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Reviewed by:
  • Les idéologies impériales dans le royaume de León, IX e-XII esièclesby Hélène Sirantoine
  • Amélie de las Heras
Hélène Sirantoine Imperator Hispaniae. Les idéologies impériales dans le royaume de León, IX e-XII esièclesMadrid, Casa de Velázquez, 2012, XII-494 p.

Comment renverser un mythe historiographique aux enjeux nationaux archaïques mais aux ramifications lointaines visibles dans les études actuelles ? L’objet de ce livre, l’ imperiumhispanique, s’est dilaté dans le champ historiographique sous l’effet des passions nées de son interprétation. L’idée impériale léonaise, entendue jusqu’à présent uniformément comme une idéologie soustendant l’unification politique des royaumes ibériques sous la souveraineté léonaise, a divisé les médiévistes qui s’intéressent à la nature et aux représentations du pouvoir royal dans la Péninsule. Nombreuses furent les théories de type essentialiste qui, à la suite de Ramón Menéndez Pidal, revêtirent la qualification impériale de quelques rois asturoléonais (IX e-X esiècles) d’une signification linéaire, cristallisant l’essence d’une Espagne unitaire et chrétienne en réaction à la fragmentation politique et à la présence des musulmans dans le Sud après 711. Suivant cette grille de lecture, le fait pour Alphonse VI (1065-1109) puis Alphonse VII (1126-1157) de s’attribuer [End Page 516]la titulature imperators’inscrirait dans cette tradition idéologique, qu’elle magnifierait. Par réaction, d’autres historiens, tel Ernst Mayer, soulignèrent dans la genèse léonaise de l’idée impériale le poids du modèle extra-péninsulaire – qu’il soit romain, carolingien ou omeyade. Depuis, historiens et philologues ont établi les falsifications de bon nombre de diplômes fondamentaux dans l’argumentation de ces différentes thèses.

Une reprise du dossier était donc aussi urgente que délicate, car elle supposait d’évaluer, de contrer ou de déplacer les conclusions d’études souvent conduites par les plus brillants médiévistes des générations précédentes. Pour sa thèse de doctorat publiée ici dans une version légèrement remaniée, Hélène Sirantoine s’est brillamment livrée à cet exercice d’équilibriste, dépassant la synthèse actualisée qu’elle annonce humblement. Afin de démythifier l’idée impériale léonaise, l’auteure enquête sur les caractérisations du « phénomène impérial » (p. 6) : son pas de côté lui permet de considérer les expérimentations liées à la notion d’ imperiumsans préjugé sémantique ni généalogique. Elle privilégie un temps long, depuis les premières manifestations au IX esiècle jusqu’aux derniers feux des débuts du XIII esiècle, et étoffe les inventaires de sources jusqu’ici dressés, en posant sur elles un regard dépassionné et minutieux. La documentation diplomatique occupe une place prépondérante dans la démonstration, côtoyant chroniques et monnaies pour l’essentiel. Études des représentations et des pratiques du pouvoir royal se complètent afin de saisir les significations du terme imperatorselon les acteurs en présence : souverains asturo-léonais puis castillano-léonais, autres monarques ibériques (chrétiens et musulmans), élites laïques et ecclésiastiques.

H. Sirantoine propose l’« histoire d’un [double] renoncement » (p. 51) : l’idée impériale léonaise traditionnellement entendue ne naît pas à l’époque asturo-léonaise, pas plus qu’elle n’est le produit de la circulation de modèles exogènes. Trois grandes périodes sont ainsi identifiées au regard des investissements idéologiques de l’ imperiumléonais, relativement hétérogènes : l’usage pragmatique asturo-léonais, les premiers essais d’une idéologie impériale marqués par le règne d’Alphonse VI, puis l’originalité du règne d’Alphonse VII, tout à la fois acmé et nouvelle voie dans cette histoire.

Les deux premiers chapitres montrent que les IX...

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