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Reviewed by:
  • Risk. Negociating Safety in American Society by Arwen P. MOHUN.
  • Jean-Baptiste Fressoz
Arwen P. MOHUN. - Risk. Negociating Safety in American Society. Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2013, 344 pages.

Arwen P. Mohun nous offre un vaste panorama de la gestion des risques aux États-Unis du début du XVIIIe à la fin du XXe siècle. Comment, historiquement, les risques acceptables furent-ils distingués de ceux qui ne l’étaient pas? Comment la définition du bon niveau de sécurité fut-elle négociée, et par qui? Quelles étaient les stratégies disponibles pour limiter ces risques? Comment les responsabilités étaientelles attribuées? Qui étaient les experts? Comment ces derniers influencèrent-ils la culture américaine du risque? Le questionnaire est ample, la matière plus encore.

Le livre est construit à partir d’études de cas nombreuses, plus ou moins fouillées. Il comprend trois parties qui correspondent, selon l’auteur, aux trois phases de l’histoire du risque. Dans l’Amérique du XVIIIe siècle, les risques sont « naturels » (les incendies, la variole, la météorologie, les chevaux) ; dans un deuxième temps, ils deviennent industriels (le chemin de fer, les accidents du travail), enfin, au [End Page 210] XXe siècle, les risques sont ceux de la « société de consommation » (l’automobile, les armes à feu, les parcs d’attraction et les équipements ménagers). Cet inventaire à la Prévert montre à la fois la richesse du livre et signale certains problèmes.

Premièrement, la contrepartie est de proposer une histoire quelque peu téléologique avec des oppositions tranchées entre la « culture vernaculaire du risque » et l’expertise qui lutterait contre cette dernière. Au départ, la gestion du risque relèverait du sens commun et de l’apprentissage domestique. Pour le feu, par exemple, la culture vernaculaire du risque serait fondée sur une prudence individuelle et des gestes inculqués depuis l’enfance par les parents. Au XVIIIe siècle, l’esprit des Lumières introduirait une gestion collective des risques, les probabilités, les assurances et des dispositifs techniques (inoculation, paratonnerre). Au XIXe siècle, l’approche verna-culaire, qui resterait malgré tout dominante, montrerait son incapacité à affronter les dangers liés au chemin de fer et à l’industrialisation. D’où l’intervention de l’État, la généralisation de l’assurance et l’introduction négociée de divers dispositifs techniques de sécurité. Évidemment, ce récit n’est pas sans poser maints problèmes. Par exemple, le risque industriel et professionnel demeure extrêmement présent dans la « société de consommation » de la fin du XXe siècle, même s’il est rendu socialement invisible par d’innombrables dispositifs ou exportés des États-Unis vers les pays à bas coût. De manière explicite, l’auteur ne traite que des risques quotidiens et visibles et n’intègre pas la question de leur invisibilisation (l’agnotologie de Robert Proctor). Dans ce livre, les experts ne s’occupent que de limiter les risques ou de les divulguer au public, jamais de les imposer, de les rendre invisibles ou de les normaliser. Par ailleurs, si la thèse d’Ulrich Beck sur la société du risque est critiquée dans l’introduction, elle ressort paradoxalement confirmée par la reprise des oppositions classiques entre risque naturel et risque technologique ou la thèse du triomphe de l’assurance à la fin du XIXe siècle. La question des risques majeurs, irréversibles, non assurables, et de leur histoire aux XVIIIe et XIXe siècles, qui n’est pas l’objet de ce livre, aurait sans doute permis d’aller plus en profondeur dans la discussion.

Deuxièmement, certains chapitres portant sur le XVIIIe siècle laissent de côté des éléments importants de compréhension dans l’évolution de l’appréhension des risques. Dans le cas de l’inoculation variolique en Nouvelle-Angleterre, ce qui est en jeu est moins l’opposition entre culture populaire du risque et culture savante des Lumières quantificatrices...

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