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Reviewed by:
  • Paysans des Alpes. Les communautés montagnardes au Moyen Âge by Nicolas Carrier and Fabrice Mouthon
  • Juliette Dumasy-Rabineau
Nicolas Carrier et Fabrice Mouthon Paysans des Alpes. Les communautés montagnardes au Moyen Âge Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, 417 p.

Cette étude écrite à quatre mains est une somme : par son ampleur géographique, puisqu’elle concerne l’ensemble de l’arc alpin ; par son étendue chronologique, puisqu’il est question des communautés depuis les premiers temps de leur existence, c’est-à-dire avant l’an Mil, jusqu’à l’époque moderne ; par son ambition thématique, qui est de traiter des communautés sous tous leurs aspects (institutionnels, politiques, économiques, sociaux, religieux) ; par l’abondance et la diversité des exemples puisés dans l’ensemble des massifs alpins ; enfin, par la volonté de renouveler l’historiographie alpine, en la débarrassant d’un certain nombre de préjugés anciens pour mieux l’enrichir des travaux récents et en ayant le soin de se demander s’il existe une spécificité alpine des communautés paysannes – les auteurs montrent que la réponse varie suivant le critère examiné.

Comme l’annonce l’avant-propos, l’ouvrage tord le cou à l’idée que les Alpes n’ont pas d’histoire, ou que les montagnards n’en ont été que les spectateurs passifs. Au contraire, démonstration est faite de l’activisme, en tout domaine, des paysans des Alpes. Dès avant l’an Mil, les basses vallées et les voies de passage sont peuplées et exploitées sous le régime domanial, mais de larges pans de la montagne restent désertiques, parfois livrés aux brigands (les « Marrons », p. 51). La conquête du terroir alpin commence réellement au XIe siècle. Les moines y ont joué un rôle important, mais moins qu’on ne le prétend : ils en ont été des acteurs parmi d’autres et ils n’ont pas défriché de leurs mains. En revanche, il est certain que, dans les Alpes méditerranéennes, ils ont tôt manifesté un intérêt pour la transhumance ovine.

De manière générale, le profit pastoral a été un aiguillon pour les défricheurs puisque, en particulier dans les Alpes occidentales, les hautes vallées ont été investies avant celles de l’étage intermédiaire, ce qui fait dire aux auteurs que « la montagne n’a pas été mise en valeur du bas vers le haut » (p. 61). Par la suite, les défrichements ont surtout visé à achever la mise en valeur des terroirs, grâce à l’extension des pâturages de sommet, la densification des habitats de fond de vallée et, surtout, la conquête des versants intermédiaires. Les seigneurs ont encadré le mouvement, ouvrant des preysie (terres à prendre) et concédant des baux à acapte ou emphytéotiques à des défricheurs issus de la paysannerie locale, en plein essor démographique. Dans les Alpes centrales et septentrionales, la colonisation a été plus spectaculaire parce que systématique et menée par des peuples venus de Germanie (migration des Walser ou Valaisans), accueillis à des conditions avantageuses par les seigneurs (albergement) et par des « entrepreneurs de colonisation » (locatores, p. 80).

Au fil des défrichements, la population s’est accrue et, avec elle, les tensions autour du contrôle des alpages. Les communautés paysannes, existantes mais encore informelles (« hommes de… » avant l’an Mil, vicinia aux XIe-XIIe siècles), s’efforcent alors par tous les moyens de garantir leurs droits d’usage et accèdent progressivement à une existence politique et institutionnelle (premières universitates et communitates à la fin du XIIe et au XIIIe siècle, franchises à partir de 1250). La question de leurs origines est fort complexe et n’obéit pas à un schéma d’ensemble : ici, les communautés antérieures à l’an Mil semblent avoir résisté à la mise en place de la seigneurie (survivance du plaid en Savoie, Val d’Aoste, Valais), là, elles semblent issues de la volonté de seigneurs fondateurs de castra, comme dans les Alpes du Sud. Et m...

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