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Reviewed by:
  • J’ai fait ma chance by Annette Saint-Pierre
  • Jules Tessier (bio)
Annette Saint-Pierre, J’ai fait ma chance, Saint-Boniface (Manitoba), Plaines, 2010, 443 p., 26,95$

Le genre autobiographique comporte un avantage par rapport à la biographie, et c’est le récit à la première personne, le « je » étant plus vivant et intime que le « il » ou « elle » du texte composé par une tierce personne. J’ai fait ma chance, cette autobiographie d’Annette Saint-Pierre n’échappe pas à la règle, et comme on a affaire à une littéraire à la plume alerte et élégante, ce livre de près de 450 page se parcourt comme un roman. [End Page 246]

Née en 1925, son enfance se déroula à Drummondville au milieu d’une famille nombreuse, pendant la Crise, avec en toile de fond les angoisses des chefs de famille aux prises avec des difficultés financières, souvent carrément réduits au chômage, eu égard à l’état général de l’économie pendant cette période calamiteuse. Comme s’il fallait encore en rajouter, un beau jour de 1937, Arthur, son père, qui détestait la ville, se laissa embrigader dans un de ces contingents de colons pour aller défricher des terres en Abitibi. La nouvelle fut communiquée au reste de la famille dans les circonstances suivantes : « Un jour, je revins de l’école et, à l’heure du souper, sa chaise était vide. Ma mère avait peu à dire sur l’absence de papa. » C’est donc dire que très tôt, Annette fut témoin des aléas occasionnés par une telle conjoncture, ayant sous les yeux l’exemple d’une femme forte, sa mère, qui prit la gouverne de la barque familiale.

Première de sa classe, ainsi qu’il était courant à l’époque, elle fut accueillie dans un pensionnat moyennant des conditions financières des plus avantageuses consenties par les sœurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe, dans l’espoir que ce sujet de choix joigne les rangs de cette communauté enseignante. Ce qui advint le 28 août 1946, non sans de multiples hésitations, la jeune femme ayant eu jusque-là des emplois décemment rémunérés et des « cavaliers » qui avaient été plus que de simples « flirts ».

Et c’est ainsi que grâce à ce témoin privilégié, nous assistons de l’intérieur à la formation donnée aux postulantes puis aux novices, avec une sévérité sans concessions. Les débuts dans l’enseignement ne furent guère plus joyeux, dans une « banlieue naissante » de Montréal qualifiée de « trou », puis dans un bled où l’ennui vint près de provoquer le découragement de la jeune nonnette.

Et c’est au Manitoba que débuta la carrière de l’enseignante dûment diplômée, dans des conditions encore là spartiates, dans une école sans eau courante, avec des conditions d’hygiène minimales, n’ayant pour tout partage qu’une cellule aménagée dans un dortoir grâce à un système de courtines. Et c’était l’époque où les écoles de cette province étaient toujours soumises à l’inique loi Norris de 1916, laquelle prohibait l’enseignement du français et en français sous peine de sanctions. Elle passa outre à cet interdit : « J’enseignerais le français une heure par jour à mes risques et périls. Un élève, à la vue d’une certaine voiture qui longerait la rangée de piquets donnerait l’alerte et mon petit monde se mettrait en branle pour dissimuler tout indice de français. »

Tout en continuant à enseigner à temps plein dans diverses institutions et localités, ce sont ses vacances d’été, pourtant tellement méritées, qu’Annette Saint-Pierre dut engloutir dans des cours à l’Université d’Ottawa, à partir de 1961, afin d’y décrocher baccalauréat, maîtrise et doctorat, en 1978, après 17 ans de cours d’été. Mais les doutes quant à sa vocation religieuse ne cessaient de lui compliquer l’existence, et après de [End Page 247] multiples interrogations et...

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