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Reviewed by:
  • Between Court and Confessional: The Politics of Spanish Inquisitors by Kimberly Lynn
  • Nathan Wachtel
Kimberly Lynn Between Court and Confessional: The Politics of Spanish Inquisitors New York, Cambridge University Press, 2013, XV-391 p.

L’image de l’inquisiteur espagnol reste extrêmement négative – selon le cliché, il incarne fanatisme et cruauté – or, paradoxalement, [End Page 540] c’est un personnage très mal connu. Alors que les études abondent sur l’histoire de l’Inquisition ibérique moderne, traitée dans sa globalité (son installation en Espagne puis au Portugal, ses procédures, son système institutionnel, son évolution pendant plus de trois siècles) ou limitée à tel ou tel tribunal, l’ouvrage de Kimberly Lynn se signale par son originalité. Il traite en effet des inquisiteurs en tant qu’individus pendant le XVIe et la première moitié du XVIIe siècle, afin non certes de les réhabiliter, mais de comprendre et expliquer : qui étaient-ils ? animés de quelles motivations ? comment se déroulait leur carrière ? L’auteure évalue à environ un millier le nombre d’inquisiteurs ayant servi dans les vingt et un tribunaux espagnols et au Conseil suprême entre les années 1540 et 1650. Son ouvrage ne propose pas une enquête de type prosopographique, mais des études approfondies de cinq cas choisis pour offrir des exemples à la fois contrastés et complémentaires, restitués dans leurs contextes historiques respectifs.

Cristóbal de Valtodano, né vers 1500 à Fontiveros, près d’Ávila, comptait dans sa famille un grand-oncle inquisiteur au début du XVIe siècle. Après des études au prestigieux collège San Bartolomé de l’université de Salamanque, où Valtodano obtint un doctorat en droit canon, il devint en 1537 vicaire général de l’évêché de Badajoz ; il fut ensuite nommé inquisiteur, en 1543, au tribunal de Tolède (tout en conservant une prébende à Badajoz). Les délits poursuivis étaient alors généralement mineurs (blasphèmes, bigamie), auprès des vieux-chrétiens, mais les juges du Saint-Office, sous l’impulsion de l’inquisiteur général Fernando de Valdés y Salas, effectuaient de fréquentes campagnes d’inspection (« visites ») dans leurs districts : c’est ainsi que Valtodano passa vingt-trois mois en quatre ans (1551-1554) dans sa juridiction pour enquêtes, fonctionnant comme un « confesseur itinérant ». C’est au cours d’une inspection qu’il reçut la lettre de promotion au Conseil suprême, élevé directement du « terrain » au centre de direction du Saint-Office (alors à Valladolid).

L’activité inquisitoriale s’orientait vers une répression plus intense des hérétiques protestants. La même année, Valtodano est désigné pour superviser l’enquête et le procès intenté à Bartolomé Carranza, archevêque de Tolède, soupçonné d’avoir prêché une doctrine de la grâce proche de celle de Martin Luther. Sa longue expérience d’inquisiteur de district lui permet de recueillir les dépositions les plus graves contre Carranza : il relève « une communauté de langage entre les accusés » qui « paraissent tous de la même école » et semblent préparer « un complot » (p. 67), de sorte qu’il recommande l’inculpation de l’archevêque. Mais la procédure concernant un prélat de ce rang n’est pas claire. À la fin de 1566, le nouveau pape Pie V évoque l’affaire à Rome ; ainsi s’achève la première phase, espagnole, du procès. Valtodano, qui entre-temps avait été promu évêque de Palencia (sans pouvoir y résider, malgré les recommandations du concile de Trente), profite de la circonstance pour mettre fin à sa carrière inquisitoriale et se consacrer pleinement, avec diligence, à ses devoirs épiscopaux, tant temporels (avec la construction d’un nouveau palais) que pastoraux (intérêt pour la liturgie, impression de missels, nombreuses inspections sur le terrain). En 1572, Philippe II le nomme archevêque de Saint-Jacques-de-Compostelle, l’une des charges les plus prestigieuses de l’Église espagnole. Soit une carrière exemplaire par les qualités dont il fit...

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