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  • Grounds of Judgment: Extraterritoriality and Imperial Power in Nineteenth-Century China and Japan by Pär Kristoffer Cassel
  • Guillaume Carré
Pär Kristoffer Cassel Grounds of Judgment: Extraterritoriality and Imperial Power in Nineteenth-Century China and Japan New York, Oxford University Press, 2012, 260 p.

Dans cet ouvrage, Pär Kristoffer Cassel se penche sur la délicate question du statut judiciaire des étrangers en Chine et au Japon, des guerres de l’opium au début du XXe siècle. Le droit accordé aux ressortissants des pays occidentaux d’échapper aux juridictions locales pour être jugés par les instances consulaires, en évitant ainsi parfois un châtiment mérité, est souvent mis en exergue comme l’une des clauses les plus scandaleuses des « traités [End Page 560] inégaux » imposés par les puissances impérialistes. Cependant, la question de la genèse, du fonctionnement et de l’évolution des constructions juridiques auxquelles ces décisions diplomatiques ont donné lieu, est rarement étudiée en détail. Surtout, leur perception par les autorités chinoises et japonaises de la seconde moitié du XIXe siècle n’est pas réellement abordée dans les polémiques passées et actuelles sur la dépossession de souveraineté qu’entraînaient ces arrangements. L’étude comparative de P. Cassel sur deux pays qui ont dû, à la même époque et face aux mêmes acteurs, adopter des systèmes accordant des formes d’extraterritorialité judiciaire à des ressortissants étrangers a donc pour mérite de montrer comment, au contraire d’un gouvernement mandchou qui s’est accommodé d’un traitement des étrangers en apparence compatible avec ses propres modes de gestion des populations au sein d’un empire multiethnique et multiconfessionnel, les promoteurs de la modernisation du Japon à l’ère Meiji ont immédiatement considéré cette concession comme une atteinte à l’intégrité de l’État-nation qu’ils entendaient bâtir.

L’ouvrage progresse selon un ordre essentiellement chronologique, encadré par les traités signés entre la Chine et le Royaume-Uni après la première guerre de l’opium (1839-1842), et par l’abolition des clauses d’extraterritorialité obtenue par le Japon en 1899 et la chute de la dynastie mandchoue en 1912, en s’intéressant tout d’abord aux contextes juridiques des civilisations chinoise et japonaise sous les Qinq et les Tokugawa, très justement caractérisées comme régies par un legal pluralism. Dans l’un et l’autre cas en effet, le droit, même en apparence unifié dans un code juridique comme celui des Qinq, s’appliquait en réalité de manière différenciée selon les statuts sociaux ou les origines ethniques. L’idée que les étrangers puissent être jugés selon des procédures judiciaires qui leur soient propres ne paraissait donc pas à l’origine incongrue en Asie orientale, et P. Cassel s’oppose aux discours ne voyant dans l’extraterritorialité que le résultat de la pression des puissances impérialistes et de leurs commerçants. Les chapitres suivants montrent que la dynastie Qinq préféra en réalité consentir à un statut d’exception pour les Occidentaux plutôt que de réformer en profondeur son système juridique qui formalisait tout un ensemble de représentations de la société civilisée. Par ailleurs, si les abus furent réels, transformant parfois l’extra-territorialité judiciaire en véritable impunité, l’élaboration de ces systèmes particulièrement complexes fut aussi le résultat d’une collaboration entre des diplomates occidentaux, tel Rutherford Alcock, plutôt soucieux de la stabilité des régimes politiques avec lesquels ils traitaient, et des officiels locaux qui faisaient valoir leurs propres arguments : les représentants des Qinq veillaient ainsi tout particulièrement à ce que l’extraterritorialité ne puisse pas s’appliquer en Chine à leurs ressortissants, quel que soit leur lieu de résidence ou leur religion, et à ce que ce principe demeure limité à des territoires bien précis.

La partie la plus intéressante de l’ouvrage concerne le fonctionnement du tribunal mixte et de la Cour suprême britannique de...

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