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  • Théâtre 2012
  • Mariel O’Neill-Karch (bio)

Dans l’avant-propos de sa dernière pièce dont nous rendons compte plus bas, Évelyne de la Chenelière se pose bien des questions au sujet de [End Page 139] « l’industrie culturelle » de la création théâtrale : « [J]e m’interroge sur l’abondance de l’écriture dramatique contemporaine au Québec, [sur] cette cadence effrénée de nouveaux textes dramatiques qui, pour la plupart, n’auront qu’une lecture, qu’une création, qu’une dimension. Nous vivons dans la chimère des générations spontanées, où chacun croit qu’il s’est auto-enfanté. Un règne d’artistes et d’écrivains qui n’ont pas d’ascendants, pas de parents, et beaucoup d’originalité. » Fort heureusement, quelquesunes des pièces, publiées en 2012, échappent à cette triste constatation.

dramaturges éditeurs

Le très talentueux Simon Boudreault revient en force avec D pour Dieu, une comédie existentielle au sujet d’un homme qui, dès sa tendre enfance, s’est pris pour Dieu. Dans un spectacle qui nous fait passer de l’enfance à l’adolescence, animé par des marionnettes, on découvre que Dieu est une figure essentiellement … vide. Toute une série de personnages surgis-sent (oncles, ami, des animateurs de radio) et montrent l’omniprésence d’un Dieu absent. Après un parcours à la fois déprimant et hilarant, le comédien conclut : « Après tout, Dieu m’a créé, je suis donc une partie de lui, alors le souci du vide n’a plus aucune raison d’exister. » D’illusions en désillusions, c’est une façon comme une autre de faire face au vide spirituel de la société occidentale. La pièce a été finaliste du prix du Gouverneur général

Stéphane Brulotte, dans À l’ombre d’Hemingway, nous transporte à La Havane en 1950, alors que le grand écrivain américain, malmené par la critique, boudé par le jury du prix Nobel, attribué cette année-là à William Faulkner, son rival, sent que la fin approche. Pour tenter d’oublier le sort qui nous attend tous, il boit beaucoup et sa femme, Mary, de même, à un tel point qu’Hemingway se demande s’ils ne sont plus que de vieux ivrognes. Voici comment Mary lui répond en souriant : « T’es tellement plus que ça, mon amour. Moi, au mieux, quand j’ai pas bu, je suis la femme d’un grand écrivain. Toi, quand tu es à jeun, t’es Ernest Hemingway. Ton seul problème, c’est que tu bois tout le temps. MON problème, c’est que je bois parce que je suis plus capable de te voir saoul. » Une jeune aristocrate vénitienne vient perturber la vie de ce vieux couple et fait naître dans le cœur de l’écrivain un de ces amours impossibles qui font, parfois, renaître l’inspiration. De nombreux détails de la vie d’Hemingway (ses diverses aventures, sa personnalité colérique) et de ses écrits parsèment le texte dont la richesse ajoute à ses indéniables qualités dramatiques.

Couronné du prix Gratien-Gélinas et finaliste du prix du Gouverneur général, Billy (Les jours de hurlement) de Fabien Cloutier met en scène des Québécois poussés à bout. « C’est assez ! » disent-ils, et ça hurle de partout. Tout un quartier s’énerve et peste contre tout, sans pour autant vouloir [End Page 140] s’engager ou même reconnaître leurs responsabilités. Ils accusent les autres de tous les maux, sans proposer de solutions. Les monologues sont interrompus par quelques dialogues qui, eux aussi, traduisent des hurlements. Le personnage éponyme est un enfant de quatre ans qu’on a laissé seul dans une voiture alors que le mercure est à 27o Celsius sous zéro. Une voisine n’en peut plus : « Ça va être quoi après ? / Ça va s’arrêter où ? / Y’a froid / C’est pas grave / Y’a faim / C’est pas grave / Y’a mal / C’est pas grave / Pis après ? / Hein ? / Pis après ? / Y...

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