Alcabalas y situados. Puebla en el sistema fiscal imperial, 1638-1742 by Yovana Celaya Nández (review)

L’histoire de la Monarchie espagnole a connu un renouvellement considérable de ses perspectives lors des deux dernières décennies grâce à la mise en question des lieux communs de l’historiographie classique, qui reposaient sur l’affirmation de l’essentialité de chacune des histoires nationales des États nés ou consolidés au XIX^e siècle. Désormais, il est possible de construire une histoire globale de la Monarchie espagnole à partir de l’étude des concepts politico-administratifs utilisés à l’époque moderne, de sa réalité multiterritoriale (composée ou polycentrique) et de la circulation des personnes, des concepts, des objets et des capitaux entre les divers territoires. Cependant, malgré le caractère international de la recherche, le renouvellement de la compréhension de l’histoire de la Monarchie a ses limites : d’une part, les écoles historiographiques nationales ont tendance à reproduire les mêmes lieux communs et à s’en tenir aux vieux débats ; d’autre part, sous l’influence au moins en partie de l’historiographie anglo-saxonne, l’accent a été mis sur la (les) cour(s), ce qui limite l’approche à l’étude des élites curiales et de la haute diplomatie.

Fort heureusement, une nouvelle génération de chercheurs développe une vision différente en reliant les études sur la politique et la société au niveau local aux grands processus de construction impériale. Il est vrai qu’une complète intégration de ces historiographies centrées sur la pratique (et non sur la rhétorique ou la pure théorie politique) n’est pas encore atteinte, car le poids de l’histoire administrative classique est encore sensible et le dialogue établi entre les historiens de la pratique passe d’abord par les « récits d’histoire globale » et non par la confrontation des études de cas. Il est évident que les potentialités d’une histoire globale réalisée à partir des recherches à l’échelle locale sont grandes et là se trouve sans nul doute l’une des lignes d’une évolution historique intéressante.

Le livre de Yovana Celaya Nández sur la place politique de la ville de Puebla de los Ángeles dans l’ensemble hispanique est un bel exemple de ce parti pris historiographique, conséquence de l’intérêt pour le fonctionnement de la Monarchie. Cet objet est commun à toute une génération qui, en raison d’ancrages intellectuels différents (histoire politique, administrative, fiscale, judiciaire, juridictionnelle, économique), préserve une forte identité individuelle dans ses orientations historiographiques, ce qui contribue à la richesse de l’analyse. Le titre du livre indique le souci de l’auteure d’appréhender la globalité de l’histoire de Puebla. Les impôts prélevés dans le district (grosso modo les alcabalas) et les milices qui y étaient levées étaient employés par la Monarchie pour financer ses dépenses impériales et défendre des « frontières » lointaines (des Philippines à la Floride). La forte implication de la ville et de la municipalité dans cette politique impériale a entraîné des changements politiques, administratifs et sociaux incompréhensibles sans la prise en compte de l’influence de la Monarchie à l’échelle locale. La lecture de l’ouvrage est intéressante à deux points de vue : d’une part, parce que Puebla est exemplaire pour analyser la constitution et l’évolution de la Monarchie à travers sa projection locale ; d’autre part, le travail porte sur le moment décisif en Espagne de la révolution fiscale, du milieu du XVII^e siècle au premier réformisme des Bourbons, qui est le domaine privilégié de l’historiographie depuis les années 1990.

L’introduction s’attache à l’histoire fiscale, principalement celle de la Nouvelle-Espagne. Elle est suivie par un chapitre consacré au Trésor royal (la Hacienda) sous l’Ancien R...