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  • Villes Industrieuses, Villes Dangereuses
  • Emmanuel Bellanger
Arnaud BAUBÉROT et Florence BOURILLON (dir.). - Urbaphobie. La détestation de la ville aux XIXe et XXe siècles. Pompignac près Bordeaux, Éditions Bière, 2009, 352 pages.

Le titre de l’ouvrage, Urbaphobie. La détestation de la ville aux XIXe et XXe siècles, est explicite et radical. Alors qu’en 1997, Jacques Le Goff défendait avec passion et rigueur l’amour des villes médiévales, dix ans plus tard, dans le cadre d’un colloque organisé par l’Institut Jean-Baptiste Say de l’Université Paris-Est, le laboratoire Vie urbaine de l’Institut d’urbanisme de Paris et le Centre d’histoire du XIXe siècle des Universités Paris-1 et Paris-4, Arnaud Baubérot et Florence Bourillon prennent à revers cette incantation sentimentale pour mieux restituer les fondements historiques du rejet de la ville à l’époque contemporaine, en Europe occidentale et aux États-Unis16. Soutenu par les archives départementales du Val-de-Marne, ce projet scientifique se veut comparatiste et s’étend sur deux siècles, des lendemains de la Révolution à la fin du cycle des Trente glorieuses.

La publication des actes de ce colloque s’inscrit dans un contexte d’émulation intellectuelle autour des idéologies, des représentations et des manifestations de la mise en accusation de la ville. Les sociogéographes, sous l’autorité de Bernard Marchand et Joëlle Salomon Cavin, ont pris part à cette réflexion en organisant, trois mois plus tard, en juin 2007, un colloque transdisciplinaire sur le thème voisin de « la ville mal aimée ». Historiens et géographes s’y sont retrouvés pour mettre en perspective les maux de la civilisation urbaine qui ont, notamment, pour conséquences la [End Page 224] congestion automobile (Mathieu Flonneau), les grands ensembles (Camille Canteux) ou le déclin de la banlieue rouge (Annie Fourcaut), et pour représentations le cinéma ou la bande dessinée (Georges-Henry Laffont et Géraldine Molina)17.

Les deux colloques se complètent plus qu’ils ne se chevauchent. L’urbaphobie est un terrain d’investigation que se partagent les sciences sociales. Le parti pris d’Arnaud Baubérot et Florence Bourillon est cependant circonscrit. Il ne relève pas d’une entreprise d’échanges et d’hybridations pluridisciplinaires. Ici, l’histoire est convoquée, seule, au chevet des villes de l’âge industriel, tentaculaires, déshumanisées et en proie au désordre social. Quatre thèmes structurent cette expertise historique : la ville « tombeau de la religion », le « néo-ruralisme » et ses « utopies anti-urbaines », les expériences rurales « thérapeutiques et pédagogiques » et la « réforme urbaine ». Vingt-trois contributions, introduites par Arnaud Baubérot, André Encrevé, Florence Bourillon et Laurent Coudroy de Lille, s’attachent à décrire les expressions multiples du rejet de l’urbanisation et à décrypter les formes d’opposition, de résistance et d’adaptation au mouvement inéluctable d’étalement et de densification de la ville contemporaine.

En France, les plumes des femmes et des hommes de lettres, Jean-Jacques Rousseau, Edmond de Pressensé, Louis Veuillot, Saint-John Perse, Louis-Ferdinand Céline, ou Jules Romains en des termes plus ambivalents, et bien d’autres encore, propagent la défiance de l’opinion à l’égard du phénomène urbain (Philippe Boutry). Dès le Second Empire, la comtesse de Ségur, qui nie la métamorphose urbaine dont elle est pourtant témoin et ne s’attarde que sur la vie des siens, les gens du monde, dessine les contours d’une anonymisation précoce des citadins et d’une « ségrégation spatiale et verticale » (Paul Airiau). Hors de France, les dignitaires catholiques allemands sous l’Empire et la République de Weimar ont la même réaction d’hostilité à l’égard de l’industrialisation et de la conurbation de la Ruhr à l’origine de la sécularisation des fidèles et de la déchristianisation des grandes villes (Paul Cologne). Une description qui n’est pas sans résonance avec la mission évangélique du père Lhande...

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