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  • Migrations sans frontières. Essais sur la libre circulation des personnes dir. by Antoine Pécoud and Paul de Guchteneire
  • François Héran
Antoine Pécoud et Paul de Guchteneire (dir.) Migrations sans frontières. Essais sur la libre circulation des personnes Paris, Éditions Unesco, [2007] 2009, 383 p.

Migrations sans frontières est la version française d’un livre édité en anglais en 2007. L’introduction passe en revue les arguments éthiques, sociaux et économiques qui peuvent justifier l’ouverture des frontières. Si le pire n’est pas sûr (un déferlement de migrants des pays pauvres vers les pays riches, soulevant des réactions identitaires incontrôlables dans les sociétés d’accueil), le meilleur ne l’est pas davantage (un enrichissement général des pays de départ comme des pays de destination). D’où cet aveu : « il est illusoire de prétendre que nous savons ce qui se passerait si les frontières venaient à s’ouvrir; trop de facteurs jouent un rôle » (p. 32). Argument opposé aux prophètes de malheur, mais qui vaut aussi pour les prophètes de bonheur.

De fait, la première partie de l’ouvrage réunit des points de vue inconciliables. Pour Catherine Wihtol de Wenden, la mondialisation des circulations migratoires est une lame de fond qui remet en cause les prétentions westphaliennes de souveraineté. Les États étant impuissants, mieux vaut proclamer le droit fondamental des personnes à la mobilité. Pour Mehmet Ugur, adepte d’une éthique utilitariste inspirée de Jeremy Bentham, la libre circulation n’est pas un droit de la personne mais un outil politique qui se juge à sa contribution au bien-être général (positive, selon lui). Autre contraste, Nigel Harris plaide pour le libre recrutement par les employeurs d’une main-d’œuvre temporaire qu’il croit peu soucieuse de s’intégrer, alors que Bimal Ghosh souhaite une planification mondiale des flux pour apaiser les craintes de l’opinion. Pour Han Entzinger, enfin, une société ouverte à l’immigration se heurte à la solidarité purement nationale de l’État providence (comme si les migrants n’y cotisaient pas). La protection sociale ne se sauvera qu’en réduisant ses prestations, ce qui poussera les migrants à participer davantage au marché du travail. Si les frontières sont ouvertes, le contrôle doit se reporter sur l’accès aux prestations, que l’auteur propose de différer de plusieurs années pour les nouveaux entrants et de moduler pour les retraités qui acceptent de rentrer au pays. Autant de contributions disparates, dont on peine à tirer une justification convaincante du scénario « Migrations sans frontières ». Il en va de même pour la seconde partie qui aborde la question à l’échelle régionale. Sont traitées l’Europe et l’Amérique du Nord, mais aussi l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique australe, l’Amérique latine et l’Asie.

Revenons à présent sur le fond. Plusieurs contributeurs partent du double paradoxe bien connu : d’une part, une circulation des hommes qui n’a pas suivi l’essor de la circulation des biens et des capitaux (un cas limite étant le mur construit à la frontière des États-Unis et du Mexique, alors que les deux pays sont liés par un accord de libre-échange) ; d’autre part, un droit de sortir sans droit d’entrer, puisque « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien » (article 13-2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme) mais non de s’installer librement dans un autre pays. Le juriste Jean-Yves Carlier parle à ce propos du « pas suspendu de la cigogne », en référence au film de Theo Angelopoulos : libre à chacun de lever le pied au-dessus de la frontière mais pas de le reposer de l’autre côté.

Les auteurs n’évoquent pas l’origine du droit à l’émigration, formulé pour la première fois en 1625 par Grotius, alors réfugié à Paris, dans le De jure belli ac pacis. Ils ne mentionnent [End Page 586] pas non plus le commentaire qu’en...

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