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Reviewed by:
  • A Government out of Sight: The Mystery of National Authority in Nineteenth-Century America by Brian Balogh
  • Nicolas Barreyre
Brian Balogh A Government out of Sight: The Mystery of National Authority in Nineteenth-Century America Cambridge, Cambridge University Press, 2009, XI-414 p.

L’État fédéral américain est un mystère. Léviathan aujourd’hui envahissant et toutpuissant, il aurait surgi dans une Amérique pourtant foncièrement hostile à tout étatisme, jalouse des prérogatives privées, et qui n’aurait toléré à ses débuts qu’une « institution naine dans une terre gigantesque1 ». Mythe fondateur, cette absence supposée de l’État avant le XXe siècle sert d’arrière-plan aux discours historiographiques et politiques sur les États-Unis depuis le New Deal. Certains regrettent un âge d’or de liberté sourcilleuse, d’autres se réjouissent que le pays ait enfin les institutions pour réguler intelligemment le marché et la société. Brian Balogh argue ici que la prémisse de ces discours « est fondamentalement erronée » (p. 2). Au XIXe siècle, l’État gouvernait peut-être différemment, mais certainement pas moins.

Parti de cette préoccupation très présentiste, B. Balogh entreprend d’exhumer l’État fédéral américain dans son premier siècle et demi, et livre une impressionnante synthèse d’un champ historiographique en plein renouveau. Car, s’ils sont encore peu nombreux, des historiens et des politistes ont depuis vingtcinq ans multiplié les études sur ce que les Américains appellent alors leur « gouvernement général ». C’est sur elles que B. Balogh s’appuie pour cartographier les champs d’action d’un État fédéral qui se révèle, finalement, très interventionniste. En un siècle, il construit un territoire à l’échelle d’un continent, par achat (la Louisiane), par diplomatie, très souvent par la guerre, et réussit à tenir ensemble ce pays aux forces centrifuges non négligeables. Les tribus amérindiennes sont chassées, les unes après les autres, de ces territoires, souvent dans la violence et les massacres, avant d’être mises dans des réserves sous tutelle fédérale dans la seconde partie du XIXe siècle. C’est également l’État qui arpente et met à disposition des colons euro-américains toutes ces terres conquises. Le réseau postal [End Page 562] permet la diffusion rapide des nouvelles à l’échelle continentale et sert de subvention à l’établissement de voies de communication. Les politiques commerciales et financières – Banque des États-Unis, bien qu’éphémère, politique douanière, aide au commerce sous différentes formes (du service hospitalier pour les marins à la cartographie des Grands Lacs) – et surtout la jurisprudence construite par la Cour suprême établissent un marché national unifié. Bilan impressionnant pour un absent…

La guerre de Sécession est le révélateur de la capacité financière, administrative et militaire que l’État fédéral a constituée pendant les premières décennies de son existence. Au point même de provoquer une réaction. La Cour suprême, notamment, entreprend de tracer des frontières strictes entre le public et le privé. C’est ce moment, d’après B. Balogh, qui fait exception dans l’histoire américaine, mais qui conditionne les réformes administratives de l’ère progressiste, avant que l’expérimentation de partenariats public-privé d’Herbert Hoover, puis le New Deal de Franklin Roosevelt n’y mettent fin. La croissance de l’État au XXe siècle est héritière des limites imposées dans certains domaines, des partenariats noués avec les groupes privés (associations, fondations, entreprises) dans d’autres et de la place croissante de l’uniformisation de la jurisprudence fédérale.

B. Balogh construit cette synthèse magistrale, fondée sur les travaux épars des historiens et politistes, sur une analyse du lien entre les Américains (pris toutefois comme un tout et jamais réellement définis) et l’État fédéral. Pourquoi celui-ci, si omniprésent dans tous les...

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