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Reviewed by:
  • Captives and Corsairs: France and Slavery in the Early Modern Mediterranean by Gillian Lee Weiss
  • Lucette Valensi
Gillian Lee Weiss
Captives and Corsairs: France and Slavery in the Early Modern Mediterranean
Stanford, Stanford University Press, 2011, XI-389 p.

L’originalité de l’ouvrage tient moins à son étude de la course en Méditerranée qu’à celle des opérations de rachat d’esclaves chrétiens dans les États barbaresques par deux puis quatre ordres religieux, les frères de la Sainte Trinité (ou Trinitaires), les pères de la Merci, les récollets et les lazaristes. L’État ne joue pas un rôle actif dans ces rachats mais, paradoxalement, c’est lui qui en bénéficie. Les captifs, en effet, ne sont pas rendus à leur famille aussitôt arrivés en France. Ils doivent d’abord se soumettre à de longues processions tout au long des routes qui conduisent des ports de débarquement à la capitale, et à des célébrations répétées dans les rues et les églises. Si ces rituels, qui durent deux ou trois mois, ont pour but d’éveiller les consciences chrétiennes et de collecter des fonds pour les œuvres de rédemption, ils ont aussi pour effet de réintégrer les captifs dans la communauté catholique et, surtout, de transformer des Bretons, des Provençaux ou des Béarnais en sujets français. Le rituel de réintégration aboutit à confirmer l’autorité royale et l’attachement des sujets à la monarchie, les ordres rédempteurs contribuant ainsi à la construction de l’État absolutiste.

Le texte est vif, voire divertissant, quand il rapporte textuellement les paroles des pères rédempteurs, cite des extraits des relations de captivité, ou décrit les stratagèmes des hommes pris en course. L’auteure rappelle scrupuleusement le contexte politique, religieux (la lutte contre les huguenots et la Fronde), militaire et diplomatique dans lequel s’inscrivent la captivité comme la libération des esclaves, et suit rigoureusement les changements qui interviennent entre le règne de Louis XIII et la fin de l’Ancien Régime. Si elle prolonge son étude jusqu’à l’entreprise coloniale de la France en Algérie, dès 1830, établissant une continuité, celle-ci n’est pas vraiment convaincante. Mais c’est surtout sa fine analyse d’anthropologie historique qui fait le mérite de l’ouvrage, qu’il s’agisse du milieu des hommes de mer pris en course, du rôle des familles et des instances civiles locales dans leur libération, ou des pratiques des ordres religieux. Analysant avec talent la chorégraphie des processions, la mise en scène des célébrations dans les villes, la rhétorique des textes édifiants produits pour nourrir la propagande des frères rédempteurs, Gillian Weiss réussit à donner à un sujet classique un nouvel éclairage 1.

Un des autres intérêts de l’ouvrage consiste en un appareil de notes conséquent, qu’il faut lire car elles développent le texte, en cinquante pages de bibliographie, ainsi qu’en une section de matériaux de référence où l’on trouve la liste exhaustive des opérations de rédemption d’esclaves par les ordres religieux entre le xvie et le xviiie siècle, du Maroc à la Libye, et celle des processions publiques organisées au retour des captifs en France.

Footnotes

1. Pour une comparaison avec les rituels publics et religieux pratiqués en Italie, voir Paola Vismara, « Conoscere l’Islam nella Milano del Sei-Settecento », in B. Heyberger et al., L’Islam visto da Occidente. Cultura e religione del Seicento Europeo di fronte all’Islam, Gênes, Marietti 1820, 2009, p. 215-252 ; Giovani Ricci, L’Ossessione turca in una retrovia cristiana dell’Europa moderna, Bologne, Il Mulino, 2002.

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