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Nineteenth Century French Studies 32.3 & 4 (2004) 414-416



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Musset, Alfred de. Nouvelles, édition de Sylvain Ledda. Jaignes: Éditions de La Chasse au snark, 2002. Pp. 440. ISBN 2-914015-16-X

Les Nouvelles constituent la part la moins connue de l'œuvre de Musset. On connaît le poète de Rolla et de Namouna, ainsi que l'amoureux de "La Nuit de mai," on connaît le subtil créateur des Caprices de Marianne et de Lorenzaccio, on connaît enfin le prosateur de La Confession d'un enfant du siècle, roman autobiographique. Le [End Page 414] présent volume nous rappelle que Musset fut aussi un nouvelliste de talent, qui faisait les beaux jours - et les beaux numéros - de l'illustre Revue des Deux Mondes. Tous les récits qu'on nous donne ici à connaître ont paru dans ce périodique entre le 15 août 1837 et le 15 février 1839. On est encore, à pareille date, dans la période faste, et surtout féconde, de l'existence de Musset, dont l'ardeur créatrice faiblira après 1840. Aucun signe avant-coureur de cet essoufflement n'apparaît en ces pages. Bien au contraire, puisque les six textes ici réunis se lisent sans ennui.

C'est l'amour qui fournit à Musset la matière de ses récits. Le ton dominant est au désenchantement, sauf dans "Croisilles," qui conclut le recueil sur une note plus optimiste. On sait que des études récentes ont, non sans raison, fait du poète de Rolla un précurseur de Flaubert et de sa magistrale analyse, dans Madame Bovary, des vicissitudes amoureuses de ses contemporains imbus des doctrines romantiques. Flaubert continuateur de Musset? Nos six nouvelles viennent apporter plus qu'une confirmation à cette hypothèse. Elles dénoncent telle ou telle des mille et une raisons qui font échouer l'amour, soit parce qu'on ne devient jamais l'époux ou l'amant de la femme qu'on aime, soit parce que l'on tombe toujours amoureux de la personne qui se révélera, à l'expérience, nous convenir le moins. En cause, selon Musset, - et Flaubert après lui: les romans sentimentaux, qui imprègnent l'esprit des jeunes filles et des jeunes gens d'idées fausses sur l'amour. Les auteurs de romans sentimentaux (ce sont surtout des femmes: Mme Cottin, Mme de Genlis, Mme de Duras, Mme de Souza, Mme de Krüdener,...) ont modelé les mentalités de plusieurs générations: dans leurs romans, l'amour est représenté comme l'acte le plus valorisant de la vie, et transcendant une existence qui, sans lui, n'aurait aucun intérêt. Les héros des romans sentimentaux sont épris d'absolu: ils cherchent un être à aimer qui soit parfait, généreux, sensible, modeste, dévoué, vertueux, admirable en tout point, - physiquement et moralement. En général - et c'est le mensonge courant sur lequel se fonde cette littérature romanesque -, les héros trouvent cet alter ego idéal, avec lequel ils nouent une relation tout aussi idéale, qui, bien sûr, n'entretient que des rapports lointains avec la vie quotidienne et notamment avec la réalité du mariage.

Grands consommateurs de cette production romanesque, les jeunes filles et les jeunes gens de l'époque romantique ont appris à leurs dépens que la littérature n'était pas la vie. C'est ce que s'attachent à montrer les Nouvelles de Musset. Dans "Emmeline," le premier récit, le personnage féminin a été sauvé par M. de Marsan, un jeune noble qui allie la beauté physique à la force de caractère et à la grandeur d'âme (on songe, à son propos, aux messieurs "braves comme des lions" auxquels rêve Emma Bovary). M. de Marsan doit donc être l'homme idéal et il devient tout aussi logiquement l'époux d'Emmeline. Les romans sentimentaux n'allaient pas plus loin. Musset, qui les parodie, montre ce qui se passe après le...

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