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Reviewed by:
  • ¿Qué hacer con Dios en la República? Política y secularización en Chile (1845-1885) by Sol Serrano
  • Annick Lempérière
Sol Serrano
¿Qué hacer con Dios en la República? Política y secularización en Chile (1845-1885)
Santiago, Fondo de Cultura económica, 2008, 375 p.

« Que faire de Dieu dans la République? » Sous ce titre provocateur, Sol Serrano évoque les conséquences politiques et religieuses du grand paradoxe de l’histoire du catholicisme en Amérique latine au XIXe siècle. Contrairement à la Révolution française, les révolutions d’indépendance des années 1810 n’ont pas rompu avec la religion. Elles donnent naissance au contraire à des « Républiques catholiques » où l’État, représentant d’un peuple souverain qui confond citoyenneté et catholicité, est constitutionnellement le garant de la publicité et de la splendeur du culte comme de l’exclusivité catholique dans ce domaine. Dans un tel contexte, la question de la sécularisation de l’espace public ne se résume pas à l’affrontement politique et juridique entre l’« Église » et l’« État », simplification sous laquelle l’historiographie – libérale aussi bien que catholique – la présente encore trop souvent.

Envisager l’histoire de la sécularisation de l’État « depuis la perspective de la religion, de ses multiples acteurs institutionnels et sociaux, de leurs réactions, changements et adaptations » (p. 17), l’envisager comme un « processus » et non comme un «progrès » ou une « ruine », tel est le propos. Il en résulte un ouvrage qui, foisonnant de données puisées dans nombre d’archives inédites, est ordonné par l’analyse de binômes conceptuels clés qui traduisent les dilemmes des acteurs politiques, ecclésiastiques et sociaux. Comment se pense et se matérialise la séparation entre le politique et le religieux, le spirituel et le temporel, le public et le privé, l’État et la société civile, dans un monde qui, issu de la monarchie catholique et, au début de la période, encore plongé dans les coutumes de la piété la plus baroque, est totalement étranger à ces dichotomies constitutives de la modernité politique? La religion, au sens large, est considérée ici comme un acteur à part entière – et non comme une victime – du processus qui conduit à définir, par tâtonnements, débats et conflits successifs, ces frontières décisives. La sécularisation [End Page 269] y apparaît comme « un fait social total », où la géographie physique et humaine, la démographie, le genre, l’histoire religieuse et celle du politique sont mobilisés pour éclairer conjointement, loin de toute perspective téléologique, les mutations du catholicisme chilien après l’Indépendance. Dans le quasi-désert historiographique de l’histoire proprement religieuse de l’Amérique latine du XIXe siècle, l’auteur réunit pour la première fois des données numériques et s’appuie sur des statistiques pour aborder aussi bien l’évolution des pratiques sacramentelles que celle des sociabilités catholiques ou des institutions ecclésiastiques.

La période couvre les années du long mandat (1845-1878) de Rafaël Valentin Valdivieso, premier archevêque du diocèse de Santiago, cadre géographique de l’étude, et celles du conflit religieux (1873-1886) qui oppose des gouvernements libéraux à l’archevêché, aux élites catholiques et, de manière plus feutrée, à la Curie romaine. Le conflit religieux, où s’affrontent sur le terrain politique, mais aussi social, partisans et opposants de la laïcisation juridique, n’apparaît au Chili que tardivement, contrairement aux cas mexicain ou colombien. Tout d’abord parce que, dans les premières décennies de l’indépendance, les conservateurs au pouvoir, héritiers du patronat royal sur l’Église, partagent avec la hiérarchie ecclésiastique et les élites l’idée que la religion est nécessaire au maintien de l’ordre social et moral; le pragmatisme l’emporte de part et d’autre dans ce contexte « régaliste » où l’intervention de l’État dans les affaires de l’Église...

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