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Reviewed by:
  • Rome en ses jardins. Paysage et pouvoir au XVIe siècle by Denis Ribouillault
  • Delphine Carrangeot
Denis Ribouillault Rome en ses jardins. Paysage et pouvoir au XVIe siècle Paris, CTHS/INHA, 2013, 361 p. et 16 p. de pl.

Au croisement de l’histoire de l’art, de l’histoire politique et sociale, de l’histoire des représentations et de leurs usages, ce travail, richement illustré et issu d’une thèse, est le fruit de recherches approfondies sur les rapports entre le paysage et le pouvoir (politique, social, religieux, économique) dans l’Italie de la Renaissance. Devant l’abondance d’études plus ou moins esthétisantes, Denis Ribouillault [End Page 532] part du constat que l’histoire de l’art n’aborde traditionnellement le paysage – un objet artistique ayant connu un regain d’intérêt depuis quelques décennies dans toutes les sciences humaines et sociales – que comme « genre pictural » (p. 9). Grâce au renouvellement des visées et des outils méthodologiques – notamment de la géographie –, l’auteur entend démontrer que le paysage, ce type de représentation que le regard de l’homme de la Renaissance « apprécie », est d’abord et avant tout une construction culturelle et sociale.

Mais de quel paysage parle-t-on ? Grâce à une minutieuse définition du terme, l’auteur justifie sa démarche en rappelant que le mot « paesaggio » n’existait pas dans l’Italie du début de l’époque moderne et que le « paese » renvoyait alors à ce territoire ou cet environnement sur lequel s’exerçait une autorité politique, et à l’ensemble de ses acteurs. C’est donc bien un objet géographique, spatial, et par conséquent politique, économique et social, autant et bien plus qu’esthétique et artistique, que l’auteur se propose d’analyser. Le choix a porté sur les fresques représentant des « paysages topographiques », réalisées dans les loggias des palais aristocratiques. L’espace géographique considéré, justement, est celui de Rome et du Latium, ce sous-ensemble des États de l’Église, théâtre de la montée en puissance des ambitions baronniales et pontificales entre la fin du XVe et le début du XVIIe siècle. Il s’agit du territoire des Orsini et des Colonna d’une part, mais aussi des famiglie di papi, ces nouvelles familles, aux origines plus ou moins illustres, ayant toutes compté au moins un souverain pontife à la Renaissance (Farnèse, Del Monte, Della Rovere, Borghèse…).

L’étude se positionne au croisement de deux grandes tendances historiographiques qui se sont développées autour de et après l’article fondateur d’Ernst Gombrich en 19531. Lepremier de ces courants cherche, à la suite d’Erwin Panofsky, à élucider les significations du paysage, cette « manière de voir » traduisant les aspirations des groupes sociaux dominants. D. Ribouillault, sans s’en démarquer complètement (l’approche iconologique et iconographique constitue la première étape de chacune de ses analyses), cherche à le dépasser. Le second, largement héritier des travaux de William Mitchell et des approches historiennes, s’intéresse davantage aux usages du paysage, en ce sens que celui-ci ne signifie pas ou ne symbolise pas seulement les relations de pouvoir : il est un instrument du pouvoir culturel, social, politique et, par conséquent, une construction culturelle avant de devenir le sujet d’une œuvre d’art. Les sources considérées sont éminemment visuelles puisque le corpus est constitué d’une centaine d’exemples de paysages topographiques insérés dans des complexes architecturaux et des jardins, certains très familiers (la villa d’Este ou le palais Farnèse de Caprarola), d’autres moins étudiés (les décors du palais des Conservateurs, ou encore ceux exécutés par Paul Bril à la fin de la période).

Afin d’éclairer la gestation, la réalisation et enfin la réception de ces vedute, l’auteur s’appuie sur un ensemble de textes et de documents qui, de son propre aveu, s’avère finalement assez restreint – au-delà du faible nombre de traités artistiques...

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