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  • Historiographie francophone de la Première Guerre mondiale : écrire la Grande Guerre de 1914–1918 en français au Canada et au Québec
  • Mourad Djebabla (bio)

L’histoire de la Première Guerre mondiale au Canada s’écrit d’abord en anglais, chose que l’on observe dès le début des premiers récits officiels sur l’événement. La place moindre des combattants francophones au sein du Corps Expéditionnaire canadien1 et l’expérience « difficile » des francophones au sein de l’effort de guerre, particulièrement au Québec avec les tensions rattachées au recrutement puis à la conscription, ont contribué à dresser l’image d’une communauté canadienne-française en dehors de la Grande Guerre, laissant son récit aux Canadiens anglophones. D’ailleurs, la mémoire de 14–18 au Québec a longtemps été tue au nom d’un fait canadien rassembleur, que ce soit les disparus commémorés le 11 novembre ou la « mythique » victoire de Vimy. Mais la mémoire et l’historiographie évoluent en fonction des attentes et des intérêts des générations qui veulent comprendre « leur » passé. Depuis un peu plus d’une décennie, le Québec s’ouvre à sa contribution à la guerre de 14–18, ce qui se reflète dans les nouvelles études publiées.

Dès 1914, le ministre de la Milice Sam Hughes charge des historiens et des artistes officiels de suivre le Corps d’armée canadien en France. Leur mission est d’immortaliser par écrit ou sur la toile les hauts faits des soldats canadiens. Cette entreprise est confiée à Max Aitken, élevé à la pairie en 1917 sous le nom de Sir Beaverbrook. De 1914 à 1917, celui-ci est le Eye Witness de l’armée canadienne en Europe. De sa mission, il a publié les deux premiers volumes du récit officiel de la [End Page 407] Grande Guerre, Canada in Flanders, que reprend en 1918 Charles G. Roberts en interrompant néanmoins le récit avec la bataille de la Somme.2 Il semble que seul le premier volume fut traduit en français en 1916, avec en page-couverture une image spécifique pour la communauté canadienne-française rattachant les combattants de 14–18 à ceux du temps de la Nouvelle-France. On rejoignait ainsi les discours de propagande d’alors visant à mousser le volontariat des Canadiens français en promettant de la gloire en Europe au même titre que celle acquise aux temps de la colonie française si chère à l’identité francophone canadienne. Mais cette première histoire officielle, publiée durant les hostilités, a été accusée d’être trop hagiographique et pas assez proche de la réalité des combats.

À l’aube de la Deuxième Guerre mondiale, l’idée d’offrir au Canada un récit officiel de sa participation à la guerre de 1914–1918 est reprise par le colonel A. Fortescue Duguid du Service historique de l’armée canadienne. Ce dernier a pour objectif de produire huit volumes: seul le premier concernant la levée du premier contingent et son index ont été réalisés en 1938. Produit en anglais, une traduction fut néanmoins faite en français en 1947. Le nouveau conflit qui éclate en 1939 interrompt l’entreprise et prive le Canada d’un remarquable travail qui aurait pu voir le jour.3

Ce n’est qu’après 1945 que l’historien militaire Gerald Nicholson, également du Service historique de l’armée canadienne, publie Canadian Expeditionary Force 1914–1919.4 Il s’agit pour le Canada de sa première histoire officielle complète et exhaustive de son engagement dans la Grande Guerre. Cet ouvrage fut traduit en français en 1963,5 sans autres rééditions depuis. Il est une référence en offrant l’essentiel des données chiffrées relatives au Corps expéditionnaire canadien (CEC). [End Page 408]

Pour l’histoire militaire de la Première Guerre mondiale, le nom de Desmond Morton est incontournable. Avec son ouvrage A Military History of Canada, publié en 1985, il est le premier historien...

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