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  • Policiers dans la ville. La construction d’un ordre public à Paris, 1854-1914 by Quentin Deluermoz
  • Yann Philippe
Quentin Deluermoz Policiers dans la ville. La construction d’un ordre public à Paris, 1854-1914 Paris, Publications de la Sorbonne, 2012, 408 p.

Le titre de l’ouvrage illustre bien l’entreprise de l’auteur : réaliser une véritable écologie de la police en tenue parisienne afin de saisir l’ensemble des relations entre les policiers et leur lieu d’exercice et de vie, la ville de Paris, conçue à la fois comme capitale politique et [End Page 551] administrative, juridiction, espace physique de circulation et lieu de concentration d’une population importante et diverse. Le sous-titre met aussi l’accent sur l’étude d’un processus, la mise en place de la police en tenue, étudié sur le long terme depuis la réforme de la police municipale, réalisée en septembre 1854 sous le Second Empire et maintenue par la IIIe République, jusqu’à son enracinement total dans la ville à la Belle Époque. Le titre indique enfin que le résultat de la rencontre entre les policiers en tenue et la capitale est la constitution progressive mais non linéaire d’un ordre public.

L’ouvrage s’insère dans la somme grandissante des travaux internationaux ayant contribué depuis un peu plus de trente ans à transformer les études sur la police, passant d’une histoire « institutionnelle » (Clive Emsley) ou « policière » (cop history, Eric Monkkonen) – c’est-à-dire une histoire du groupe policier dominée par une vision interne de l’institution tournant souvent à la célébration – à une histoire sociale de la police. Mais il trouve une place singulière en ce qu’il s’intéresse à la police en tenue dans ses aspects les plus quotidiens – loin, parfois, des thèmes attendus de la criminalité ou des conflits – et en ce qu’il propose la combinaison heureuse d’une histoire sociale, culturelle et, par moments, politique de la police. Pour cela, Quentin Deluermoz mobilise un appareil théorique ample et éclectique. À l’historiographie internationale de la police ou de la ville, l’auteur ajoute une approche interdisciplinaire nourrie d’emprunts fréquents à la sociologie, à l’anthropologie, à l’analyse littéraire, à la philosophie (Michel Foucault, Norbert Elias, Georges Balandier, Erving Goffman, Andrew Abbott, Jean-Claude Vareille). Il s’appuie également sur un large éventail de sources combinant des archives policières nombreuses et des imprimés multiples (littérature administrative, guides de Paris, littérature panoramique, littérature de grande diffusion, journaux, cartes postales, affiches publicitaires).

L’ouvrage, empruntant à l’approche d’A. Abbott1, procède d’abord à une écologie du « métier » de policier en tenue pour suivre l’affirmation, dans les années 1850, d’une nouvelle force de police malgré l’enchevêtrement des différentes institutions participant au maintien de l’ordre dans la capitale (armée, garde nationale, garde républicaine, préfecture de police), son implantation durable et sa progressive conquête d’un monopole professionnel du maintien de l’ordre urbain. L’ouvrage suit les chemins de l’innovation policière et l’élaboration, à partir du modèle du bobby londonien, d’un « ‘modèle français’ de police anglaise ». Il montre au passage la variété des participants à ce processus : hommes politiques, jusqu’à l’empereur, auteurs de traités administratifs ou d’articles de presse, dirigeants policiers, voire simples policiers. Sont aussi soulignées la mise en place assez empirique de la réforme, de même que l’absence initiale de formation des agents, si bien que l’uniforme policier représente plus un statut social qu’un métier.

La deuxième partie met l’accent sur la professionnalisation croissante de la police en tenue : formalisation du recrutement, de la formation, de la réglementation et des carrières, ainsi que disciplinarisation et fixation des « valeurs policières ». L’étude au long cours a pour principal effet une historicisation de l’implantation de la police en tenue, qui permet de ne pas prendre au mot les déclarations des réformateurs impériaux puis républicains et de modifier la perception souvent...

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