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Reviewed by:
  • Apparitions. Inventaire de l’atelier by Louise Warren
  • David Dorais (bio)
Louise Warren, Apparitions. Inventaire de l’atelier, Québec, Nota bene, coll. Nouveaux essais Spirale, 2012, 121 p., 19,95$

Dans son précédent essai Attachements. Observation d’une bibliothèque (2010), Louise Warren invitait le lecteur dans l’intimité de ses rayonnages. Ce sont les portes de son lieu de travail qu’elle ouvre à présent dans son nouveau livre, intitulé Apparitions. Inventaire de l’atelier. L’atelier de l’écrivain consiste en son esprit vaste, lumineux et accueillant, espace invisible débordant d’idées, de sensations et de sentiments conservés en guise de matériaux destinés à la création. Confronté au monde, l’artiste est constamment partagé entre la fascination et la mise à distance. Ainsi, les « apparitions » et l’« inventaire » du titre représentent deux puissances contraires, l’une dionysiaque et l’autre apollinienne, dont l’atelier est le lieu d’affrontement : l’attrait médusant provoqué par les objets est compensé par un désir de connaissance et d’ordonnancement.

Les objets tels que les perçoit Louise Warren, proches des « choses » de Francis Ponge, hantent l’imagination avec une force invincible. Présents sous nos yeux, ils jaillissent en même temps dans notre monde intérieur et l’affectent d’une manière qui échappe aux mots. Seules les images et les métaphores parviennent à communiquer ce que l’on pourrait nommer par [End Page 230] pédanterie l’eccéité de l’objet. Le poids de réel de celui-ci surpassera toujours les faibles moyens du langage : « Il n’y a pas d’autre écriture que cette nuit bleutée qui mord doucement l’aube, découpe le vaisselier, la bibliothèque, éclaire le gong par en dessous. » L’essayiste désigne les objets comme des « fabriques de calme et de patience » : ils forcent l’esprit à ralentir et à contempler ce qui se trouve là devant lui, à se laisser imprégner de son influence sans chercher à ratiociner. La tranquillité de l’âme, comme la paix du lac, permet d’apercevoir ce qui se cache dans les profondeurs. Les objets ont le pouvoir de nous entraîner vers un arrière-monde qui constitue pour Louise Warren la source véritable de la création. De se tenir en arrêt devant ces mille natures mortes qui garnissent tablettes et crédences fait se lever lentement les mots par lesquels l’auteur arrivera à dire ce qui l’habite.

Le fragment s’est imposé à l’essayiste comme le genre littéraire le plus approprié à son projet : de même que l’objet surgit à la fois dans son immédiateté et dans son caractère insondable, le fragment est une apparition directe qui résiste à la compréhension. L’incomplétude constitue le cœur de ce livre : artefacts aux contours circonscrits ou éclats de texte sont comme les rêves après le réveil, ruines desquelles on cherche désespérément le modèle d’origine, idéal et perdu. La forme brisée libère la parole, de la même manière que raconter les bribes d’un rêve permet d’en retrouver le mouvement intérieur et de créer un lien avec les autres hommes.

L’essai Apparitions contient trois pages de photographies en couleurs, trois planches présentant, comme des insectes ou des herbes, des objets disposés sagement en deux colonnes sur un fond blanc : tasse métallique, carafe transparente, kilim rayé, clef moyenâgeuse … Leur disparité et l’arbitraire de leur avoisinement provoquent des chocs imaginaires semblables à ceux que produit un cabinet de curiosités. Sa collection, Louise Warren la peint ainsi : « Un musée réduit à l’expression d’un théâtre intime [ … ] Pas seulement une collecte d’objets, mais une manière de rêver. »

David Dorais
Département de français, Cégep de Sorel-Tracy
David Dorais

David Dorais, Département de français, Cégep de Sorel-Tracy

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