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  • Servir Napoléon. Policiers et gendarmes dans les départements annexés, 1796-1814 by Aurélien Lignereux
  • Nicola Todorov
Aurélien Lignereux Servir Napoléon. Policiers et gendarmes dans les départements annexés, 1796-1814 Seyssel, Champ Vallon, 2012, 396 p.

Délaissée par la recherche universitaire française, l’époque napoléonienne a connu plus récemment un regain d’intérêt, en partie sous l’impulsion de travaux anglo-saxons qui lui appliquent des concepts comme celui d’impérialisme culturel ou de colonial policing. Le système de contrôle et de répression occupe naturellement une place de choix dans cette new Napoleonic history. Pourtant, dans ce domaine, l’historiographie avait l’habitude de considérer l’État napoléonien dans une perspective plus large, lui reconnaissant la triste modernité de préfigurer les États policiers du XXe siècle. [End Page 553]

Spécialiste de la gendarmerie française de la première moitié du XIXe siècle et fin connaisseur des travaux récents sur la maréchaussée de l’Ancien Régime, Aurélien Lignereux propose d’élargir le cadre spatial de son objet d’étude aux territoires annexés à la République, puis à l’Empire français napoléonien. Ce faisant, il met à l’épreuve les tendances de la recherche actuelle, en particulier la typologie des territoires proposée par Michael Broers qui distingue les territoires conquis selon leur degré d’acceptation de la greffe française1.

L’un des plus grands mérites de l’auteur est d’avoir choisi une approche panoramique, englobant l’ensemble des territoires annexés et départementalisés par la France à un moment ou un autre. Cela lui permet d’atteindre une hauteur de vue souvent étrangère aux monographies locales et régionales. Son entreprise est rendue possible par l’existence d’archives concentrant des informations par les ministères parisiens pendant cette courte période sur des territoires non français. Visant à dépasser le cadre étroit de la police parisienne et l’histoire des grands personnages, le livre embrasse l’étude de la gendarmerie et de la Police générale, ce que justifie l’auteur par la vision d’ensemble qu’avait Napoléon des dispositifs de contrôle de son empire.

Le travail impressionnant de collecte d’informations est à la hauteur de l’ambition : des données sur 7 571 gendarmes et 620 commissaires de police en poste dans les territoires incorporés à l’Empire français ont été analysées, entre autres en ayant recours à la cartographie. Les deux groupes sont d’ailleurs comparés, pour des espaces de taille réduite, avec d’autres corps tels que celui des douaniers. L’ensemble de la démonstration témoigne d’une connaissance profonde des rouages et du fonctionnement de l’administration napoléonienne. Le propos est structuré en quatre parties abordant successivement le cadre institutionnel et surtout ses adaptations complexes, la sociologie et la vie des gendarmes et commissaires de police, l’action et la mission des agents dans les territoires annexés, les résistances opposées au régime comme indicateur du degré de réussite de la greffe napoléonienne.

Loin d’être linéaire, l’implantation de la police et de la gendarmerie ne s’est faite qu’avec des adaptations, discrètes il est vrai. Ouverte aux indigènes sans atteindre les quotas fixés, la gendarmerie recrute majoritairement parmi les anciens Français, au contraire des commissaires de police d’origine essentiellement locale. L’auteur met en lumière les contraintes imposées par la guerre sur le recrutement. La présentation de la vie des gendarmes dans cette nouvelle France est particulièrement vivante. On y apprend par exemple que nombre de fonctionnaires ont le mal du pays, ce qui se manifeste par des dépressions. Quant à son recrutement et sa mission, cette police n’aurait été ni coloniale, ni nationale, mais impériale et somme toute assez originale. Ne peut-on pas y voir l’héritage de l’universalisme révolutionnaire ?

L’histoire des grands personnages, tels que Joseph Fouch...

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