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LIVRES EN FRANgAIS 503 LIVRES EN FRANQAIS LA POESIE Guy Sylvestre Le graveur Roland Giguere est aussi un des meilleurs poetes de sa generation au Canada franr;ais. On le savait certes, on ne peut plus en douter depuis la publicati_?n en un volume de la plus grande partie de son reuvre poetique : L'Age de la parole (Hexagone, pp. 170, $3.00) reunit presque tous les poemes de six plaquettes publiees entre 1949 et · 1960, ainsi qu'une quarantaine de poesies inedites. Le tout constitue ( pour reprendre un de ses titres) un « lieu exemplaire » de notre poesie. Cette edition collective permet non seulement de prendre connaissance de cette reuvre, mais aussi d'en saisir !'evolution. Cette poesie reste, dans }'ensemble, grave et austere, voire souvent crispee ; mais il y a dans les pieces les plus recentes un sourire, celui de la femme aimee dont on trouve ici et Ia le reflet dans le miroir de l'reuvre. La poesie de Roland Giguere n'en est pas moins une vision tragique de Ia vie et du monde ; ce n'en est toutefois pas une vision desesperee. Le poete a foi en l'homme, en l'avenir de l'homme. Les premiers recueils laissent une impresion sombre et noire. L'auteur y evoque avec une voix etranglee Ia misere des hommes, l'horreur de notre temps. On y decele un gout presque masochiste pour la destruction : partout on y trouve des images du mal - mal physique et moral que l'homme se fait a lui-meme. L'homme de Giguere, c'est l'heautontimoroumenos , c'est le bourreau de soi-meme. Un poeme comme Continuer avivre, un de ses plus beaux, nous jette au visage l'image d'un monde ruine, plein de cancer et de degout, de plaies Mantes, de jours sans pain: monde dont l'homme est responsable. Un peu partout dans cette reuvre, on retrouve ces Haques de sang repandu, ces amas de pus que le poete evoque sans doute parce qu'il nous veut faire partager l'horreur qu'il en eprouve. Ainsi, dans Marne glebe, il ecrit : l'eau se tourne vers la moisissure et sans aucun reflet au front le voyageur s'enlise dans les jours que nous vivons. 504 LE'ITERS IN CANADA: 1965 Et pourtant, a y regarder de plus pres, on decouvre qu'entre toutes ces images violentes par lesquelles le poete nous fait vite sentir la misere innombrable de l'homme, se glissent un peu partout des paroles d'espoir qui peuvent etre comme le baume sur la plaie. C'est le paradoxe de cette ceuvre que d'etre, en definitive, une parole d'espoir et d'amour en meme temps qu'une vision hallucinante de l'homme qui se defigure lui-meme. En effet, lorsqu'il constate que l'homme est defigure, il parle de sa transfiguration prochaine. Dans le poeme intitule En pays perdu, il nous dit qu'il « faut modeler le visage que l'on aura » . Ailleurs, il reprend : derniers eclats de souvenirs penibles sur quelques images froissees dechirees il faudra bientot dessiner d'autres images aux reSets plus humains. II nous dit aussi que « le paysage est arefaire » , mais Giguere n'est pas un peintre du dimanche pour qui l'art serait un passe-temps anodin, c'est un artiste qui est totalement engage dans l'aventure humaine avec ses risques, ses dangers et ses victoires. Ces victoires ne sont pas des evasions. II y a dans cette ceuvre dure et cruelle une grande part faite au reve : ailes ouvertes atout ce qui vit tu deviens ce que fu reves. Mais ici le reve n'est pas quelque chimere irrealisable, c'est « le merveilleux possible », c'est le monde meilleur realisabJe. Conscient de la misere de l'homme, le poete ne se complait pas dans un dolorisme morose, ni dans un vain regret du paradis perdu de l'enfance : c'est devant lui qu'il regarde. « A rna droite, rien, lit-on dans Yeux fixes. A rna gauche : rien. Derriere : moins que rien. Tout est devant. Je tourne le dos al'ombre » . Et dans Les Armes blanches, on lit encore : et pour continuer avivre dans nos...

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