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Reviewed by:
  • Bolcheviks en campagne. Paysans et éducation politique dans la Russie des années 1920 by Alexandre Sumpf
  • Grégory Dufaud
Alexandre Sumpf
Bolcheviks en campagne. Paysans et éducation politique dans la Russie des années 1920
Paris, Cnrs Éditions, 2010, 412 p.

Afin d’éviter toute méprise, il n’est pas inutile d’apporter d’emblée deux précisions. Premièrement, cet ouvrage n’est pas une monographie sur la paysannerie russe. Son objet est autre, puisqu’il est d’étudier l’éducation politique dans les campagnes moscovites durant les années 1920. Quiconque a travaillé sur cette période et cherché à voir comment les bolcheviks avaient imposé leur autorité à la population rurale ne peut que se réjouir de la publication de ce livre dense, précis et bien documenté grâce à un bel ensemble de sources. Deuxièmement, cette histoire sociale de l’État soviétique n’est pas celle de la propagande qui, l’introduction le précise, doit être distinguée de l’éducation politique, même si les deux entretiennent des liens étroits : « La propagande doit permettre à chacun de prendre conscience de son appartenance originelle à la collectivité qui se construit autour de lui. L’éducation politique se donne, elle, pour objectif le développement de la raison individuelle, l’agrégation consciente à cette collectivité, lieu de la koul’tournost’, c’est-à-dire du savoir et du savoir-vivre » (p. 13).

Suivant une progression thématique, l’ouvrage est organisé autour de trois parties qui mobilisent, chacune, une échelle d’analyse spécifique. La première pose le cadre général. Le premier chapitre retrace l’histoire de la Direction générale de l’éducation politique, le Glavpolitprosvet, de sa création en novembre 1920 à sa fermeture en 1930. Cette institution fonctionne sous la double tutelle de l’État (le Commissariat à l’éducation, le Narkompros) et du Parti (le Département d’agitation et de propagande, l’Agitpropotdel). Les premières années de son existence sont marquées par une indétermination quant au rôle qui doit être le sien, mais qui vient à se préciser au travers des conflits de compétence l’opposant aux organes de propagande de l’armée puis du Parti. En 1924, son fonctionnement se normalise et une brève période d’apogée débute, qui ne dure guère plus de deux ans, car l’institution entre dans une phase de crise à partir de 1926. Le deuxième chapitre prolonge cette histoire institutionnelle par l’étude du réseau naissant du Glavpolitprosvet. Confrontés à l’héritage tsariste, les bolcheviks veulent imposer une « verticale du pouvoir», sans cependant y parvenir. Le réseau est incomplet, déséquilibré, privé de moyens et tributaire des relations personnelles. Aussi la stratégie en matière d’éducation politique dans les provinces s’avère-t-elle davantage initiée par les responsables locaux que par la hiérarchie du Glavpolitprosvet.

La deuxième partie déplace l’analyse vers l’« isba-salle de lecture » ou « isba-bibliothèque », traductions auxquelles Alexandre Sumpf préfère le néologisme russe izba-tchital’nia. Le premier établissement de ce type serait né à Oufa en 1915 à l’initiative de l’assemblée locale du gouvernement (zemstvo), avant que le modèle ne se répande en Russie. Sa généalogie paraît remonter à la maison du peuple qui a vu le jour à la fin du XIXe siècle sous l’impulsion des « populistes » et dont le but était d’éclairer la population. Invention prérévolutionnaire, l’izba-tchital’nia est placée au cœur du dispositif d’éducation politique à compter de 1924. C’est l’un des objectifs du troisième chapitre que de décrire les missions qui sont les siennes. D’après Nadejda Kroupskaïa, elle représente « la somme de toutes les formes d’institutions éducatives à la campagne » (citée p. 114). Elle doit être l’instrument de la diffusion de l’idée de progrès et de la transformation du mode de vie. Le quatrième chapitre cherche à préciser la place que...

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