In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Sadyaq Balae ! L’autochtonie formosane dans tous ses états by Scott Simon
  • Jean Michaud
Simon, Scott. 2012. Sadyaq Balae ! L’autochtonie formo- sane dans tous ses états. Collection: Mondes autochtones, Québec : Presses de l’Université Laval. 252p.

La situation est familière en Asie : une population aborigène s’est enracinée sur une île, établissant ainsi une unité de lieu favorisant une définition primordialiste de son identité. Cette population s’est laissée du même coup peu d’options pour chercher asile ailleurs (nonobstant le fait singulier que c’est précisément via Taïwan que le peuplement de l’Asie du Sud-Est maritime puis de tout le Pacifique s’est amorcé il y a près de 6000 ans). Ainsi, dans la situation des autochtones taïwanais comme dans plusieurs cas semblables de la région, les questions du pouvoir, de la minorisation, et de la domination se retrouvent intimement liées à la question territoriale. Qu’on songe par exemple aux Aïnu du Japon, aux Punan de Bornéo, aux Cinghalais du Sri Lanka, aux Maori de Nouvelle Zélande, ou aux Javanais. Là bien sûr où la distinction vitale s’est construite, sur les plans politique et économique, entre Javanais et Cinghalais d’une part, et Maori, Punan, Aïnu et autochtones taïwanais d’autre part, fut lorsque les arrivants postérieurs bouleversèrent l’équilibre démographique insulaire au point de reléguer les premiers habitants à la portion congrue.

À Taïwan, au fil des débarquements, les premiers habitants se retrouvèrent ainsi progressivement réduits à un mince 2% de la population nationale (500,000 individus contre 23 millions en 2010), voyant s’étioler d’autant leur influence. S’ensuivit une histoire trop bien connue dont Taïwan n’a pas l’apanage, celle d’aborigènes minorisés et affligés de taux supérieurs de chômage et de maladie, se situant sous la moyenne nationale concernant le niveau d’éducation et l’enrichissement. Sous cet angle, Scott Simon a parfaitement raison de formuler son analyse dans les termes de l’autochtonie telle que comprise dans les grandes instances supranationales.

L’agriculture aurait fait son apparition sur Taïwan il y a 6000 ans concurremment à la présence de groupes austronésiens. L’île connut une longue période d’isolement relatif rythmée par les compétitions intertribales pour le contrôle des ressources. Suivit à partir du 17e siècle une histoire d’occupation progressive (par des colons chinois), d’arraisonnement économique (comptoirs hollandais et espagnols durant les années 1600), de déplacements et de guérilla de résistance face aux Qing chinois (1683 à 1895), et d’occupation musclée (le Japon de 1895 à 1945 puis le Guomindang après 1949). Cette longue séquence mit à mal les populations premières, sans état, dont l’organisation militaire rudimentaire n’a jamais réussi à préserver les droits ancestraux face à l’occupant. C’est cette histoire de dépossession et, surtout, ses conséquences contemporaines que nous présente Scott Simon, qui fréquente Taïwan depuis longtemps et fonde plus particulièrement son propos sur une recherche conduite entre 2004 et 2008 dans trois villages Sadyaq, un sous-groupe Atayal.

Après avoir campé son projet dans le champ de l’anthropologie politique de l’autochtonie, Simon l’enracine dans le monde océanien, ce qui se défend du point de vue biologique et linguistique mais moins sur le plan historique, pour enchaîner avec une narration de la période contemporaine et ses enjeux identitaires. Il explique la perte de la souveraineté et les difficultés liées à la propriété du sol, montre que le pouvoir autochtone coutumier se conjugue malaisément avec l’administration nationale, expose les questions de développement et de naissance de mouvements sociaux de revendication, détaille un renouveau local amarré à une forme d’ethnogenèse, et clôt son propos sur les expériences actuelles d’arrimage avec des mouvements autochtones internationaux. Aujourd’hui, une revitalisation culturelle est en cours, issue d’une conscientisation endogène soutenue par de nouvelles avenues...

pdf

Share