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  • La Politisation du Risque Environnemental
  • Stéphane Frioux
Nathalie JAS et Soraya BOUDIA (eds.), Powerless Science? Science and Politics in a Toxic World. New York, Berghahn Books, 2014, 208 pages.

Depuis près d’une vingtaine d’années en France et depuis plus longtemps dans la littérature en langue anglaise, le thème du risque s’est imposé dans la recherche en sciences humaines par de nombreuses confrontations interdisciplinaires. Les historien-ne-s ne sont pas restés à l’écart du phénomène, étudiant notamment les rapports entre les sociétés et leur environnement à travers les risques dits naturels. Les risques liés aux nouveautés techniques apparues avec l’industrialisation et les progrès scientifiques sont un champ actuellement fécond, bien sillonné désormais pour le XIXe siècle13. Soraya Boudia, Nathalie Jas et leurs collègues offrent dans cet ouvrage collectif un panorama bienvenu sur les dernières décennies, marquées tant par le développement de la conscience et de la dénonciation des risques chimiques et sanitaires que par l’essor des travaux de sciences sociales à leur endroit. La plupart des contributions se situent dans le courant des nouvelles approches d’histoire et de sociologie des sciences.

Passée l’illustration un peu angoissante de la couverture, le lecteur aborde le sujet par une introduction de qualité, dans la continuité de celle conçue il y a quelque temps par S. Boudia et N. Jas pour un numéro spécial de la revue History and Technology (vol. 23, n°4, 2007). Elle s’accompagne d’une bibliographie de références devenues classiques sur l’histoire de la pollution, des risques et des sciences. L’idée majeure qui émerge au fil de sa lecture est que la science doit cesser d’occuper la place centrale, sinon unique, qu’elle tient dans les systèmes de régulation des produits toxiques. En effet, les études de cas révèlent le paradoxe selon lequel elle reste le critère légitimant la prise de décision, alors même qu’elle ne peut dissiper l’incertitude ou l’ignorance sur certains problèmes. Il faut donc reconnaître que les systèmes de régulation devraient s’appuyer sur d’autres éléments que les seules données scientifiques pour parvenir à la prise de décision, en particulier sur des considérations politiques, sociales et économiques. Trois choix méthodologiques président à l’organisation de l’ouvrage : varier les approches disciplinaires (histoire, science politique, droit, etc.) ; étudier sur une période de temps assez longue – depuis la fin des années 1930 – l’évolution du rôle du savoir dans la régulation de l’utilisation des produits chimiques ; enfin, varier les échelles d’analyse, du local au transnational, et les études de cas, même si les États-Unis sont très représentés dans les contributions.

Les douze chapitres sont distribués en trois grandes parties thématiques de quatre chapitres chacune. Le premier ensemble traite de l’histoire de la fabrication du savoir, de l’expertise – mais aussi de la gestion de l’incertitude scientifique – et de la régulation des substances chimiques. Les articles nous entraînent dans deux grandes directions : d’abord, un récit des initiatives internationales et essentiellement américaines (A. Creager sur le « test Ames », créé par un savant impliqué dans la recherche sur le cancer et utilisé par les firmes elles-mêmes, et S. Boudia sur les comités d’experts aux États-Unis et la production d’un « red book » en 1983). [End Page 222] Ensuite, l’étude d’une catégorie emblématique des produits chimiques, toujours sous surveillance sanitaire et objet de discours médiatiques : les perturbateurs endocriniens. N. Langston et J.-P. Gaudillière offrent deux chapitres complémentaires à partir du cas du distilbène. Un certain nombre de problèmes et de points communs apparaissent ainsi, parmi lesquels on peut mettre en évidence, d’une part, le rôle de la décennie 1970, où l’idée qu’il n’y a pas de seuil de toxicité pour les substances...

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