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Reviewed by:
  • All Can Be Saved: Religious Tolerance and Salvation in the Iberian Atlantic World by Stuart B. Schwartz
  • Nathan Wachtel
Stuart B. Schwartz
All Can Be Saved: Religious Tolerance and Salvation in the Iberian Atlantic World
New Haven, Yale University Press, 2008, XIII-336 p.

Terres d’intolérance : ainsi se signalent les mondes ibériques pendant les temps modernes. Face à cette représentation, c’est une entreprise paradoxale, audacieuse et néanmoins de bon sens que Stuart Schwartz, dont l’œuvre depuis longtemps fait autorité, a remarquablement menée à bien. Tant en Espagne, au Portugal, que dans leurs colonies d’Amérique, il met en évidence tout un univers de pensées dissidentes, de comportements déviants et d’attitudes de tolérance. Sa démonstration se fonde sur une immense documentation, provenant en grande partie des archives inquisitoriales. Car si le Saint-Office a accumulé des milliers de procès pendant plus de trois siècles, c’est qu’il y avait en effet, selon ses critères, vaste matière à réprimer. L’approche de S. Schwartz lui permet en outre d’élaborer une histoire « vue d’en bas », mettant l’accent sur les opinions et les pratiques des gens du commun plutôt que sur les débats des élites intellectuelles. Il montre [End Page 816] qu’entre culture dite populaire et culture savante agissent de constantes interférences.

S. Schwartz pose au départ les circonstances particulières qui firent de la péninsule Ibérique, pendant de nombreux siècles au Moyen Âge, une aire de coexistence entre trois mondes religieux: musulman, juif et chrétien. L’auteur sait fort bien que cette convivencia, loin d’être idyllique, fut généralement conflictuelle. Il n’en reste pas moins que la longue imbrication de différents groupes sociaux créa une certaine familiarité avec l’autre, qui pouvait être vécue, malgré les facteurs d’hostilité, selon des modalités de bon voisinage. « Des siècles d’interaction, de contacts quotidiens, de rencontres dans les marchés et dans les rues avaient créé un fond commun de compréhension et d’acceptation, qui fournit un avers à la pièce communément répandue de conflit et de violence entre les communautés» (p. 53). L’intrication des cultures donna lieu à un esprit de tolérance et de relativité, selon l’adage : « chacun peut trouver son salut dans sa propre loi ». Ce fond culturel enraciné dans les couches populaires ne pouvait être extirpé aisément, malgré les rigueurs inquisitoriales. Il survécut tout au long des temps modernes.

L’ouvrage combine avec art différentes échelles, restituant d’innombrables cas individuels, extraits des procès inquisitoriaux, dans le contexte d’une histoire globale. L’auteur ne manque pas de poser la question pertinente de la « représentativité » des échantillons examinés par rapport au reste de la population ; ses mises au point pondérées et l’accumulation même des cas étudiés, distribués tout au long de la période sur des distances intercontinentales, emportent pleinement la conviction.

Les conversions forcées suscitèrent souvent, tant chez les nouveaux-chrétiens d’origine juive que chez les morisques, des incertitudes, des doutes, des oscillations entre les différentes lois, ainsi que diverses formes de syncrétisme et de relativisme religieux. Or celuici ne se limitait pas aux seuls conversos, on le retrouve également chez les vieux-chrétiens à la fin du xve siècle, avant l’expulsion des juifs et la chute de Grenade en 1492. C’est ainsi qu’en 1488, Juana Perez, paysanne à Aranda, s’exclame: « Le bon juif sera sauvé, et le bon Maure, chacun dans sa loi ; sinon, pourquoi Dieu les aurait-il créés ? » (p. 53). Et l’on retrouve mot à mot la même expression, véritablement commune, chez une autre paysanne, La Rabanera, laquelle priait chez une voisine juive qui venait de mourir : elle utilisa cette même formule en réponse à une autre voisine qui la réprimandait. Cette scène témoigne de l’intimité dans la vie quotidienne entre vieuxchrétiens, conversos et juifs, ainsi que de la tolérance...

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