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LIVRES EN FRAN<;AIS tq 539 II ne m'a pas ~t~ possible de d~finir plus nettement cet univers dont les contours ne sont pas encore tres arret~s, mais il est desormais certain que cette jeune po~tesse possede un sens profond de la solitude et que, consciente des limites de la parole, elle est neanmoins dou~e de dons verbaux capables de nous communiquer ses plus secretes angoisses dans ce monde qui lui est une prison. ROMAN HI THEATRE / Roger Duhamel II est tellement souvent question de la probit~ artlstlque d'Andre Giroux qu'on finirait par craindre que cet eloge dissimule une absence d'admiration esthetique pour son ceuvre. Ce serait en tout cas entretenir une deplorable meprise. II est trop evident que cet ecrivain ne signe pas une page qui ne corresponde a une experience interieure, it un souci toujours plus approfondi de verite. Si la puissance creatrice n'emprunte rien chez lui au fleuve balzacien, il se rachete amplement par la d~licatesse des sentiments et une emotion tremblante ou se ",vele souvent la qualite d'une ame aisement angoissee. Giroux n'a jamais cede au demon de la vitesse; la pr~aipitatiort-non plus que la betise!-n'est pas son fort. En ses jeunes annees, il fut l'animateur d'une revue dont nous devons etre quelques-uns it avoir conserve un excellent souvenir. Elle s'eteignit d'inanition, comme la plupart de ses sceurs canadiennes. Ensuite, deux romans de bonne venue, surtout Ie premier, d'up decoupage original. Et ce fut l'aventure de la television. Si j'ai peu de details sur sa fin abrupte, en revanche je puis temoigner que I'existence de cettefamille bourgeoise nous tenait acceur et que son brusque effacement a !aisse un vide nulleme:nt comble sur nos petits ~crans. Cet ~crivain au trait rapide et au souffie un peu court devait faire mei'veille dans la npuvelle. II est heureux qu'ill'ait devine et c'est avec un plaisir presque san~ melange que fai lu deux fois d'af1ileeMalgre tout, la joie! (Quebec: Institut litteraire du Quebec, pp. 233, $3.50). C'est une s~rie de brefs recies reprenant presque toujours des themes tres voisins les uns des autres. Le compositeur se plait ades variations tres souples sur la fragilite des sentiments humains. II ne fait aucun doute que Giroux apparti<;l1t it la lig!l~e des moralistes; comme tous ceux qui regardent avec intensite vivre Tes hommes, il est 540 Iq LI!ITERS IN CANADA: 1959 rarement gai. Je dirai meme que ces nouvelles sont sombres. La plupart d'entre ellc:s soulignent Ia duperie de nos rapports, Ies illusions tragiques dont nous nous ber~ons. L'homme et Ia femme essaient de se rejoindre; ,ils y parviennent, c'est aIa suite d'un compromis fonde sur Ie mensonge, souvent inconscient. nn'y a sans doute de verite que Ia mort qui nous depouille de toutes Ies conventions et de toutes Ies affahulations dont nous nous en,rourons comme autant de bandelettes pour masquer notre intime faiblesse. Un certain ton ironique releve ce que pourraient avoir de trop cruel ces tranches de vie OU tout firtit mal. rajouterai qu'il y a peut-etre un parti-pris d'obstination dan:; Ie pessimisme de Giroux; il n'y a pas en effet que des denouements tragiques anos pauvres existences. Libre alui bien sOr de se cantonner dans ce rayon OU il peut kisser sous-entendre son indignation blessee. Il ne s~est pas console d'avoir perduIe paradis terrestre. Il serait neanmoins malheureux que cette vision toute personnelle et valable de I'humanite Ie poussat ason insu vers une certaine facilite. Pour Ie dire en clair, Ia mort arrive trop frequemment a point nomme pour denouer Ies fils de I'intrigue. C'est moins un reproche qu'une constatation. On ne resume pas une quinzaine de nouvelles, dont quelques-unes comptent parmi Ies mieux reussies de notre litterature et se situent au niveau des meilleures de Claire Martin ("Avec ou sans amour"). Jepense notamment a Ia durete, au fond si equitable, du "Mari parfait," a la nostalgie tendre de "La Robe de linon bleu," ace tres beau recit emouvant de verite, "Ainsi done, Paule... ." Dans une anthologie, il faudra reserver une place particuliere a 'Joseph-Armand Massu, detective." L'auteur ,abandonne ici avec entrain a sa vehemence naturelle; il dresse un acte terrible d'accusation contre certaines methodes policieres. D'autre part, avec "L'Etranger," il quitte Ie rayon du realisme applique pour aborder Ie conte mor~r teinte de fantastique, qui est en somme un hyrnne a la purete. On risque de ne rien comprendre a I'ethique de Giroux si I'on neglige de temr compte de ce triomphe difIicile et toujours menace de l'esprit sur Ia chair. Il arrive aussi que I'invention ne soit pas ala hauteur de son art. On ,etonne par exemple de decouvrir une nouvelle edifiante dont un tire apart servirait les fins honbrables des groupements Lacordaire, de meme qu'un conte de Noel tout en guimauve. Dans tout recuei! de nouvelles, on peut decouvrir Ie meilleur et Ie pire. Mais ici Ie meilleur I'emporte de beaucoup. La conception que se fait Giroux des rapports de I'homme et LlVRES EN FRAN<;:AIS tq 541 de la femme, dans ou hors Ie mariage, apparaltra decevante; on ne njera pas qu'elle soit subtile, lucide, et probablement veridique. Desormais degage des servitudes de la production en serie, il poursuivra son ceuvre ii I'etiage ou ill'a toujours revee. George-Godley Roundabout n'etait pas ne pour passer ii I'histoire; il possede toutes les qualites negatives des millions d'etres anonymes dont Ie passage sur la planete ne !aisse aucune trace. Un biographe habile a su lui conferer un relief saisissant. Son prestige nalt d~ son insignifiance meme. En lisant Les Sentiers de la nuit (Montreal: Cercle du Livre de France, pp. 229, $2.50), je IJI! pouvais m'empecher d'evoquer Mort de quelqu'un, de Jules Romains, pour conelure que les personnages les plus falots sont souvent la provid'ence des romanciers suffisamment feconds pour en extraire une riche substance. C'est indeniablement Ie cas de Jean Simard. Cejeune Roundabout est ne dans !a bonne bourgeoisie westmountaise. nest serieux et applique, c'est-a-dire ennuyeux au dela de toute expression. Son pere, ministre protestant, aimerait bien qu'il lui succed:lt, mais il fmit par opter pour la banque ou un onele "arrive" doit pourvoir ii son avenir. Le garcon cOll$ciencieux et depourvu de toute imagination grimpe regulierement tous les echelons. On lui accorde meme Ie traditionnel voyage en Europe d'ou il reviendra amoureux de Londres et un peu effare de Paris. Comment Ie drame peut-il penetrer dans une existence aussi terne? Depassant !a trentaine et malgn! I'emoi que suscite en lui toute presence feminine, Roundabout decide d'epouser une compagne d'enfance, la douce et fade Theodora. Celle-ci est catholique et ne consentira au mariage que si son fiance se convertit. Notre heros y consent et ce sera sans doute Ie seul geste energique de sa vie. Sa famille est aux .bois et son avenir est compromis; desormais, il sera un gratte-papier et ne pourra plus ambitionner des postes superieurs. Sans doute s'en consolerait-il aisement, s'il n~ s'ajoutait une tragedie domestique permanente. L'education fausse, puritaine et janseniste, de ce couple les a mal prepares a une vie conjugale normale. La timidite et une pudeur ridicule I'emportant, ils vivent cote ii cote comme frere et scelli", non sans en souffrir dans leur esprit comme dans leur corps. Et puis Roundabout perd progressivement la vue pour devenir bient6t completement aveugle. Admis a la retraite, il demeure aupres de sa femmen ruminant des pensees et des sentiments qui Ie dechirent tout en concour.t, 542 tq LE'ITERS IN CANADA: 1959 ason approfondissement int~rieur. Les reflexions et les epreuves lui ant donne une densit~ que nous n'eussions pas d~s l'abord soup~onnee. Ce quatri~me livre de Jean Simard est son premier veritable roman, au il accorde une enti~re liberte ases personnages. L'ouvrage debute comme une satire d'un type humain et comme la critique aigul! d'un milieu social bien caracterise; nous reconnaissons la, sans aucun deplaisir, Ie spirituel auteur de Felix. Mais au fur et amesure que nous avan~ons, cette veine ironique fait place a une analyse beaucoup plus exigeante des ames, telle que nous l'avions goutee dans Mon Fils pourtant heureux. Roundabout n'est plus un fantoche inconsistant; il se pose les questions essentielles et s'emploie a y repondre en ses propres termes. Je note que son catholieisme n'est pas qu'une defi:oque, mais qu'il est vecu sinc~rement, bien qu'avee des moyen~ mediocres. Voila un roman plus complexe qu'il n'apparalt de prime abord. II fourmille d'observations precieuses et rares, cernant Ie sort d'un pauvre homme dans Ie contexte d'un mode particulier d'existence. Simard conserve toujours sa phrase efficace et coulante et il lui arrive meme, sans exc~s, d'acceder a un certain Iyrisme de bonne qualite; je pense notamment a ces deux au trois pages tres belles sur Paris. Le sourire narquois ne lui suffit plus; l'emotion Ie gagne quand il decrit Ie dernier voyage du pauvre couple a Atlantic City. On n'oubliera pas Ie recit de cette solitude a deux et Roundabout, malgre des differences qui sautent aux yeux, se rapproche neanmoins d'Alexandre Chenevert de Gabrielle Roy. La plupart des romans canadiens-fran~ais se soumettent aune evolution logique du recit. Pour faire vrai, ils cherchent a retenir toutes les donnees du reel. Le recit se deroule selon la dimension accoutumee, sans aucun sondage dans ces profondeurs au les etres parviennent a se reveler a euxmemes et aux autres. Parmi nos rornanciers, nombreux sont ceux qui simaginent atteindre a l'essence du personnage par une description minutieuse, materiellement exacte, du milieu au il vito Ce n'est pas suffisant . L'art doit etre ce quelque chose de mysterieux et d'indefinissable qui s'ajoute a la nature. C'est parce qu'il s'eloigne d~s sen~iers battus et qu'il esquisse une prise de conscience aun niveau superieur que j'appr"eie la tentative de Wilfrid Lemoine dans Les Anges dans la ville (Montreal: Editions d'Orphi:e, pp. 151, $2.00). Les amateurs d'emotions fortes seront de~us; ils n'y trouveront aueun de ces rebondissements sensationnels dont ils font trap aisement leur pature. Les evenements conservent toute leur importance, mais ils ne sont pas retenus comme tels; ils ne forment que la toile de fond ou s'agi- LIVRES EN FRAN~AlS Iq 543 tent un homme et une femme qui, sans ce drame collectif oil ils sont forcement impliques, ne se seraient peut-etrejamais rendus jusqu'au bout de leur verite. Lemoine a su traiter avec une discretion exemplaire nn sujet passablement scabreux, ce1ui d'un amour incestueux. Andre aime depuis toujours sa seeur Helene, de que1que deux ans son ainee. Cette passion contre nature I'a ecarte de ses concitoyens qui Ie rejettent; medecin, il a dii quitter I'hopital oil il e"er~ait sa profession. La guerre est venue et la ville, aux trois-quarts detruite, est aux mains des occupants. C'est la misere et la maladie regne en maitresse. L'eveque, d'accord avec Ie commandant ennemi, reelame d'Andre qu'il accepte la direction d'nne clinique d'urgence . La detresse des enfants finit par vaincre sa resistance et iI prend son service, aide d'Helene, infirmiere de carriere. Onapprend qu'un soir trois ou quatre soldats sont morts d'une grenade. Les soup~ons se portent sur Andre, a qui la societe locale n'a pas pardonne son existence hors cadres, meme si elle beneficie de ses soins. Innocent, tout concourt a l'accabler. II ne pourrait rejeter Ie fardeau de I'accusation, si Helene ne venait avouer au commandant qu'elle est la coupable. II n'en est rien, un enfant a fait Ie coup, pour se venger de la mort de son chien. Helene en somme veut passer au peloton d'execution. Elle est forte, elle I'a toujours ete, elle a toujours protege ce frere trop cheri depuis l'adolescence , elle est cQllvaincue qu'en disparaissant elle lui ouvre la porte d'nne vie d'homme. Le tragique de la situation est comme estompe par la purete de l'ecriture. Dans un passage de La Chute des corps, Maurice Druon a traite d'nne situation analogue en recourant aux moyens de l'erotisme Ie plus terre-aterre . Rien de tel dans ce recit oil tout ~'est que suggere avec la delicatesse la plus exquise. Cette pudeur d'expression comporte un inconvenient. Les personnages nous apparaissent comme des ombres que nous parvenons mal a saisir. Sauf Andre, dont nous demeurons Ie compagnon const~nt. faurais souhaite qu'Helene se manifest~t davantage au lecteur. Nous ne l'entrevoyons que petite fille deja sage et serieuse, perdue et cependant lucide parmi les fleurs du jardin. Dans son ambiguite, Ie commandant militaire possede plus de consistance, plus de relief. En revanche, la figure de I'eveque, tres schematique, penche du cote caricatural . Au fond, I'anecdote passe deliberement au second plan. Le roman fourmille de symboles, comme un recit d'Albert Camus; je mesure toute I'importance de la comparaison et n'ai pas am'en dedire. Poete avant tout, 544 tq LE'ITERS IN CANADA: 1959 Wilfrid Lemoine ne parvient pas et ne cherche pas sans doute a sombrer dans Ie marais de la banalite quotidienne. n se projette lui-meme dans ses personnages, a la poursuite des reponses qu'il souhaite a ses interrogations discretes. VamOllr, pense Ie commandant, l'amour SOllS toutes ses formes et dans tous ses exc~s. D'est-il pas toujours au centre de tout? Qu'it porte Ie masque de 1a haine, du desespoir. du crime au de la joie. n'est-ce pas toujours lui qu'il faut chercher. qu'iJ faut trouver pour vraiment comprendre un homme? Et l'homme est toujours a1a taille de son amour frustre ou vaineu. Le commandant pense :l la puissance de ces pcrsonnes auxquelJes la frustration amoureuse donna Ie coup de fouet de la grandeur; it pense aussi ala dech~nce de certains etres reduits par un amour trap serein. Bt il se dit qu'il semble bien difficile de vivre, parce qu'avec au sans amour, Ie premier probleme de l'homme demeure l'amour. Voila un commandant dont les preoccupations ne sont pas communes! Nous n'avons pas a Ie regretter. Nous assistons au drame d'un gar~on faible et trop sensible domine par une fille vigoureuse chez qui rien n'indique qu'eUe ait voulu cette predominance qui detient un caractere de fatalite. "Un etre peut-il ainsi s'accrocher a un autre, sans constamment se diminuer? S'il est permis a une fille exceptionnellement forte d'ouvrir quelques portes closes a un gar~onnet obsede, se peut-il que devenue femme elle continue Ie sauvetage sans amoindrir 1'homme qu'est devenu Ie gar~onnet?" Tel est bien Ie probleme central. C'est parce qu'elle 1'a compris qu'Helene prefere disparalire afm de donner naissance a1'homme dont, sans doute contre son gre, eUe a empeche I'accomplissement adulte. Mais on ne saura jamais avec precision si son amour emprunte plus a l'affection conjugale ou a 1'amitie fraternelle. Cette indetermination deliberee provoque un certain malaise. nne fait aucu.n doute que Wilfrid Lemoine a tente et a presque reussi un tour de force. n a accumule les difficultes. Son sujet, pour ne pas s'echouer dans des marecages libidineux, exigeait une maltrise exceptionnelle . Il s'est egalement prive de tous les appuis exterieurs qui eussent souten,u, plus ou moins arbitrairement, la marche de son intrigue. nest rare qu'on s'impose une telle economie de moyens sans risquer la secheresse . Les Anges dans fa ville beneficient d'une grande correction de langage; les tonalites grisatres 1'emportent sur les couleurs vives. S'il etait encore besoin de Ie demontrer, nous aurions ici une preuve nouvelle que les dons poetiques, s'ils sont sagement disciplines, ne nuisent pas a un roman. Voila un livre que je placerai dans rna bibliotheque tout pres des Chambres de bois d'Anne Hebert; j'y distingue une parente certaine. LIVRES EN FRAN<;AlS Iq 545 L'ouvrage comporte aussi deux nouvelles, d'un moindre retentissement. "L'Ange gardien" est un recit d'un cynisme cruel et mordant, peut-etre un peu trop appuye; on ne peut lui refuser lajustesse de l'observation. En revanche, "L'Ange de solitude" cede trop a une fantaisie debridee; les personnages n'existent que dans l'imagination febrile d'un adolescent impubere! Ce hors-d'a:uvre inutile n'enleve rien a la valeur d'un beau livre. Wilfrid Lemoine est un ecrivain de race; nous nous en doutions bien depuis quelques annees. Uo-Paul Desrosiers poursuit patiemment son co/cle romanesque, Vous qui passez. Le deuxieme tome, Les Angoisses el les tourmenls (Montreal et Paris: Fides, pp. 3I6, $12.50), vient de paroltre. rai entretenu assez longuement nos lecteurs du premier. Je me contente aujourd'hui de prendre date. Nous avions connu Romain Reurfds ala poursuite de son adolescence ecorchee. Nous Ie retrouvons marie, livrant des combats dans ses affaires et retrouvant Angeline Bazire, Ie sourire radieux de ses jeunes annees. II me paraitrait premature d'en dire davantage. II faudra attendre la conclusion de cette o:uvre dense pour tenter d'en mener a bonne fin une analyse complete. Que les admirateurs de Desrosiers lisent ce volume avec Ie meme interet qu'ils ont accorde au premier. Nous nous retrouveron ,s plus tard pour essayer de porter un jugement d'ensemble sur I'une des plus ambitieuses entreprises litteraires de ces dernieres annees. On a fait un certain tapage autour d'une jeune romanciere quebecoise. Nous possedons un gout assez marque, je dirais meme provincial, pour la demesure dans nos jugements, qu'ils emprnntent la forme du dithyrambe ou de I'excommunication. D'aucuns ont parle d'un roman noir, d'un livre ose, et ont meme evoque Fran.;oise Sagan. En faut-il davantage pour ecraser une petitejeune fille qui n'a pas vingt ans, Marie-Claire Blais, l'auteur de La Belle Bele (Institut litteraire du Quebec, pp. 2I9, h.50)? Bien sur, il ne sagit pas d'un recit rejouissant, mais les teintes de bitume ne sont pas recherchees arbitrairement comme telles. Les situations n'ofI;rent rien d'equivoque et l'ecriture ne brave jamais l'honnetete. Prononcer ici Ie nom de Sagan indique une meconnaissance absolue de l'une ou de l'autre romanciere, et probablement des deux! Que l'on accepte ou que l'on refuse l'art de Marie-Claire Blais, mais qu'on lui reconnaisse Ie merite d'une originalite authontique. Ce qui me frappe davantage et me ravit, c'est que l'auteur ait reussi, des l'aube de sa carriere, a transposer une experience personnelle-a moins qu'elle ne l'ait imaginee et l'entreprise n'aurait pas moins de prixune experience marquee de lucidite et de crnaute. Les etres qu'elle anime 546 tq LHITBRS IN CANADA: 1959 ne prennent qu'un faible appui dans la realite quotidienne; ce sont des personnages allegoriques, a demi desincarnes, reduits au depouillement de leur destin essentieL Ces hommes et ces femmes appartiennent a I'univers aerien et dur de Cocteau. Quelle vision sombre de I'existence, mais qui dira qu'elle soit enti~re­ ment inexacte? Tous les ctres n'ont pas la vocation du bonheur. Void Louise, cette femme-poupee faite de sensualite courte, follement eprise de son fils et devon!e d'un cancer 11 la joue; void son fils Patrice, un pauvre idiot, une trop somptueuse enveloppe pour un esprit-nain, poursuivant comme Narcisse sa sotte contemplation dans Ie miroir des eaux; void sa soeur, Isabelle-Marie, laide et mechante, et sans doute mechante parce que laide, celie qui voit avant les autres et sollicite les malheurs parce qu'elle ne peut vivre que dans Ie cIimat de la catastrophe. Un univers cIos, uni et torture, traverse pendant un temps par LanlZ, beau brummel mfiriss.nt, et par Michel, jeune aveugle aux cheveux blancs qui retrouvera, avec la lumi~re, Ie sens de la ferocite hum.ine. Des scffies, comme la chevauehee meurtriere de Patrice ou I'incendie delibere des fermes, prennent aisement une dimension epique. Non que Marie-Claire Blais enlle indfiment Ie ton. La sobriete de son style demeure toujours exemplaire. Une phrase courte, evoeatrice, une image nullement appuyee et generalement juste, des coupes adroites dans la narration, tout concourt afroler par des touches leg~res des th~mes dont J'~prete pourrait aisement entrainer aquelque lourdeur. Le recit ne s'enIise jamais dans les orni~res des observations realistes. n est constamment sauve par un don de poesie qui ne se confine pas aJ'expression verbale, mais atteint la vie jusqu'en ses profondeurs. Isabelle-Marie et Michel deddent de se marier; la sceneprcte aux conventions les plus poussiereuses. Lisez plutot: Son rire fusa atravers ses larmes. Enfin e1Ie sanglote. abandonnee al'epaule nue. Elle sentait qu'une partie des 'Jcux" allait prendre fin. Tout serait tellement grave desormais. Tout ressemblerait aLouise, aLanz, al'immense tragcdie qu'its deptoyaicnt tristement. Elle mordit l'epaule de Michael qui en fremit. nse remit aboire, agenouille pres de 13 source, buvant avec deIire comme on bait a vingc ans. Elle l'embrassa sur Ie nez. A midi Us partagerent les grappes de fruits comme leurs baisers. Ils s'exc1amerent de vitalite en ecoutant les oiseaux puis tremperent Ie pain dans l'eau fraiche. Le doux repas finissait. II importe peu de savoir si Marie-Claire Blais est la decouverte litte- LlVRES EN FRAN«AIS tq 547 raire de l'annee. Ce qui est certain, c'est qu'elle est un ecrivain deja maitre de ses sortileges. D'entree dejeu, elle depasse la zone banale des apparences pour atteindre au cceur de la creature, pour la debusquer en ses repaires les plus secrets. Doit-on souhaiter que les annees elargissent Ie champ de sa vision? Ou doit-on redouter qu'elles temissent la fraicheur de son regard? Meme si elle devait demeurer sans lendemain, La Belle Bete est plus qu'une promesse, c'est I'ceuvre deja mOre d'une enfant exceptionnellement douee. La participation des Canadiens au dernier conflit universel a enrichi notre litterature de quelques ceuvres romanesques qui ne sont pas negligeables , meme si aucune ne s'est elevee au niveau des temoignages bouleversants et durables apportes apres l'autre guerre par Dorgeles, Barbusse, et Duhamel, pour ne citer ici que les premiers noms qui se presentent d'eux-memes a la memoire. Jean Vaillancourt a su oxprimer avec habilete et sans vains apprets I'etat d'esprit de la troupe anonyme; Jean-Jules Richard revelait un style percutant et agressif en evoquant un moment de crise au front; Bertrand Vac etudiait non sans finesse Ie drame psychologique de I'officier fordment eloigne de ses responsabilites familiales et douloureusement partage entre Ie souvenir de la femme d'hier et la presence, neuve et seduisante, de celie d'aujourd'hui. Je ne me souvi""s pas que les combats navals aient servi de cadres it l'un de nos romans. II appartenait tout naturellement a Maurice Gagnon de combler cetre lacune. Officier de marine, il a servi sur nos navires pendant les hostilites. Les conditions de la vie it bord, les rapports des hommes entre eux, les exigences de la discipline, les risques a encourir en commun, tout cela lui est familier. II parle d'experience vecue et son recit, Les Chasseurs d'ombres (Montreal: Cerele du Livre de France, pp. 279, $2.50), en acquiert une authenticite indeniable. Les amateurs de la television savent que les fastes guerriers de la marine canadienne lui ont deja inspire Ie theme de quelques teletheatres qui ont connu un succes honorable . rai deja eu l'occasion de souligner que Gagnon est un conteur ne qui, meme en se conformant aux regles inevitables de la transposition litteraire , ne s'eloigne jamais beaucoup de la plausibilite courante. II prend toujours un appui solide dans la realite. C'est ce qui limite Ie retentissement de ses ouvrages 01'1 I'on peut admirer la technique de I'artisan trios habile plutot que s'"mouvoir a la creation de personnages abandonnes a eux-memes, c'est-a-dire aux contradictions de I'existence meme.En 548 tq LE'ITIlRS IN CANADA: 1959 revanche, c'est cette lucidite deliberee qui lui permet de se renouveler d'un livre al'autre avec une aussi apparente facilite. npasse ainsi d'un recit psychologique tres emouvant (L'Echeance) a une aventure fantastique (L'Anse aux brumes), d'un veritable scenario de cinema (Rideau de neige), al'histoire sabre et virile de Jerome Gauvain (Les Cnasseurs d'ombres). Quand un romancier connalt a fond I'atmosphere dans laquelle se deroule son intrigue, il court toujours Ie risque d'exagerer ses effets, de faire inconsciemment l'etalage de sa science. Gagnon n'echappe pas entierement it cet ecueil. II use avec intemperance du langage du metier et il ne parvient pas aeviter une certaine monotonie. Ces rondes de nuit, ces ordres brefs donnes aux diflhents echelons de la hierarchie, ces manreuvres it bard d'une fregate escortant un convoi dans les zones de combat, tout cela se repete beaucoup. Je me demande si cette accumulation de details techniques atteint son but, qui est de nous rendre sensibles aux perils de la mer. Le beros central, qui confere son unite au roman, c'estJerome Gauvain, un Canadien qui, ses etudes professionnelles terminees, ne peut accepter la grisaille d'.one carriere bourgeoise. n s'engage et participe ala guerre d'Espagne, sans convictions partisanes tres poussees, par gout du depaysement et de l'aventure. II en revient avec une legere claudication, .one cicatrice, et l'esquisse d'un amour madrilene. J'ajoute que cet homme dur ason corps est aussi un artiste qui a publie up. album de ses experiences espagnoles et que sous la fermete inflexible du commandant se dissimule .one sensibilite farouche. Tel est Jerome Gauvain qui, au moment que nous faisons sa connaissanee , est en passe de recevoir une nouvelle affectation. Reconnaissant ses aptitudes it l'autorite et son jugement solide, ses chefs Ie designent pour Ie Summerville, .one fregate mal en point, equipage et equipement, qui a besoin d'ctre reprise en mains par une poigne inflexible. Apres une periode d'entrainement et de mise au point, Ie vaisseau prend part en haute mer aux imprevus souvent meurtriers des engagements nocturnes. Leur sobriete meme rend ces descriptions convaincantes. En se rendant chez Ie commodore, Gauvain a fait la connaissance de Sherry Keith, jeune veuve de guerre qui porte l'uniforme. L'attraction reciproque joue avec la rapidite d'un lance-flammes! Deux etres se retrouvent qui se cherchaient visiblement de toute eternite. lis pal tagent les memes risques, ils parlent Ie meme langage. Cet amour s'accomplit dans un mariage au hasard d'une permission. Par la suite, ce ne sera plus que LlVRES EN FRANCAIS tq 549 songeries melancoliques et correspondance passionnee. La rigueur d'ecriture de Gagnon s'accommode assez mal du vocabulaire amoureux; il s'y glisse une sensiblerie artificielle mal accordee a l'ensemble du recit. Je n'ai rien dit du sous-marin allemand qui poursuit Ie combat et que Ie Summerville coulera par Ie fond. L'auteur a choisi de nous faire penetrer dans Ie camp ennemi et quelques chapitres parall~les nous initient aux pensees et aux efforts de I'equipage allemand. Je dois noter que ces incursions constituent un hors-d'ceuvre inutile, qui n'ajoute rien • I'interet reel que nous prenons au roman. II est heureux que Gagnon n'ait pas pousse tr~ avant cette narration jumelee, car il aurait dangereusement nui a l'unite de son livre. S'il a renouvele sa mati~re, il est demeure fid~le • la forme qui lui est propre. Des chapitres tr~s brefs, des changements de scenes rapides, nne phrase courte, courant droit a I'essentiel. II possede • merveille la technique du deconpage, pratiquant Ie plus souvent une sage economie de moyens. Son style reduit au squelette lui assure aisement la correction. Je ne doute pas que de nombreux leeteurs prendront plaisir aces "Chasseurs d'ombres "; Ie livre vaut par un don de vie, mais illui manque ce mysterieux prolongement interieur qui se ressent mieux qu'il ne se definit. Rene Chicoine se rev~le d'une activite debordante. Peintre, professeur, critique d'art, journaliste, il est partout et il y est de tout cceur. C'est ce qui rend sa personnalite aussi sympathique. Si son roman, Carrefour des hasards (Montreal: Cercle du Livre de France, pp. 213, $2.50), ne m'a pas enti~rement convainen, je I'ai lu avec une grande joie, parce que j'y ai trouve l'echo d'une vie spirituelle intense, meme si elle s'egare parfois en des voies inattendues. Le heros sappelle Julien Beaumont; c'est un peintre comme I'auteur, mais toute comparaison doit sarreter I•. On pourra pretendre que Chicoine s'est accorde ici quelque facilite, en choisissant un personnage et un milieu qui lui sont familiers. Ce qui n'enleve exactement rien • la pertinence de son analyse. Mon principal grief serait plutOt d'un ordre technique. Je sais fort bien qu'il n'est pas interdit aun romancier de recourir. la forme dujournal. Cependant, dans ce roman, Ie journal accapare la part du lion. La marche du recit y acquiert peut-etre trop de lenteur. Une fois admis Ie procede, il n'y a plus a s'en inquieter. j'ecarte ici Ia vie sentimentale de Beaumont, parfois assez bien remplie et nullement depourvue d'interet. Ce qui me frappe davantage, c'est Ie drame du createur, devenu en quelque sorte impuissant au moment OU il devrait davantage donner et qui ne reviendra it I'ceuvre qu'apr~s plu- 550 tq LB'ITBRS IN CANADA: 1959 sieurs annees de stagnation. n y aura gagne un enrichissement personnel, mais il aura aussi perdu ce qui est surement irrempla(able, c'est-a-dire d'appartenir pleinement a sa generation. Je constate que Beaumont veut combler cet hiatus, mais y parviendra-t-it? C'est Ie destin de beaucoup de nos artistes a qui fait defaut tine ambiance favorable et stimulante. L'ecrivain,le peintre,le compositeur, est trop souvent un isole au Canada. II perd pied et eprouve des difficultes it rattraper Ie temps ecoule. L'ecriture de Chicoine be.neficie beaucoup de la justesse de I'ceil du peintre. n decrit un personnage, un interieur, un paysage, par des notations precises et des couleurs exactes. Carrefour des hasards est I'ceuvre d'un romander qui ne se contente pas d'animer des personnages, mais s'efforce de mettre ajour leurs resonances les plus intimes. Pour parler pertinemment de L'Aube de la joie (Montreal: Cercle du Livre de France, pp. 217, $2.50), je devrais ceder la place a une plume feminine dont la delicatesse saisirait les details d'une existence tiree ades centaines de milliers d'exemplaires. J'ignore tout de I'identite de I'auteur, qui signe discretement Anne-Marie. Je devine I'epouse intelligente et heureuse d'un medecin qui raconte la vie qu'elle a vecue ou souhaite vivre; au couvent, les religieuses devaient lui repeter qu'elle avait un joli brin de plume et nous convenons sans aucune hesitation que les religieuses avaient raison. Ne cherchons pas ici une tragedie racinienne. Titus et Berenice ne seront pas separes! lis elevent au mieux leur petite famille. Le pere, medecin, subit I'epreuve de la rivalite professionnelle, rnais iI s'en tire avantageusement et nous nous en rejouissons avec sa femme Helene. Celle-ci est une epouse exemplaire et chretienne, nullement bigote, charmante asouhait; on aimerait la compter parmi ses relations. II lui arrive de souffrir des absences fn'quentes de son mari, rive ason hopital et ases malades, mais elle sait faire contre mauvaise fortune bon cceur. En terminant son recit, Anne-Marie ecrit: "Quelque part au fond du ciel, j'ai trouve Ia plenitude, Ia paix; les dialogues cessent en moi-meme, les idees multiples et diverses se fondent en une seule certitude; I'amour a croise les fils et tissera notre destinee." Voila un roman qui enchantera Michelle Le Normand et qui s'inscrit dans la lignee de "La plus belle chose du monde." Meme s'iI appartient au rayon mineur de la creation romanesque, L'Aube de la joie a sa place dans notre litterature. C'est un roman rose et qui n'est jamais bete, bien au contraire. II est rafra1chissant comme la rosee. Un rai de lumiere dans la nuit sombre. UVRES EN FRAN<;:A1S tq 551 La publication des "Cahiers annuels de l'Academic canadiennefran ~aise" constitue un petit evenement litteraire. Les premiers fascicules consacres it la poesie, aI'histoire, et aux essais critiques avaient suscite de la curiosite et de l'interet. Cette annee, en reunissant SOllS une meme couverture onze contes et nouvelles signes d'ecrivains de belle reputation, Ie succ~s de Contes et nouvelles ("Cahiers de l'Aca:demie canadienne-fran- ~aise," no. 4) (Montreal: 535 avenue Viger, pp. 162, $3.00) me paralt moins eclatant. Je m'empresse d'ajouter qu'un romaneier de qualite peut aisement echouer dans un recit de dix ou vingt pages. Alain Grandbois (,Julius") s'est accorde la coquetterie de rediger une nouvelle qui ne comporte qu'une seule phrase et bien entendu un seul paragraphe. Ce n'est pas cette prouesse proustienne qui nous retient davantage, mais bien plutot la re-creation adroite du milieu naturel d'une certaine jeunesse doree europeenne, peut-etre aujourd'hui disparue, mais qui a existe en ces annees familieres it l'auteur d'Avant Ie chaos. Langue concise et directe, de la meilleure frappe fran~aise. Avec une rare economie de moyens, Marie Le Franc ("Solitudes") a reussi la nouvelle la plus saisissante du recueil; tres loin de la civilisation, deux ettes reduits it leur esquisse essentielle se decouvrent silencieusement au seuil de leur mort commune. Robert Charbonneau ("Aucun Chemin n'est sUr ...") n'a rien perdu de son gOltt de l'analyse psychologique. Uaffectionne scruter Ie comportement des etres en apparence les plus anonymes; en se penchant sur Philippe Maugret, n'a-t-il pas songe it Berthelot Brunet? Ces pages paraissent extraites d'un roman dont nous souhaitons la publication, de la part d'un ecrivain devenu trop discret depuis quelques annees. J'en dirai autant de Germaine Gueremont ("Le Plomb dans l'aile"), qui nous ram~ne a ses personnages du Chenal-du-Moine; si nous ne connaissions deja l'atmosphere captivante de ce petit monde ferme, ce trop court recit ne nous Ie ferait pas decouvrir. Leo-Paul Desrosiers ("Les Bien-aimees") s'C5t dispense d'une intrigue, ne visant qu'a nous communiquer ses vues, genereuses et indulgentes, sur les mariages hatifs; il accumule quelques exemples de ratages qui n'ont rien de rejouissant. Quand Ringuet ("Cinema") se penche sur les petites gens, il revele son pessimisme foncier, parfois eclaire par quelques observations cocasses ou malicieuses; mais la matiere de cette nouvelle est tr~s mince. Par queUe subite aberration Roger Viau ("Le Moteur toume rond"), qui temoigna d'une certaine puissance cfeatrice dans "Au milieu, 552 tq LETIERS IN CANADA: 1959 la Montagne," s'est-it abandonne aune veine melodIamatique susceptible d'alimenter un episode troublant d'un roman radiophonique? Le rayon de la fantaisie n'est pas deserte. Le Pere Gustave Lamarche ("Contes du bon Dieu") reprend Ie recit biblique de la creation du monde. n se veut ['emule de ['auteur de la Genese; ille fait en poete inspire et certains accents de son Iyrisme theologique atteignent a la grandeur. Yves Theriault ("Ladislas") retrouve ces etres frustes de la montagne qui revivent periodiquement sous sa plume; c'est dans cette voie qu'it est a son meilleur. J'ai toujours eu un certain gout pour Ie roman et les nouvelles d'Adrienne Choquette, mais cette fois-ci, "Sortilege" n'opere pas du tout en moi; Ie recit n'est pas "place," comme on Ie dit d'une voix. Enfin, je ne veux pas etre injuste pour la science tres vaste de Marius Barbeau ("La Femme de bois"), mais je demeure tout a fait impermeable a ces rapetassages de legendes indiennes; je regrette d'avoir perdu la naivete qu'on prete volontiers aux contemporains d'Homere. Ce quatrieme "Cahier," meme s'il n'atteint pas a ['excellence que nous eussions revee, n'est nullement in,different. Plusieurs ecrivains que nous aimons se rappellent a notre souvenir et nous font regretter que leurs ouvrages se fassent trop rares. nest apeine besoin d'ajouter que Ie volume, con~u et realise par Victor Barbeau, se presente avec une sobre elegance. On s'indigne d'autant plus qu'il s'y soit glisse un certain nombre d'erreurs typographiques; elles sont ace point evidentes que Ie lecteur, comme on dit generalement, aura rectifie de lui-meme. L'eclectisme Ie plus aere a preside a['etablissement du cinquieme cabier des Eerits au CanadaJranrais (Montreal: Ecrits du Canada Fran~ais, pp. 263, $2.50). II y a sept collaborateurs, dont au moins cinq possedent deja une certaine notoriete dans nos lettres. Le choix des textes temoigne d'une louable variete; un essai, un conte philosophique, une piece de theatre, une etude historique, des poemes, des proses poetiques, et une correspondance. Te n'hesite pas a affirmer que cette livraison depasse de beaucoup en interet celles qui ['ont precedee; les lecteurs les plus differents trouvent ici ['occasion de satisfaire leurs gouts personnels. Pour rna part, j'accorde d'emblee rna preference aux lettres de StDenys -Garneau adress':es a Jean Le Moyne. Elles revelent la meme densite, la meme lucidite, que les pages les plus hautes du "Journal," avec en plus un elan d'affection amicale. On s'etonne-plus exactement on ne s'etonne plus desormais-qu'un gar~on au debut de la vingtaine reussisse avec autant de finesse qui n'est pas qu'intellectuelle a debroussailler Ie LIVRES EN FRANC;AIS tq 553 maquis de ses sentiments instables et a communiquer sans apprets Ie meilleur de lui-meme. Des initiales, quelques lignes sautees permettent de ne pas violer I'intimite de rapports personnels; nous en savons assez pour apprecier la qualite d'une ime, comme pour regretter de n'avoir point les reponses du destinataire, dont nous avons raison de penser qu'elles sont d'une valeur analogue. Saint-Denys-Gameau ecrivait longuement, ne laissant rien dans l'ombre, analysant a loisir les emotions qu'il ressentait. Ce reveur d'une sante fragile affiche une clairvoyance exceptionnelle pour decomposer ses sentiments. II envisage avec nettete ses perspectives d'avenir, nous apprenant qu'il a subi, fugitivement, la tentation de Ia medecine. n fait Ia connaissance d'une jeune fille, deja fiancee, et il imagine autour de cette Yvonne de Galais les grandes lignes d'un roman possible et qui n'aura pas lieu. Plus tard, avec une gravite et une abnegation touchantes, il evoque, une fois apaise I'orage interieur qu'illaisse deviner, I'un de ces transferts du cccur qui ne s'eflectue pas sans dechiremcnt et qui se resout ici en une amiti" virile; Ie calme du midi apres un matin trop ebIouissant. II y a de tout dans ces Iettres, meme de la frakheur et de l'abandon, malgre des preoccupations trios elevees. Qu'il parle de Baudelaire ou de Dostoievski, du demier concert ou du demier disque entendu, de la peinture ou de sa peinture, Saint-Denys-Gameau ne s'exprime qu'avec ferveur. II accepte ou il rejette, non pas d'un mouvement d'humeur, mais ala suite d'une reflexion attentive. La moindre impression nee de I'incident Ie plus banal cree en lui de profondes resonances et explique les periodes d'abattement physique et de prostration morale auxquelles il est en proie. nse releve bientot grace a une meditation spirituelle d'une admirable liberte d'allure. Je detache ici quelques lignes qui forment la trame de certains de ses poemes: "Cependant que l'on sombre au fond de la mer interieure de douleur, au lieu d'etre allege indicibIement et pour ainsi dire immaterialise, on a sur soi, lourd anous etouffer, Ie poids de la vie et comme la multiplication du pecbe origine!." La joie, c'est sombrer en Dieu, et la douleur, c'est sombrer en soi. "Je ne dis pas oh! que non! que la douleur est meprisable; c'est la couleur de I'homme; mais la joie est la couleur de Dieu, Ie rayonnement jusqu'ici de son etemel bonheur. Son rire est Ie clairjaillissement de la generosite.... Heureux qui connait la joie, car alors il s'oublie et son chant d'allegresse monte jusqu'. Dieu sans bifurquer." C'est peu de noter qu'aucune de ces lettres n'est indifferente; elles 554 tq LEITERS IN CANADA: 1959 associent aux idees les plus exigeantes les sentiments les plus delicats et les plus vrais. Elles nous font esperer qu'un jour Ie public pourra prendre connaissance de la correspondance complete de Saint-Denys-Garneau, avec des gloses et des annotations qui en rendront la lecture plus enrichissante . Ce sera un document humain encore plus que litteraire. Cet ecrivain mort jeune detient Ie privilege de quelques amities fideles qui assurent son rayonnement et prolongent son souvenir. Maurice Tremblay etudie Ie nationalisme sous sa double forme d'ideologieet de sentiment collectif Il recourt volontiers aun vocabulaire abstrait et savant pour donner Ie change sur sa douteuse objectivite. Convaincu que cette pensee traditionnelle ne s'est vraiment jarnais inscrite dans nos structures mentales, nos institutions, et notre comportement quotidien, il doit neanmoins se rendre it l'evidence et faire une exception pour Ie concept de 1'autonomie provinciale qu'iljuge avec un certain dedain comme electoralement rentable, comme si elle n'etait que cela. Le pessimisme, qui est peut-etre l'envers d'un amour de~u, de Guy Fregault, et de Michel Brunet donne satisfaction aTremblay; aussi prefere-t-il s'en prendre au nationalisme positif du chanoine Groulx-qu'il appelle encore abbe-en s'attaquant aux ouvrages d'Esdras Minville. Il serait evidemment trop long et un peu fastidieux d'entrer dans les details d'une argumentation qui n'est pas neuve mais qui est honnetement presentee. En gros, la these se resume en quelques lignes. Avant d'etre citoyen d'une patrie, 1'homme est citoyen du monde. Ses responsabilites humaines, universelles, prennent done Ie pas sur ses responsabilites nationales . Dans un pays comme Ie notre OU la situation est plus complexe, l'individu a des obligations envers Ie Canada qui depassent ses devoirs a 1'egard de sa province ou de son groupe ethnique ou de sa communaute intellectuelle. Il s'ensuit que dans Ie domaine social, par exemple, Ie civisme impose la collaboration avec des organismes similaires aux notres chez les Canadiens de nationalite differente. Maurice Tremblay prefere lajustice generale ala piete patriotique; qu'il se rejouisse, cette tendance gagne rapidement du terrain. C'est Ie moyen Ie mieux assure de travailler efficacement it l'annihilation plus ou moins prochaine du Canada fran~ais. En ne respectant pas la hierarchie naturelle des valeurs, mais en l'inversant arbitrairement pour satisfaire aune conception artificielle et sans fondement des rapports humains, on aboutit a une depersonnalisation de l'individu; vide de sa substance propre, il n'est LlVRES EN FRAN<;:AIS tq 555 plus qu'un etre emascule. Une fois qu'il n'y aura que des Canadiens tout court, pourquoi s'arreter ami-chemin et ne pas reclamer I'abolition des notes individuantes de toutes les nationalites sur la planete? Le seul motif d'espoir, c'est qu'il arrive souvent que les populations, par un instincttres sur, evitent de devenir les victimes de la trahison de leurs clercs. s'il n'a encore ecrit que quelques pieces qui ant connu la notoriete ephemere de la television, on soup,onnait bien les dons d'Hubert Aquin. IIs s'affirment dans son recit "Les Redempteurs," au il a su vaincre la difficulte du conte philosophique charge d'allegories et d'intentions. Sans un talent certain, un ecrivain risque toujours de rater la cible de la verite. Ses personnages portent un poids trap lourd de signification pour s'agiter d'une vie independante de celie de I'auteur; ils ant tendance ase figer dans des poses hieratiques et 11 acquerir prematurement I. fixite minerale des bas-reliefs. La scene se passe aEdam, "en un temps oilles hommes n'etaient pas nombreux, bien avant les prophetes...." Une petite communaute oil ant cours les sentiments ordinaires, au les citoyens aiment et haissent, vivent et meurent, sans s'interroger sur leur ultime destination. Survient Sheba, un prophete, qui les ramene al'essentiel, qui rcclame d'eux un acte absolu, qui leur impose par Ie prestige de sa parole de se rendre jusqu'au bout de leur courage. Pourquoi transmettre a sa descendance misere et decheance? "Taus les hommes expieront la faute d'Adam." II n'est qu'une solution, qui est de precipiter l'echeance fatale. Malgre des resistances passageres, des gibets s'elevent au periront deliberement les hommes, les femmes, etles enfants d'Edom. Ace rachat opere par un sacrifice volontaire et qui ne sera efficace que s'il est collectif, deux etres echappent. Unis par les liens d'un amour impetueux et frequemment comble, Elisha et Heman fuient cette necropole. L'immolation sera done vaine, puisque la vie poursnivra son ceuvre par la chair de cet homme et de cette femme dont la passion reciproque temoigne en faveur des desseins dn Croateur. A la solution en soi facile de I'exaltation expiatoire, ils ant prefere les angoisses et les incertitudes d'un avenir sans cesse menace. On pourrait s'appliquer adegager des symboles. IIs sont nombreux et parfois meme un peu confus. Je suis heurenx qu'ils ne s'expriment pas en clair, puisqu'ils generaient ala plausibilite d'un recit mene avec adresse. Aquin a-t-il cherche acondamner une heresie cathare avant la lettre? A-t-il voulu celebrer les forces obscures et triomphantes de la vie? Cette exegese 556 tq LB'ITERS IN CANADA: 1959 me retient peu au cours d'un recit excellent au s'entrecroisent camme en un microcosme les sentiments eternels des hommes jetes sur terre pour y .ccomplir leur destin. Toute I. maitrise de I'hisrorien Guy Fregault n'est pas superflue pour lui permettre d'etayer un jugement serieux, en une vingtaine de pages, sur les finances de I'Eglise du Canada sous Ie regime franc;ais. Meme s'il souhaite modestement que cette etude serve de point de depaIt it des recherches plus elaborees, on doute qu'il y en ait un autre que lui aussi bien outille pour les mener it bonne fin. On apprend que des origines jusqu'a 1660 environ, c'est-a-dire quand la Nouvelle-France est un pays de mission et une region de traite, les reuvres religieuses vivent grace aux bienfaiteurs des missionnaires et aux commanditaires des traitants. A I'avenement du gouvernement royal, la situation se modifiera. L'eglise devra compter sur la dime-ah! ces incessantes querelles entre Ie I3e et Ie 26eI- sur les revenus des seigneuries, sur les subventions du souverain, et sur les fondations. Deja se pose la question toujours epineuse des relations entre I'eglise et ['etat; it cet egaId, Fregault cite certains textes revelateurs. Le tout est exprime dans un style mesure et clair correspondant it la nettete de pensee chez I'historien. Depuis quelques annees, Andre Laurendeau s'est decouvert une vocation d'ecrire pour I. television.Je ne suis pas en mesure d'apprecier l'ensemble de cette production visuelle et sonore dont une bonne paItie a dfi m'echapper ; elle a suscite des critiques acerbes, mais je soup<;onne ses detracteurs de se venger sur ses reuvres dramatiques des idees politiques au sociales tres discutables de leur auteur. Quai qu'il en soit, j'ai pris plaisir a la representation de La Vertu des chaltes, et Ie jeu excellent et nuance d'Huguette Oligny et deJean-Louis Raux y etait sans doute pour beaucoup. Je dais reconnaitre qu'a la lecture la piece conserve tout son interet. Elle est it man gre trap statique; les personnages agissent peu, ils se confessent a haute voix, leurs propos, qui ne sont jamais pedants, sont neanmoins frottes d'une litterature facile. Cet homme et cette femme provisoirement isoles frolent ce que Jean Simard a appele avec humour "Ie peche de Quebec," mais ils ne cedent pas it I'appel de I'abime. Nous Ie savons des Ie depaIt, et c'est ce qui affaiblit l'interet dramatique. Si Laurendeau a voulu souligner quelque flottement dans nos consciences timorees et fort prudentes, il a atteint son but. "La Chair est un commencement," c'est un po~me en prose deJacques Godbout. En des croquis cursifs d'une ingenieuse legerete de touche, il LIVRES EN FRAN<;:A1S tq 557 nous presente quelques images de I'amour qu'il se refuse de cerner avec une precision qui leur ferait perdre leur charme rempli d'ombres. L'absence de ponctuation ajoute 11 ce sentiment planetaire d'une ronde universe1le ou sont engages tous les hommes depuis que Ie monde existe. Avec des mots de tous lesjours, Godbout exprime une poesie tr~s personnelle dont on accepte sans reticence d'eprouver Ie sortilege. En revanche, comme Marie-Claire Blais c~de au verbalisme! Ses po~mes coulent avec une abondance intemperee aussi bien qu'incontr6lee. La musique et la mer joignent leurs accords et deroulent leurs vagues dans un fracas OU s'entrechoquent les mots laches comme une meute. Lajeunesse poss~de tous les privileges, meme celui de s'enivrer 11 ses propres sonorites. I! y a ici toutefois trop de gratuite echevelee pour retenir longuement notre attention bienveillante. On recommande un bain d'austerite apres cette rupture des "eluses. Maintenant que les mois ont passe et que l'excitation periodique, rednite a quelques cereles concentriques sur la piece d'eau etale de nos lettres, qui entoure l'attribution du Prix offert par Ie Cercle du Livre de France s'est apaisee jusqu'lI la prochaine chute des feuilles, il devient plus aise de s'exprimer sur l'ouvrage prime. I! faudrait surtout reconnaitre une fois pour toutes que la tache du jury ne consiste pas a decouvrir un chef-d'ceuvre annuei; illui incombe de designer Ie manuscrit qui lui parait renfermer Ie plus de qualites parmi ceux qui lui sont soumis. On ne decouvre pas Proust ou Kafka tous les jours; des commentateurs, meme superficiels, devraient finir par s'en aviser. rai done attendu de I'avoir suffisamment oublie pour relire Ie roman de Pierre Gelinas, Les Vivants, les morts et les autres (Cerele du Livre de France, pp. 317, $2.50). Pas plus que la premiere fois, je n'ai ressenti Ie frisson que provoque en nous une ceuvre magistrale, mais que Ie livre se lise avec un interet soutenu, voila qui ne saurait etre mis en doute. L'auteur a Ie don de la vie, il ne c~de pas au style decoratif de l'art pour l'art. Ce qu'i! a 11 dire, ille dit sans appr;;ts, peut-etre meme parfois sans nuances, mais il ne triche pas. Desireux d'exploiter une experience humaine, il se rend jusqu'au bout de l'aventure. Nous nous plaignons souvent que nos romanciers ne communiquent pas avec leur epoque, que nous ne trouvions pas dans leurs livres I'echo des inquietudes contemporaines. Rien de tel avec Gelinas qui plonge en pleine pftte humaine et qui exprime des reactions canadiennes-fran~aises en face d'une situation donnee (tout commeJean Vaillancourt qui ne nous 558 Iq LEITERS IN CANADA: 1959 entretenait pas des guerres en general, mais nous contait sa guerre • lui). Nous retrouvons des incidents que nous avons connus, comme la greve des textiles, les congres des elements de gauche, la greve survenue chez Dupuis Freres, I'echauffouree du Forum au sujet de Maurice Richard, etc. Le seul dommage, c'est que ces faits souvent hauts en couleurs ne soient pas suflisamment transposes et que Ie reportage, aussi adroit qu'on Ie veuille, finisse par se superposer it la creation romanesque. Le heros du recit, Ie personnage qui lui confere son unite, est remarquablement bien campe. MauriceTremblay est tres representatifd'un type de revolte nullement exceptionnel chez certains gar,ons de classe bourgeoise . "Licencie en Sciences Sociales, il s'etait jete dans Ie syndicalisme comme on choisit d'etres missionnaire." On s'explique facilement cette noble ambition qui peut devenir it I'usage une illusion genereuse. Mu par ce sentiment, Tremblay sera pris dans un engrenage qu'i1 n'avait pas et qu'i1 ne pouvait pas prevoir,jusqu'aujour OU il s'apercevra, sans amertume et sans haine, qu'il est de ceux qui tirent les marrons du feu et que sa poursuite desinteressee du bien commun, au benefice de ceux qui en sont Ie plus eloignes, s'oriente dans des voies perilleuses et bouchees. Sans enlever Ie moindre merite • cette volonte de zele, iI y a lieu de souligner, et Gelinas I'a tres habilement montre, que les faits et gestes de Maurice Tremblay s'inscribent egalement dans un contexte plus personneL II entend secouer les chaines familiales, iI etouffe dans un milieu correct et mesquin, aux horizons bornes. II devine qu'i1 existe d'autres realites, plus importantes, derriere les colonnes de chiffres des bilans. L'auteur est neanmoins trop subtil pour obeir a une conception puerilement manicheenne de I'existence; iI sait que Ie monde ne se clivise pas entre bons et mechants. C'est pourquoi il ne jette pas I'odieux sur la famille Tremblay, qui vit sur un maigre capital de vertus etroites et qu'on ne saurait raisonnablement associer aux eperviers de la haute finance. Bien sur, Ie roman est beaucoup trop long, il gagnerait it etre resserre, • pratiquer une rigoureuse economie de moyens. II comporte une impressionnante serie dejurons et de phrases- je parle des dialogues--construites avec un mepris delibere de la syntaxe. C'est I. sans doute une exigence du realisme populiste, mais nous sommes devenus incapables de nousscandaIiser apres avoir ingere La Bagarre de Gerard Bessette! Retra,ant les etapes de son engagement, Ie heros atteint it la serenite: "Maurice ne regrettait rien. Si c'etait it refaire, il reprendrait Ie meme chemin. II pensa avec la meme tendresse it son pere, aVictor, • Windigo, LlVRES EN FRAN<;AIS tq 559 it Rejeanne, it Picard, aux tempetes englouties, i cette grande maree qui laissait sur la rive, non pas une epave, mais un homme. Par dessus ot au dela des systemes, il avait fait la decouverte des hommes, ses freres, les conquerants et les v.incus, les vivants, les morts et les autres. Au bout de la rebellion et de la colere, il apprendrait la charite." On pense malgre soi au "Deus est caritas" de saint Jean, meme si Dieu est terriblement absent d'un recit OU domine la consideration du proch.in. Pierre Gelinas nous livre un document de haute portee sociale qui entretient des relations convenables avec I'esthetique du roman. LES ETUDES SOCIALES / Jean-Charles Bonenfant Mgr Felix-Antoine Savard a publie, en 1959, deux livres OU la realite est embellie par les dons de l'ecrivain. Dans Le Barachois (Montreal: Editions Fides, pp. 207, $2.00), l'auteur s'est inspire surtout de son travail d'enqueteur folkloriqne dans les milieux fran(:ais du Nouveau-Brunswick, pour reunir des evocations poetiques, des portraits, et des dissertations qui trouvent leur unite dans un profond amour de la nature, dans une grande sympathie pour les pocheurs et les paysans, et surtout dans une langue precise, etincelante, et poetique. Signalons des morceaux comme "Le huard," "La benediction des barques," "Pecheurs de coques," "Le Ballet des chevreuils," et surtout un long chapitrc intitule Ie "Vieux John." Ce chapitre est une sorte de manifeste dans lequel Mgr Savard exprime de nouveau ce qu'il croit etre les veritables sources d'une poesie profonde et originale pour l'ccrivain canadien-fran~ais. Dans Martin Ie Pauv,.e (Fides, pp. 61, $1.00). Mgr Savard a raconte, d'une fa~on tres personnelle, dans une langue admirable la legende du saint qui, un soir d'hiver, aux partes d'Amiens partagea son manteau avec un pauvre. Le vingt-troisieme numero des Cahiers des Dix (Montreal, 1958, pp. 307, $3.75) contient des etudes historiques variees parmi lesquelles il convient de signaler celle que Jacques Rousseau consaere a "Ces gens qu'on dit sauvages," c'est-i-dire les Indiens d'Amerique; "Denonville," par Leo-Paul Desrosiers; "Samuel Holland," par Fran~ois-J. Audet; "Annees de jeunesse et vie familiale de Moses Hart," par Raymond Douville; "Breve histoire d'une longue amitic" (entre Mgr Paul Bruchesi et Thomas Chapais) parJean Bruchesi; "Correspondance Tache-Lafleche" par Albert ...

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