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  • Méditation et vision de l’essai. Roland Barthes, Milan Kundera et Jacques Brault by Pascal Riendeau
  • François Dumont (bio)
Pascal Riendeau, Méditation et vision de l’essai. Roland Barthes, Milan Kundera et Jacques Brault, Québec, Nota bene, coll. Littérature(s), 2012, 269 p., 28,95$

Claire de Obaldia, dans L’esprit de l’essai (cité p. 23), émettait l’hypothèse que la rareté des études en langue française sur le genre de l’essai s’expliquait peut-être par le fait que plusieurs essayistes, en France (mais on pourrait ajouter le Québec), avaient eux-mêmes développé une théorisation du genre qu’ils pratiquaient. Chez ces écrivains, la frontière entre l’écriture de l’essai et l’essayistique aurait ainsi été brouillée, en sorte que l’autoréflexivité et la théorie du genre seraient difficiles à distinguer. Tel n’est pas le cas dans le livre de Pascal Riendeau, qui adopte le registre de l’étude, faisant le choix d’une distance à l’égard de son objet, comme l’avaient fait avant lui Marc Angenot dans La parole pamphlétaire, ou, plus récemment, Marielle Macé dans Le temps de l’essai.

L’étude de Riendeau s’ouvre par un bilan des travaux publiés sur l’essai. Après avoir fait une synthèse des tentatives de caractérisation du genre, il choisit de tenir à l’écart la question de la définition, pour adopter une approche axée non sur la quête d’une essence, mais sur l’analyse des textes. Le bilan intègre non seulement les études portant sur l’essai proprement dit (celles de Jean Marcel et de Robert Vigneault, notamment), mais aussi les travaux sur l’autoportrait, l’autobiographie et l’autofiction. Cet élargissement permet de sortir du cercle des études canoniques et aussi de mieux percevoir la part d’essai dans la littérature contemporaine, même lorsque les textes ne se présentent pas explicitement comme des essais.

Dans les chapitres qui suivent, trois œuvres sont analysées : celles de Roland Barthes, de Milan Kundera et de Jacques Brault. Il s’agit d’œuvres très différentes, ce qui permet de multiplier les angles de lecture. Mais en même temps, un point commun reste frappant : aucun de ces auteurs ne peut être considéré uniquement comme un essayiste (contrairement à Pierre Vadeboncœur, par exemple). Plus encore : aucun d’entre eux n’est d’abord essayiste. En effet, Roland Barthes s’est imposé comme théoricien avant de tendre vers l’essai ; Milan Kundera se définit comme un romancier ; Jacques Brault est avant tout poète. Par le choix du corpus, le livre de Riendeau ouvre une perspective originale, et qui me semble particulièrement pertinente pour l’approche de la littérature contemporaine : la question de la relation entre les formes. À mon avis, cette originalité aurait pu être soulignée par le titre. Les mots « méditation » et « vision » sont certainement pertinents pour parler de l’essai, mais dans l’ouvrage, c’est vraiment la question des relations qui domine et qui distingue l’approche de Riendeau des travaux réalisés jusqu’ici sur l’essai. La question n’est pas complètement neuve : les rapports de l’essai avec la poésie avaient été évoqués par Georges Lukács, par exemple, et André Belleau, notamment, s’était intéressé aux liens entre l’essai et le roman. [End Page 222] Mais la question est ici beaucoup plus approfondie et nous permet de voir l’essai non seulement comme une dimension déterminante de trois œuvres majeures, mais aussi comme le genre par excellence de l’hybridité.

Dans le cas de Barthes, ce sont surtout les œuvres tardives qui posent la question de la nature de l’essai. Après avoir opéré une bref rappel de l’itinéraire de l’écrivain, Riendeau s’attache principalement au Roland Barthes par Roland Barthes, ce qui lui permet de dégager les forces à l’œuvre dans un même texte, plutôt que de suivre l’évolution des conceptions de l’écriture dans...

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