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  • Le monde de l’itinérance en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédures de contrôle et d’identification dir. by Claudia Moatti, Wolfgang Kaiser et Christophe Pébarthe
  • Vincent Denis
Claudia Moatti, Wolfgang Kaiser et Christophe Pébarthe (dir.)
Le monde de l’itinérance en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédures de contrôle et d’identification
Bordeaux, Ausonius, 2009, 710 p.

Le renversement intellectuel opéré au cours des deux dernières décennies, reconsidérant le statut de la mobilité humaine dans les sociétés qui ont précédé l’époque contemporaine pour la dégager de la marginalité, tant sociale qu’historiographique, n’en finit pas de donner naissance à de nouveaux travaux. Cet ouvrage s’inscrit pleinement dans cette perspective et conclut un vaste programme de recherche ainsi qu’une série de rencontres internationales sur la mobilité en Méditerranée qui ont été l’un des opérateurs de cette importante mutation historiographique. Après deux volumes consacrés aux instruments de contrôle et aux documents d’identification, puis aux « gens de passage », c’est-à-dire au statut des « étrangers » dans les sociétés d’accueil, le dernier opus de cette vaste trilogie s’attache plus particulièrement aux formes de la mobilité et au mouvement luimême. Comme le soulignent dans leur dense introduction Claudia Moatti et Wolfgang Kaiser, l’ouvrage relève d’un parti pris, d’un pari qui est celui du décentrement par rapport au point de vue traditionnel des sociétés sédentaires, en s’intéressant non à l’accueil et à l’insertion des individus mobiles, mais au départ sous toutes ses formes.

Ce riche et épais ouvrage embrasse des aspects extrêmement variés de phénomènes sociaux qui sont autant de formes particulières de mobilité, dans un cadre géographique ouvert – une Méditerranée annexant la Mésopotamie – et une vaste périodisation qui court des empires de l’âge du Bronze au début du XIXe siècle. Fruit de deux rencontres distinctes dont il rassemble les contributions, soigneusement éditées et pourvues de précieuses bibliographies et d’utiles annexes documentaires (mais malheureusement sans carte), l’ouvrage se décline en trois parties: une première consacrée aux groupes dont la mobilité est la caractéristique essentielle du mode de vie (ces « vies en mouvement »), une autre à la gestion de l’immigration libre (dont la colonisation), la dernière aux formes de départ forcé (exil, déportation et asile). C’est une très ample moisson historiographique qui comblera les curiosités des spécialistes de la mobilité aux différentes époques, avec d’ailleurs une large place accordée à l’Antiquité, permettant un certain décloisonnement de ce point de vue.

L’unité d’un tel volume peut sembler relever de la gageure. Cependant, son apport va bien au-delà de celui d’une simple contribution érudite à l’histoire des civilisations de la Méditerranée, en raison des fortes hypothèses posées par les directeurs du projet et exposées explicitement dans l’introduction générale, de la structuration très claire de l’ouvrage, mais aussi de la capacité des contributeurs à jouer le jeu de la réflexion collective en sortant du confort disciplinaire et en s’intéressant à un objet commun, dans un dialogue entre périodes et spécialités habituellement séparées. Pour ne prendre qu’un indice, la présence récurrente, dans une partie au moins des bibliographies des contributions, de références communes atteste d’une circulation des savoirs de bon augure et justifie les risques pris par les organisateurs de cette réflexion collective.

La thèse qui constitue le fil directeur est celle d’une reconsidération de la nature sociale [End Page 779] et politique de la mobilité, dans une perspective comparatiste et transhistorique. À la territorialité et aux formes de contrôle nées avec l’avènement des États-nations au XIXe siècle, l’ouvrage oppose les vastes constructions étatiques...

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