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Reviewed by:
  • Violence and Colonial Order: Police, Workers and Protest in the European Colonial Empires, 1918-1940 by Martin Thomas
  • Emmanuel Blanchard
Martin Thomas Violence and Colonial Order: Police, Workers and Protest in the European Colonial Empires, 1918-1940 Cambridge, Cambridge University Press, 2012, 527 p.

Dans l’immense bibliographie consacrée aux violences de la domination coloniale, le dernier ouvrage de Martin Thomas offre un regard neuf sur la période de l’entre-deuxguerres. Sans se concentrer sur les épisodes de répression paroxystiques, il s’attarde au contraire sur les pratiques et violences routinières, voire institutionnelles. Par-delà les variations chronologiques et géographiques, il cherche à appréhender ainsi certaines constances du colonial policing. Rompant avec les monographies d’organisations policières et avec une histoire du maintien de l’ordre qui oscille souvent entre centralité institutionnelle et focalisation événementielle, M. Thomas propose un parcours en deux parties et quinze chapitres : les trois premiers relèvent de la réflexion et du bilan théorico-historiographique sur le colonial policing et les violences coloniales ; les douze suivants sont autant d’études de cas mettant à l’épreuve quelques-unes des hypothèses soulevées par l’auteur. L’extrême diversité des territoires arpentés (de Trinidad à la Malaisie, en passant par le Maghreb, l’Afrique de l’Ouest, l’Indochine…), dans une perspective incontestablement trans-impériale, est unifiée par une problématique et un moment communs à chacune de ces situations de travail (plantations, ports, mines, champs de pétrole, chantiers…). Ces dernières sont toutes éclairées par des recherches archivistiques inédites dont l’ampleur impressionne.

Plus que l’entre-deux-guerres, ce sont les répercussions de la crise de 1929 et de l’effondrement du cours des matières premières – usines et industries de transformation restent hors-champ – qui sont au cœur de l’analyse. M. Thomas fait de ce moment un révélateur de tensions préexistantes, un catalyseur de réformes en suspens et propose, chemin faisant, une chronologie et un inventaire de répercussions non réductibles à une trajectoire unique. Cette attention à la Grande Dépression, déjà largement analysée dans le cadre de l’histoire économique impériale, tient au constat et à la thèse de l’auteur : la focalisation historiographique sur les déterminants politiques et culturels (en particulier les clivages ethnoraciaux) du maintien de l’ordre aurait conduit à minorer les « économies morales » des colonisés ainsi que l’« économie politique » du gouvernement colonial. Autrement dit, cette dernière – que l’on pourrait définir par l’ensemble des transactions, collusions et intérêts partagés entre l’administration coloniale et les représentants des pouvoirs économiques dominants – « offrirait le meilleur guide afin de comprendre ce que les polices coloniales étaient appelées à faire » (p. 2) dans un contexte où elles « étaient plus occupées par des revendications industrielles que politiques » (p. 325). L’angle adopté par M. Thomas lui permet de proposer une contribution doublement originale et de nuancer certaines analyses répandues, tant dans le domaine de l’histoire impériale que dans celui des police studies. [End Page 564]

Contre une perspective linéaire qui ferait de la période de l’entre-deux-guerres le ferment des indépendances à venir, l’auteur rappelle que les remises en cause de la domination coloniale se donnaient rarement à voir dans des oppositions violentes et explicitement structurées. Dans l’ensemble des cas étudiés, l’exemple tunisien apparaît ainsi relativement isolé : la forte conjonction entre des revendications syndicales et une opposition nationaliste structurée amenant à une récurrence des grèves et manifestations violentes, réprimées dans le sang (par exemple à Metlaoui en mars 1937 ou à Tunis en avril 1938), n’est pas la seule voie qui conduise à l’ébranlement de la domination coloniale. Les autres chapitres mettent davantage l’accent sur une temporalité où la réponse policière aux manifestations ouvrières (les forces de police sont souvent les seuls interlocuteurs des grévistes, comme avec les coupeurs de canne jamaïcains au printemps 1938) et l’absence de prise en compte des conditions de...

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