakhlia) depuis le XVIe siècle, ménageant des positions sociales et des espaces cultuels pour les non-musulmans ; l’amélioration des conditions de navigation et de transmission des informations à partir des années 1810 ; les nouveaux besoins matériels et culturels des élites européennes et tunisoises en biens et loisirs, tels que l’imprimerie ou le théâtre introduits par les Européens dans le second XIXe siècle; le lancement de grands chantiers dans les transports à compter des...

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