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  • L’espace du diocèse. Genèse d’un territoire dans l’Occident médiéval, Ve-XIIIe siècle dir. by Florian Mazel
  • Samuel Leturcq
Florian Mazel (dir.) L’espace du diocèse. Genèse d’un territoire dans l’Occident médiéval, Ve-XIIIe siècle Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, 434 p.

La période médiévale marque un moment tout autant fondamental qu’original dans la construction des cadres territoriaux. Les ressorts [End Page 519] administratifs romains n’ont pas connu seulement refontes et adaptations à de nouvelles donnes sociales, politiques et culturelles, mais bien plutôt des changements de nature dont on n’a pas mesuré, pendant longtemps, la profondeur et la complexité. Actuellement, la question ne porte plus tant sur l’analyse mécaniste (en termes d’apparition, de disparition, de scission ou de fusion) d’une mise en place progressive des entités territoriales conçues selon la définition romaine classique (une zone de domination possédant un centre et des limites) que sur l’analyse de la nature même de ces ressorts territoriaux. La richesse de cette approche a permis de reconsidérer la genèse de l’encadrement paroissial au travers de la parution récente de plusieurs ouvrages majeurs sur la question, qui ont mis en évidence des processus de territorialisation tardifs et progressifs entre le IXe et le XIIe siècle; on passe, durant cette période, d’une paroisse définie comme une communauté de fidèles à une paroisse conçue comme un territoire clairement délimité, mais dont les limites conservent en réalité souvent un caractère discontinu.

C’est dans ce contexte scientifique particulièrement riche qu’a paru cet ouvrage qui s’intéresse aux mécanismes de spatialisation du sacré non plus au niveau local, mais à un échelon englobant : le territoire de l’évêque. L’enseignement majeur de ce livre est parfaitement résumé dans la contribution de Michel Lauwers, il s’agit de montrer que, à l’instar de la paroisse et dans un processus et à un rythme très similaires, la territorialité diocésaine, telle qu’on la conçoit classiquement, ne s’impose que très tardivement, au XIIIe siècle. La démonstration se déploie de manière équilibrée entre trois parties mettant en évidence la chronologie du phénomène : Ve-Xe siècle (« Fragilité des centres, fluidité des espaces »), Xe-XIIe siècle (« Hiérarchisation et territorialisation ») et XIe-XIIIe siècle (« Vers une gestion territoriale du diocèse »).

Loin de la pensée commune considérant le diocèse comme une réplication mécanique de la cité antique, les contributions mettent en évidence les évolutions complexes qui se sont manifestées entre les circonscriptions romaines et les diocèses médiévaux. Les limites administratives, loin d’être restées fixes, n’ont cessé de connaître des déplacements au fil des processus de fragmentation, voire même de se dissoudre et de disparaître dans une forme de territorialité nouvelle fondée non plus sur une délimitation clairement définie, mais bien plutôt sur la notion de réseaux multipolaires (c’est-à-dire la combinaison de lieux et de relations), notamment par le biais d’églises de proximité qui jalonnent le territoire diocésain. Celui-ci apparaît alors non comme un territoire continu, mais comme la somme de points éparpillés dans l’espace et rattachés au siège épiscopal.

Ce n’est pas la cohérence géographique (la distance par rapport au siège par exemple) qui construit nécessairement le diocèse, mais bien plutôt les liens personnels existant entre l’évêque et les églises, ainsi que la relation stable entretenue avec les desservants. « Le ‘territoire’ est une aire de domination, plus qu’un espace borné, et l’intégration au sein du territorium d’un évêque suppose l’entrée dans le servitium de celui-ci, c’est-à-dire l’instauration d’une relation hiérarchique entre l’un et l...

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