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LIVRES EN FRAN9AIS 495 five suggestions for improving the high schools. Four of these are familiar enough: a more flexible and varied curriculum, more money, better teaching conditions, genuine research. Then, "Finally, and most important of all, educators of all kinds, from primary school to the university should be revolutionaries." Perhaps, then, there is a market for the revolutionary ideas of Mackinnon and Frye. LIVRES EN FRAN<;;AIS POESIE Guy Sylvestre II faudrait etre bien difficile pour etre de~u d'une annee qui nous a donne la premiere edition collective des trois recueils d'Alain Grandbois, un nouveau recueil de Rina Lasnier, Ie meiIleur volume it date de Gatien Lapointe et, parmi une trentaine d'autres, de nouveaux cahiers de JeanGuy Pilon, Pierre Perrault, Gerald Godin et meme, apres un silence de trente-cinq ans, Alfred Desrochers. Ce n'est pas tous les anS qu'on trouve dans les librairies du Canada fran,ais une somme de poesie aussi riche et aussi abondante. De plus, il est significatif que la nouvelle revue des independantistes republicains et socialistes, Parti pris, accorde autant d'attention it la Iitterature et compte autant de poetes parmi ses principaux collaborateurs: Paul Chamberland, Andre Major, Andre Brochu, PaulMarie Lapointe, Gaston Miron. Cette litterature engagee marque un nouveau depart; il faudra voir la place qu'elle occupera dans la Iitterature des prochaines annees. En attendant, la plus grande partie de la poesie canadienne d'aujourd'hui reste bien etrangere It ces preoccupations politiques. Rien ne leur est plus etranger que la poesie d'Alain Grandbois dont les trois recueils, Les IIes de la nuit (1944), Rivages de l'homme (1948) et L'Etoile pourpre (1957) ont ete reunis en un fort beau volume intitule simplement Poemes (Editions de I'Hexagone, pp. 251, $3.50) . Aucun poete neanmoins ne jouit d'un prestige aussi grand parmi les poetes de la jeune generation. Toute cette poesie est I'expression de la recherche du bonheur et de I'amour dans un monde OU tout passe et meurt. C'est cette presence de la mort au coeur meme de la vie qui mime vers elle qui donne It cette oeuvre son fond tragique et aux moments de bonheur leur prix qui est d'autant plus grand que ces instants sont plus menaces. II y a une part 496 LETTERS IN CANADA: 1963 d'esoterisme dans cette ceuvre pleine d'images et de signes dont Ie symbolisme n'est pas toujours facile asaisir, mais elle nous apparalt beaucoup plus facile d'acces aujourd'hui qu'au moment ou nous la pouvions decouvrir il y a maintenant vingt ans. Le temps a fait son ceuvre, cette poesie nous est devenue desormais familiere, comme peut l'etre une femme apres vingt ans de vie commune. Et, comme une belle femme peut devenir plus belle enCore dans la plenitude de son age, cette somme poetique enfin offerte totale aux lecteurs nO us permet de reconnaltre encore mieux la place de Grandbois dans la poesie canadienne de langue fran~aise d'aujourd'hui: la premiere. Cette poesie, dont les articulations ne sont pas evidentes-cette poesie n'est pas une fille maigre et On n'en voit pas les os-est faite d'une libre succession d'intuitions, d'experiences, de regrets, de visions, de souvenirs, de desirs et de reves, Ie tout cimente par la nostalgie des bonheurs perdus et la hantise de la vieillesse et de la mort. Cette conscience aigue du temps qui s'ecoule et que nul ne peut arreter, de la fragilite des etres, de la brievete des joies, c'est Iii l'intuition fondamentale du poete dont I'ceuvre evoque pourtant de si nombreuses images du bonheur-ce bonheur que l'homme recherche sans cesse avec d'autant plus d'acharnement qu'ille sait perissable. Et c'est pourquoi la poesie d'Alain Grandbois est un chant, parfois une incantation, inspire par la poignante tendresse du monde. Le theme de la mort, toujours present dans l'ceuvre de Rina Lasnier, et au centre meme de ses FianQailles d'Anne de Nouii, avait toujours ete tenu pour ainsi dire au second palier; il vient cependant de surgir au premier plan dans son demier recueil, Les Gisants (Editions de l'Atelier, pp. 109, $2.00), suite de hautes meditations poetiques sur l'attitude de quelques peuples devant la mort, sur certaines formes de mort et sur Ie gisant Jesus. Ces poemes d'une haute spiritualite, d'une inspiration toujours noble, sont pleins d'erudition historique et, il faut bien Ie dire, cette poesie est une poesie savante. L'auteur nous propose des meditations sur la mort telle qu'elle en a trouve des images diverses chez les Etrusques , en Egypte, en Israel et ailleurs, et cette poesie n'est jamais facile, elle exige beaucoup du lecteur (plus qu'il ne Ie faut, souvent) tant iI cause de la profondeur de la pensee que de la hardiesse des symboles et de la richesse excessive du vocabulaire, qui est souvent precieux, voire alambique (orbiculaires, compacite, pariade, imperturbe, apostes, assibile, Bexueux, etc.). Cette poesie y gagnerait aetre plus simple, et aussi plus articulee; cette opulence incessante finit par eblouir et aveugler; il n'y a peut-etre pas d'exemple chez nous d'une ceuvre dont la pensee soit plus "levee et dont la langue soit plus difficile. Nous sommes ici ala limite de LIVRES EN FRAN<;;AIS 497 la tension qui peut exister entre une pensee qui se veut la plus universelle et la plus haute et son expression que Ie poete veut la plus singuliere et la plus concrete. Dans cette rumeur qui a I'eclat et Ie nombre de celie de la mer, des images etonnantes surgissent et nous recouvrent comme des vagues de beaute. Les plus belles sont peut-~tre celles qui sont inspirees par la neige-quel magnifique symbole de la mort!-comme lorsque Ie poete interpelle I'Egypte: Egypte, comment saurais-tu Ie ciel hiable-toi qui ne I'as point vu s'emietter corome un pMtre, ni vu de l'enorme couvee de neige-descendre ces abeilles momifiees en givre etoile; comment saurais-tu la preearite du soleil-si tu n'as point touche Ie Bane des poles, . ni Vll la neige se mettre en sang pour orienter la mort-ni vu la nuit poIaire etrangler Ie jour dans ses foudres blanches? . . . Ailleurs, contemplant les gisants incames dans la pierre: Voici la chair dans sa noblesse de pierre blanche-corome la neige dans son intention de Iumiere, et comme un pays tout entier simplifie par la neige-voici la chair dans Ie bliaut etroit de sa purete; la chair dans l'audace de la foi ma90nnee-pour Ie jointoyage de l'&me et du corps .. ' . Cette oeuvre·, pleine d'images tres belles, a neanmoins un poids surtout spirituel. Ces images de la mort evoquent non seulement cette defiguration des corps voues il la pourriture, mais aussi leur transfiguration dans l'art et dans la resurrection. Contemplant Ie gisant Jesus, L'esperance est en cendIes sur son corps gisant, Mais dans Ie bruissement sec du recul de la mort S'ouvre la spirale et Ie malstrom de la poque. Cette dualite de la mort defigurante et transfigurante, et aussi de la vie qui est instrument de perte et de salut, elle est une constante de l'oeuvre de Rina Lasnier, et elle se retrouve encore dans les quatrains qui forment la deuxieme partie de son dernier recueil. Ces brefs poemes d'une densite extr~me sont plus personnels que la suite qui les precede-ou Ie recours a l'histoire est constant-ce sont de courtes meditations spirituelles sur Dieu et ses saints dont quelques-unes sont aussi des reussites poetiques (Invocation, Eti!, Magdeleine, Stabat, Dieux doux). Mais ici nous sommes au dela de la litterature. La poesie de Gatien Lapointe est Ie fruit d'une operation inverse. Alors que Rina Lasnier exprime ses meditations les plus hautes avec des images d'une richesse extr~me, Gatien Lapointe evoque sa geographie personnelle avec les images les plus depouillees et m~me souvent it l'aide du langage Ie plus abstrait. L'Ode au Saint-Laurent (Editions du Jour, pp. 94, $1.80)' et les deux poemes qui la precedent, J'al'partiens ala terre et Le chevalier de neige sont des poemes plus abondants que ceux qui avaient ete reunis dans Le temps premier un an plus tot. Cette fois, il y a amplification, reprise des memes themes sallS des formes differentes, et cette oeuvre, si elle est aussi simple que les precedentes du meme auteur, est mains concentree et m~me, il faut bien Ie dire, mains seche. Son propos est mains abstrait, la categorie de I'espace a pris Ie pas sur celie du temps, bien que les souvenirs de I'enfance jouent un grand role dans la conscience que Ie poete a d'appartenir it la terre, it cette terre. Des Ie debut, il nous dit: La joue sur le ventre de mon enfance J'ecoute l'apre mcrveille de vivre. Dans Le Chevalier de neige, il reprend: Enfance d man pays entier et plus loin: ]e grandis en prenant appui sur man passe.... Et dans l'Ode au Saint-Laurent, cette evocation de son enfance et de son pays: Une longue vallee ameure en rna memoire Le solei! monte pas apas vers man enfanee Je reconnais un aun tous mes sanges Les Apalaehes ferment leurs yeux sous la neige Et I'Etchemin se met arire dans les trelles rouges LIt-haut pres des Frontieres Veille une maison de terre et de bois ]e sais qu'un grand bonheur m'attend Tout ce que j'ai appris me vient d'ici Je retrollve iei mes premieres images.... Nulle nostalgie toutefois dans cette poesie qui est un constant effort de presence au monde et d'espoir dans l'avenir de I'homme: o tres belle irrempIa,abIe realite ]e ne veux pas pleurer Ies morts Je voudrais sauver les vivants. :''I.e gagnant du prix du Gouverneur general pour 1963. LIVRES EN FRANQAIS 499 Cette poesie, comme celie de Rina Lasnier, est l'affirmation d'une acceptation genereuse de la vie; elle n'est pas l'elfet d'un optimisme aveugle et beat, car cette acceptation n'exclut pas la conscience du mal physique et moral. "Le mande est une grande blessure incomprehensible ," affirme Ie poete qui dit encore: "La soulfrance de l'homme entenebre rna face," et ailleurs: "Chaque mort de l'homme agrandit rna tombe." Cette conscience de la douleur et de la mort n'avait jamais ete aussi nettement manifestee par ce jeune poete; elle ne fait que rendre plus grande encore sa volante de grandeur dans un monde qu'il veut dominer tout entier par la connaissance et ramollr. II est peu d'exemples dans notre poesie d'un peete qui s'identifie luimeme aussi completement asa parole. A la verite, il est sa parole memeet cette parole, c'est non seulement Ie poete lui-meme, ce sont toutes ces chases qu'il est par la connaissance et auxquelles il prete sa voix. Avec les mots les plus simples, les plus uses, Gatien Lapointe parvient atout transfigurer grke 11 ce ton qui n'est qu'll lui et qui a ce caractere ala fois noble et definitif qu'on pourrait imaginer it un Spinoza Iyrique. II est rare que la poesie approche autant de la definition sans cesser d'etre poesie, et quantite de vers de Gatien Lapointe sont comme des apophtegmes qui vous touchent en vous frappant. Cette poesie est Ie chant limpide et clair d'un homme qui veut elargir sa conscience 11 toute la creation, mais sans se deraciner; il y a ici une naturelle continuite dans l'espace comme il n'y a pas de rupture dans Ie temps. II nous dit: "Le monde entier vient frapper mes aancs," et mais aussi: Je parle de tout ce qui est terrestre Je fais alliance avec tout ce qui vit Le monde nait en moi L'Amerique est rna langue rna patrie et son Ode au Saint-Laurent est pleine d'images du pays, comme ce beau vers : Dctobre est un erable pleln de songe et de passion. En somme, tout est au poete qui sait les chases et leurs liens les plus secrets comme les plus evidents, et qui sait les nOmmer et leur conferer cette existence souveraine et imperissable du langage poetique: J'apprivoise et je noue j'epelle et je couronne. C'est Ie plus haut et Ie plus vaste programme; Gatien Lapointe en a entrepris la realisation avec un succes indeniable grace a sa precoce maturite. 500 LETTERS IN CANADA: 1963 Peu de poetes canadiens de sa generation ont manifeste autant de versatilite qu'Alfred Desrochers. Ses grands poemes Iyriques ont une saveur bien canadienne, de meme que les courtes pieces descriptives ou elegiaques qui sont souvent des reussites parfaites. Le poete n'a guere publie de poemes depuis L'Offrande awe merges folles (I928) et A l'ombre de I'Orford (1929), mais la rumeur veut que ses tiroirs soient remplis d'inedits. La -poetesse Jeannine Belanger (Soeur Marie-Josefa, s.g.c.) a retrouve de longs fragments d'un poeme inacheve, Le Retour de Titus et en a assure la publication (Editions de l'Universite d'Ottawa, pp. 61, $1.25). Tout Ie poeme est ecrit en stances royales et ce qu'on nous en livre nOus fait regretter que I'oeuvre n'ait pas ete achevee. Tout n'y est pas egal, mais les stances reussies et les beaux vers y sont nombreux et confirment Ie talent de l'auteur qui est trios grand. Desrochers est un maitre artisan du vers-il est un technicien comme nous n'en avons eu que trop peu chez nous-et cet autodidacte a reussi, par l'etude et la reflexion, Ii acquerir un bagage de connaissances et un repertoire d'idees qui sont venus freiner ce qu'aurait pu avoir de trop desordonne un temperament exceptionnel. Ces dons varies nous valent un poeme qui evoque un Titus sans cesse reincame it travers les siecies et toujours amoureux de la femme etemelle qu'il regrette d'avoir repudiee pour sauver son trone, mais aussi d'age en age pour entreprendre la conquete successive de la liberte religieuse, des continents inconnus, de l'art, de la richesse, et de la science. Mais l'homme apprend "Ie Ut,ant des dominations " et Ie seul reve qui survit Ii ses peregrinations, c'est l'etemelle Berenice: Je ne veux rien savoir, sauf que tes bras sont blancs Et que, malgre Ie faix terriblede l'absence, Tu restes Ie desir de mon adolescence: Immuable, inchangee, apres ces deux mille ansi I Desrochers fait la preuve que la poesie peut encore s'incamer dans des poemes de forme ancienne, et il Ie dit a sa maniere: Sur des pensers nouveaux j'ai fait des vers antiques. Un autre poete de cette generation, qui n'avait rien publie depuis plus de vingt ans, a reuni sous Ie titre Cendres chaudes (Quebec: Librairie Garneau, pp. 82, $2.25) des poemes d'inspiration surtout erotique dont l'impudeur n'ad'egale que l'academisme. Francis DesRoches est un petit romantique impenitent qui sait assez bien toumer Ie vers traditionnel pour exprimer des sentiments vieux comme Ie monde, mais LIVRES EN FRAN<;lAIS 501 sans en renouveler l'expression. Son oeuvre est d'un bon artisan. Bon artisan aussi, Rosaire Dian-Levesque a reuni dans Quete (Ubrairie Garneau, pp. 50, $1.75) des pieces inspiTlees par Ie sentiment religieux, l'amour et la nature rnais qui ne som guere dignes de son talent qui nous a valu autrefois des oeuvres fort superieures It ces exercices de prosodie. Nettement meilleurs sont les tercets multiplies par Jean Menard dans Les Myrtes (Beauchemin, pp. 66, $1.50) pour chanter la nature. Avec une patience sans doute exemplaire, l'auteur des Plages a su evoquer les eouleurs et les parfums de la vegetation luxuriante qui pousse a toutes les pages de son deuxieme recuei!. Cette poesie tres appliquee manque de spontaneite; elle nous offre It admirer de jolis bibelots qu'un artisan qu'on dirait d'un autre age a ciseles avec un soin extreme. II faut sanS doute un certain courage pour nager ainsi contre Ie courant. Eloi de Grandmont est reste, lui aussi, tres conservateur et dans son nouveau recueil de poesies, Une saison en chansons (Editions Lemeac, pp. 121) on trouve ce melange de tendresse et d'ironie qui est sa marque propre. Cette poesie est faite avec des riens-Ie moindre faitdivers lui inspire une piece emue au amusante-mais l'iranie est certes plus accusee iei que dans ses recueils precedents et l'art en est mains rigoureux. Certaines de ses chansons sont delicieuses, de meme que quelques-unes de ses satires; Grandmont est certes dans la lignee de Prevert, et meme lorsqu'il se moque volontiers des autres et de soi, il ne peut toujours cacher une certaine melancolie, une tristesse qu'il est trap discret pour etaler en public (La vie me prend). Eloi de Grandmont reste unbon poete mineur. Dans Pour salmr une ville (Paris: Editions Seghers et Montreal: HMH, pp. 74, $2.25) Jean-Guy Pilon a repris son Recours au pays . dont il a ete question dans ce releve il y a deux ans, et il y a ajoute deux suites d'un interet moindre-Poemes pour mainlenant et Pour salmr une ville-ainsi qu'un beau poeme plus long, La parole est analtre. II y a beaucoup trap de litterature et trap peu de poesie dans les breves evocations des villes visitees, mais Ie reste du recueil est comme une repetition constante et variee d'un seulleit-motiv: il faut humaniser ce pays et se realiser soi-meme en construisant l'avenir collectif: Vient un jour au chaque homme reneontre son pays et lui dit oui It jamais. Ce pays auquel il a dit oui, e'est pour Pierre Perrault cette cote nord du Saint-Laurent que Cartier a baptisee "terre de Cain" et dont Ie poete chante l'apre grandeur dans une suite de textes courts reunis sous Ie 502 LEITERS IN CANADA: 1963 titre Toutes Isles (Fides, pp. 191, $3.00). On n'avait peut-etre pas ecrit d'aussi belles proses poetiques depuis Mgr Felix-Antoine Savard; des proses qui collent de pres au sujet et constituent en meme temps un document de premiere main sur ce dur pays, sa faune et sa Hore et sa population de pecheurs et de chasseurs. II y a certes dans ce beau livre, fort bien illustre, de nombreuses pages de reportage de style inegal qui constituent une sorte de repertoire folklorique des us et coutumes du pays; mais souvent, surtout devant Ie paysage dont il admire I'immensite comme il en observe les details, I'auteur devient Iyrique et s'eleve jusqu'li la poesie. II n'y a peut-etre pas dans Toutes Isles beaucoup de pages d'anthologie; mais iI y a d'un bout II I'autre du livre une unite de sujet et d'inspiration qui lui donne SOn poids et sa mesure. L'ouvrage aurait gagne it etre emonde de certaines pages plutot banales, au faisant double emploi; II tout prendre, c'est neanmoins un beau livre. Cette mer qui baigne les cotes du golfe Saint-Laurent, elle accompagne sans cesse les gestes de I'amour que Pierre Perrault celebre dans les Ballades du temps precie"" (Editions d'Essai, pp. 136, $2.00), suite de poemes d'allure vive et legere inspires par les joies de I'amour et dont les vers sont charges d'images d'une sensualite que la lutte amoureuse communique a la nature m~me. C'est une reuvre mineure, mais d'un charme certain; il y a ici une part de jeu qui tombe sans doute plus d'une fois dans I'artifice, mais Ie poete peut-il etre toujours grave et lourd? II est certain, en tout cas, que parmi les jeunes poetes dont I'ceuvre commence a avoir du pOids, Lapointe, Pilon et Perrault sont de ceux qui ant fait un reel effort d'approfondissement au de renouvellement. Parmi les jeunes deja cannus qui ant fait un effort pour renouveler leur poesie, il y a encore Gerald Godin dont les Nouveaux poemes (Editions du Bien Public, pp. 53) nous conduisent d'etonnement en etonnement. L'auteur joue avec beaucoup de desinvolture et d'adresse les trois cartes du fran<;ais, du "joual" et de I'americain pour creer un langage poetique qui n'est qu'a lui. Cette poesie est comme un feu d'arti!ice verbal, rnais derriere ces acrobaties linguistiques se cache mal une tristesse profonde qui colore de gris la grande aventure de I'amour qui lui inspire ses meilleures pages. II y a certes ici une part considerable de pure virtuosite, et cela ne va pas sans parfois agacer Ie lecteur, rnais on se demande si Ie poete n'eclate pas de rire-et d'un rire souvent grasafin de ne pas pleurer. Paradoxalement, la poesie de Gerald Godin est gaie et melancolique II la fois. On retrouve dans Et Ie solei! a chavire de Guy Robert (Librairie Deom, pp. 56, $2.00) Ie m~me vice fondamental que dans ses Brouissailles givrees. Ce poeme en prose abonde en images extravagantes, mais on ne peut y trouver d'idee centrale, d'intuition premiere qui donnerait a cette poesie une unite de ton et du style. La dispersion est ici trop grande pour que Ie poeme ait la cohesion desiree. Le vice profond de l'auteur, comme poete et comme prosateur, c'est son gout evident pour la logomachie: la poesie est neanmoins plus qu'une simple affaire de mots. C'est sans doute ce qu'il faut rappeler aussi a Guy Gervais dont Ie Tir (Editions d'Orphee, pp. 44) n'est qu'une petarade desordonnee dont la cible est invisible. La poesie de Marie-Claire Blais est aussi tres difficile It saisir, son intention est obscure et sa composition ne semble obeir a aucune regIe. On a l'impression qu'il s'agit d'improvisations constantes et, comme l'executante est douee, il y a des moments privilegies qui vous charment un instant, puis vous retombez dans l'indefinissable. Pays voiles (Librairie Garneau, pp. 45, $1.50) reprend en vers ces evocations vagues et mysterieuses des sentiments et des hantises propres ala jeunesse inquiete et nOus les communique dans une atmosphere de r~ve, ce qui permet it l'auteur la plus grande liberte. II est dommage toutefois que tant d'images heureuses et imprevues soient comme des accidents dans une oeuvre qui reste dans son intention comme dans son execution, mal saisissable . Ces pays sont vraiment voiles. Par contre, chez Wilfrid Lemoine tout est clair, tout est nettement organise par l'esprit. Mais voila sans doute pourquoi les intentions genereuses de l'auteur, et sa revolte al'idee d'une guerre devastatrice, ne parviennent pas a nous emouvoir vraiment. Sauf-conduits (Editions d'Orphee, pp. 60, $1.25) est une oeuvre d'inspiration genereuse et manifeste une belle conscience d'homme. Mais on peut se demander si ces cris de protestation contre les assassinats collectifs soient de la poesie? II nous touche un peu plus quand il aborde des themes plus simples, rnais It tout prendre on s'attendait II mieux de la part de l'auteur de Pas mr la terre. C'est bien une voix de notre temps aussi que celie de Gilbert Langevin qui, dans ses Symptomes (Editions Atys, pp. 50, $2.00), exprime, lui aussi, la hantise de la mort, mais plutot de cette lente mort qu'est la vie rongee par la maladie que de la mort subite due aune guerre nucleaire toujours suspendue sur nOStetes comme une epee de Damodes. Langevin aime un peu trop, lui aussi, les mots durs, les expressions qui font choc, mais ses poesies chantent plus que celles de Lemoine et il y a un progres tres net chez lui depuis A la gueule du jour. II ne semble pas y avoir 504 LEITERS IN CANADA: 1963 de murissement, d'autre part, chez Isabelle Legris dont Ie dernier recueil, Parvis sans entrave (Beauchemin, pp. 130, $1.25) ne s'eleve guere au-dessus de la banalite de I'inspiration et de I'expression. Le sentiment de la nature est sans doute authentique ici, mais Ie style n'est pas ala hauteur de I'intention. De meme, Antoine Goulet a beau reunir ses dernieres pieces sous Ie titre Jeux et sortileges (Editions Nocturne, pp. 87, $1.50) ce n'en sont pas. Ces vers sont de la prose de bonne intention remplie de bonnes intentions; mais versification n'est pas poesie. Gest probablement Ie Pere Hyacinthe-Marie Robillard qui a publie cette annee Ie meilleur premier recueil de poesies. II est vrai qu'iI n'appartient plus a la generation montante et que son Blanc et Nair (Editions du Levrier, pp. 96, $2.50) reunit les meilleures poesies qu'il a ecrites depuis une vingtaine d'annees. Ses dons ne sont pas les plus forts, iI ne sera jamais un auteur du premier rayon, mais son livre ne manque pas de pages fortes, meme si Ie poete est trop souvent quelque peu livresque et, par moments, assez maladroit. Son inspiration est surtout religieuse certes, mais il se peut que ses pages les plus fortes, les plus emouvantes soient celles que lui a inspirees la derniere guerre (A nos morts, Le retour des commandos) OU iI a renonce au vers regulier pour Ie verset claudelien. II y est meilleur que dans les breves pieces a forme fixe. Que dire maintenant d'Experience (Editions des Freres des Ecoles chretiennes, pp. 75, $3.00) qui reunit les uns en regard des autres des pieces de vers en fran~ais par Alain Verval et des poesies anglaises de Lawrence Lande, si ce n'est que ce ne sont que d'habiles exercices de versification? Une benne partie de la nouvelle poesie est trop intellectuelle. Ainsi, les Chants de BoMme d'Eva Kushner (Beauchemin, pp. 64, $1.25) restent tres pres de la prose, ce sont des fruits de la meditation plus que de I'emotion poetique; I'auteur est meilleur critique qu'iI n'est poete et, si sa sincerite est evidente surtout quand elle aberde des themes religieux, iI n'est pas moins evident que la pensee prime Ie sentiment au point d'empecher Ie plus souvent la poesie de prendre son vol. Par contre, les vers de Madeleine Leblanc sont d'un romantisme qui tombe trop volontiers dans la sensiblerie et dans les emotions violentes; son Visage nu (Beauchemin, pp. 61, $1.25) ne porte pas son nom, il s'agit bien plutilt d'un creur sanglant. II y a aussi de bons sentiments chez Jacques Chapdelaine qui a reuni ses premiers poemes dans Trans-terre (Editions du Lys, pp. 53, $1.75), mais aussi des famaisies typographiques gratuites; quelques pages d'une belle simplicite sont peut-etre des promesses. Attendons. LIVRES EN FRAN<;'AIS 505 Meilleur est reve de Carl Mailhot (pp. 48, $1.25) est un debut qui laisse perplexe; I'auteur ne semble pas completement depourvu de tout don, mais il se cherche trap encore lui-m~me (et non sans moquer a I'occasion sa propre recherche) pour que nous puissions Ie trouver. II y a ici en tout cas une seve qui coule naturellement; s'il sait se trouver et manier mieux son outil, ce jeune poete pourrait fort bien trouver une place parmi les bans poetes de la generation qui monte. Peut-~tre faut-i1 caresser Ie m~me espoir a I'egard de Pierre Leger, un autre jeune poete qui cherche sa voie et ne semble pas I'avoir trouvee, du mains a en juger par Le pays au destin nu (Beauchemin, pp. 97, $2.00) au se retrouvent les themes qui courent aujourd'hui les rues-I'amour, la hantise de la mort, la dillicile amitie-mais sans unite de style au de ton. Par moments, un brin de poesie apparait, mais se perd aussitot dans Ie champ sterile de la prose. II semble toutefois que la revolte sincere de I'auteur contre un monde qui ne fait pas sa place a I'amour soit un levain qui pourrait bien faire lever la pate. Quelques petits recueils collectifs n'offrent guere d'interet. Deux d'entre eux, toutefois, meritent une attention particuliere. Poesie/Poetry 64, une anthologie de la nouvelle poOsie groupant seize poetes choisis par Jacques Godbout et John Robert Colombo (Ryerson Press et Editions du Jour, pp. 157, $2.00) comporte des poesies fran,aises de Gerald Godin, Andre Brochu, Andre Major, Fran,oise Bujold, Paul Chamberland et Michel Garneau. On a deja lu ces poemes de Godin dans ses recueils et quelques poesies de Paul Chamberland et d'Andre Major se retrouvent aussi dans un autre cahier collectif, Le Pays (Librairie Deom, pp. 73, $2.00), redoublements qu'i1 faudrait peut-~tre tenter d'eviter. Ces deux cahiers iIIustrent surtout une tendance nouvelle de la jeune poesie, cette poesie engagee qui veut servir la revolution du Quebec et en faire une republique independante. Cet engagement est un symptome interessant; iI n'est pas certain que la cause de la poesie y soit toujours bien servie. ROMANS ET THllATRE Jean Ethier-Blais L'impression premiere qui se degage de taus ces Iivres, c'est que Ie roman canadien-fran,ais ne sait pas au iI va; iI est, essentiellement, Ie reHet de personnalites qui cherchent a s'allirmer, II se decouvrir en se livrant. Ces Heuves autobiographiques font peur; II quelle mer menent-i1s? Et que charrient-i1s dans leurs eaux? On se demande, avec peut-etre plus de raison qu'autrefois, si ces romans auront une suite. Cela fait sans doute ...

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