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  • La cour de Vienne, 1680-1740. Service de l’empereur et stratégies spatiales des élites nobiliaires dans la monarchie des Habsbourg by Éric Hassler
  • Rahul Markovits
Éric Hassler La cour de Vienne, 1680-1740. Service de l’empereur et stratégies spatiales des élites nobiliaires dans la monarchie des Habsbourg Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2013, 378 p.

Comment expliquer l’attraction exercée par les cours princières sur les élites nobiliaires à l’époque moderne ? Dans le modèle décrit par Norbert Elias, la noblesse, ruinée, est contrainte de quitter ses terres et de s’installer à la cour, instrument de sa domestication aux mains du prince. À l’inverse, dans son ouvrage sur la cour de Charles VI, Andreas Pečar renversait la perspective en restituant la part du choix et des stratégies déployées par la noblesse1. Tiréd’une thèse de doctorat, l’ouvrage d’Éric Hassler s’inscrit dans cette veine. Mais là où A. Pečar s’interrogeait sur les raisons qui poussaient la noblesse à investir Vienne, y voyant essentiellement la possibilité pour elle d’acquérir du capital social, É. Hassler, en cherchant à mesurer précisément sa présence à Vienne entre 1680 et 1740, est amené à en constater la relative faiblesse. La question dès lors devient l’absence, ou plutôt la distance. Son approche sociospatiale multiscalaire aboutit à relativiser la centralité, du reste problématique, de Vienne (capitale impériale ? archiducale ? autrichienne ?) au bénéfice de la mise au jour de centralités concurrentes, de pratiques de mobilité et de médiatisation, qui définissent une aristocratie distincte du reste de la noblesse. C’est l’une des contributions importantes de ce travail que de proposer une définition de l’aristocratie au prisme de la « gestion de l’ubiquité ».

L’ouvrage est divisé en trois parties. La première traite de la participation de la noblesse à la vie de cour, la deuxième de son ancrage dans l’espace urbain viennois, la troisième des modalités d’une présence indirecte réservée au groupe aristocratique. L’analyse part d’un groupe, celui des chambellans de l’empereur (la première étape du cursus honorum du courtisan, permettant l’accès au souverain), reconstitué principalement à partir de listes d’officiers et des almanachs de cour. Quoiqu’il ne soit pas possible d’en suivre précisément l’évolution, ces sources permettent de constituer un échantillon suffisamment large (1 900 personnes environ sur la période considérée) et divers de la noblesse « titrée » de la monarchie des Habsbourg. Seuls quelques chambellans servaient effectivement à la cour (23 sur 430 chambellans en 1676), le reste constituant une « cour de papier » de chambellans d’honneur. Mesurée à l’aune de la participation aux événements auliques (entrées des ambassadeurs, courses de traîneaux, bals masqués…), leur assiduité était faible puisque, au total, moins d’un chambellan sur deux fit acte de présence à Vienne au moins une fois. Si l’absence peut être due [End Page 548] à des missions militaires ou diplomatiques ou, parfois, à une disgrâce, elle est surtout le fait de l’attraction concurrente exercée par les seigneuries ou par les capitales provinciales, Prague et Graz notamment. Les absents, pour la plupart issus de familles provinciales secondaires, appartiennent aussi parfois aux grands lignages, le retrait pouvant dans ce cas être une manière de se soustraire à la menace de rétrogradation symbolique que faisait peser la hiérarchie aulique.

La deuxième partie commence par proposer, grâce aux adresses fournies par les alma-nachs de cour, une sociogéographie dynamique, à l’échelle du quartier, de la localisation des chambellans, illustrée par une série de cartes. Si elle révèle une forte concentration dans le quartier aristocratique centré autour de la Herrengasse, c’est, au-delà, toute la ville qui semble « accaparée » par l’aristocratie. Peu de chambellans, néanmoins, sont propriétaires (entre 20 et 25 % au début du XVIIIe siècle). Du fait de la forte pression immobilière, due à la rareté des biens et à une forte demande...

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