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  • Économies du rebut: Poétique et critique du recyclage au xviiie siècle éd. by Florence Magnot-Ogilvy et Martial Poirson
  • Sylvie Kleiman-Lafon (bio)
Économies du rebut: Poétique et critique du recyclage au xviiie siècle, éd. Florence Magnot-Ogilvy et Martial Poirson Paris: Éditions Desjonquères, 2012. 234pp. €25. ISBN 978-2-84321-141-6.

Ce volume dirigé par Florence Magnot-Ogilvy et Martial Poirson se compose de onze études rassemblées en deux parties, l’une consacrée au rebut comme matériau politique et littéraire, l’autre au recyclage comme processus créatif et comme principe poétique de subversion. Il éclaire un aspect en plein essor de la recherche dix-huitièmiste, celui de l’utilisation et du traitement, dans la littérature et les arts, des restes, des déchets, du rebut dans un monde à la fois dominé par l’idée, énoncée par Lavoisier, que la matière se recycle indéfiniment et par une universalisation des échanges commerciaux qui valorise l’excès, le gaspillage et le plaisir. Dans un champ ouvert il y a une trentaine d’années par l’archéologie des déchets [End Page 325] (avec William Rathje et la garbology ou, en France, la « rudologie » de Jean Gouhier), les deux directeurs du volume ont souhaité mettre en avant une approche pluridisciplinaire qui touche simultanément « l’histoire, l’anthropologie, la philosophie, la sociologie, l’économie, la littérature et les arts » (10). Toutes les études rassemblées se limitent au domaine français, seule Florence Magnot-Ogilvy propose une analyse comparatiste qui réunit Pierre de Boisguilbert et Bernard Mandeville autour du déchet, de la perte et de la doctrine du laisser-faire.

Cyrille Harpet ouvre la première partie du volume avec un article intitulé « Désordres sociaux et ordre des villes: de l’économie des choses abjectes et de l’amalgame avec les hommes ». L’auteur montre la façon dont, à force de métaphores, la gestion des déchets confiée au rebut de la société fait de ces populations marginales des adjuvants indispensables au corps social et les condamne simultanément à en être à jamais la lie, sans cesse repoussée à la lisière dans l’esprit des réformateurs comme des auteurs de littérature sociale. Yinsu Vizcarra prolonge cette étude en proposant un article intitulé « L’Économie parallèle comme commerce de l’infection chez Louis-Sébastien Mercier ». L’auteur y oppose l’apologie du recyclage chez Rétif de la Bretonne (comme processus de régulation des sociétés urbaines et de redistribution des ressources et des richesses) à la condamnation qu’en fait Louis-Sébastien Mercier, qui y voit au contraire le moyen de perpétuer la tyrannie économique et sociale au détriment du peuple et lui oppose un processus de spiritualisation de la matière.

Ces deux articles sur la fange et les classes pauvres sont suivis par deux articles sur le monde clos de la vie monacale et sa place dans l’économie sociale. Dans « Le Rebut et la cendre: économie politique du cloître dans La Religieuse », Christophe Martin se penche sur le statut d’une institution taxée de parasitisme mais que Diderot présente aussi comme le lieu où la société se débarrasse des enfants dont elle refuse la charge, les cloîtres devenant « les lieux communs où la politique se décharge de ses ordures » (64). Franck Salaün revient sur l’accusation de parasitisme portée à l’encontre des institutions religieuses dans un article intitulé « Critique du clergé et argument de L’Improduction au xviiie siècle ». L’auteur étudie plus précisément le reproche fait aux moines et moniales de ne pas prendre part à l’accroissement démographique de la population et montre que leur inutilité sociale fait aussi d’eux des déchets de la société sous la plume de certains auteurs.

Deux articles viennent clore la première partie de cet ouvrage, le premier, de Florence Magnot-Ogilvy est intitulé « Le Déchet dans l’ombre du laisser-faire: pure perte, d...

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