In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Black Morocco: A History of Slavery, Race and Islam by Chouki El Hamel
  • Jean Schmitz
Chouki El Hamel
Black Morocco: A History of Slavery, Race and Islam
New York/Cambridge, Cambridge University Press, 2013, XIII-331 p.

Le livre de l’historien marocain Chouki El Hamel ambitionne de briser le silence existant autour de la race et de l’esclavage qui, au Maroc, situent les Noirs, en tant que descendants d’esclaves, en dehors de la communauté. [End Page 819] Ce faisant, il témoigne du renouveau des études qui s’interrogent sur les rapports entre l’islam et l’esclavage selon deux modalités. D’une part, celle discutée par les africanistes Gervase Clarence Smith et Roger Botte, qui confronte la norme islamique et l’abolition légale dans l’ensemble du monde musulman. D’autre part, celle qui questionne la façon dont les énoncés de l’islam façonnent les identités à partir de cette spécificité du monde musulman qu’est l’importance de l’élite des esclaves guerriers, des slaves soldiers aux mamelouks ottomans. D’où l’intérêt de cette étude centrée sur leur équivalent marocain, les ‘abîd al-Bhukâri, créés par le sultan Mawlay Isma‘il qui asservit de nouveau les harâtîn des villes, souvent affranchis et surtout musulmans. L’auteur voit dans cet événement un tournant majeur qui substitue un critère physique, en particulier la couleur de peau, aux principes religieux.

La première partie examine les règles énoncées par la loi islamique (fiqh). L’auteur s’attache à montrer à quel point les textes fondateurs du droit s’éloignent de la source que constitue le Coran en ce qui concerne le statut de la femme esclave. Ainsi, l’usage de l’esclave comme concubine qui, ayant un enfant de son maître – d’où dérive son nom umm al-walad, « la mère de l’enfant » –, obtient la liberté à la mort de celui-ci n’est pas attesté dans le Coran, où la désignation de l’esclave (‘abd) est évitée. Seconde source du droit, les hadiths, ou recueils des paroles du Prophète, préconisent la manumission des esclaves, en continuité avec le Coran. Troisième moment, la transformation d’une cité commerçante en un vaste empire musulman fit émerger des écoles de jurisprudence énonçant des normes dans tous les domaines, dont celui de l’esclavage. La plus importante est le malikisme, fondé par Mâlik b. Anas (m. 796), qui rédigea le premier livre de jurisprudence, al-Muwatta, où sont déclinées les principales catégories concernant l’esclavage. L’œuvre de Mâlik sera diffusée au Maghreb par des commentaires dont on peut retenir le Mukhtasar de Khalîl b. Ishâq (m. 1366). Cette référence fondamentale des fuqahâ’ malikites de l’Afrique du Nord et de l’Ouest reconnaît quelques droits à l’esclave, en particulier à l’umm al-walad, mais surtout énonce les incapacités et les exemptions à l’égard des obligations de l’islam – direction de la prière du vendredi, aumône, pèlerinage –, qui le ou la concernent, comme la femme, l’impubère ou l’infidèle.

Réagissant de façon critique aux propos des voyageurs ou des orientalistes, de James Richardson à Évariste Lévi-Provençal, qui exemptent le Maghreb du préjugé de couleur, l’auteur analyse l’interaction entre couleur et race au prisme de la malédiction par Noé de son fils Cham. Ce topos véhiculé par le voyageur marocain Ibn Battûta apparaît dans la littérature judaïque ancienne et est partagé par les trois grandes religions du livre, mais n’est pas inscrit dans le Coran. Enfin, l’auteur s’arrête au Mi‘raj as-Su‘ud, une fatwâ écrite au début du XVIIe siècle par le savant de Tombouctou Ahmad Bâbâ en réponse à des questions de commerçants du Touat sur la légalité de l’asservissement des Noirs. Ce texte se résume à des formules reprises plusieurs fois par l’auteur : ce...

pdf

Share