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Reviewed by:
  • Le temps des banquets. Politique et symbolique d’une génération, 1818-1848 by Vincent Robert
  • Mathilde Larrère
Vincent Robert
Le temps des banquets. Politique et symbolique d’une génération, 1818-1848
Paris, Publications de la Sorbonne, 2010, 431 p.

Il tiendrait aujourd’hui de la pure posture introductive de déplorer le discrédit du premier XIXe siècle dans l’histoire politique et sociale, et de regretter qu’on ne le voit à tort que comme une parenthèse réactionnaire entre la Révolution française et l’avènement du suffrage universel masculin. Un nombre considérable de travaux a, depuis quelques décennies, montré combien ces années de monarchie constitutionnelle ont été riches de constructions politiques, d’innovations, au cœur d’une vie parlementaire en gestation, mais également à ses marges. Le livre de Vincent Robert apporte une nouvelle pierre à l’ouvrage et enrichit la connaissance de cette période post-révolutionnaire mais pré-démocratique, cet âge libéral où s’invente une modernité politique, où se défendent et se transforment les acquis de la Révolution française. Des banquets politiques on connaît bien sûr la campagne décisive de 1847-1848 pour la réforme électorale, prélude à la révolution de février qui débuta par l’interdiction du banquet du 12e arrondissement. Or l’ouvrage de V. Robert exhume d’autres campagnes et démontre combien le banquet eut une place centrale dans les répertoires d’actions politiques du début du siècle.

Avant d’être politique, le banquet fut au cœur de pratiques sociales, au cœur de logiques coutumières de sociabilité de corps, de communautés, familles élargies, métiers, sociétés diverses : il donne à voir et consolide dans le repas partagé l’union du groupe. Avant d’être libéral, plus encore avant d’être démocratique, le banquet fut monarchique, cérémonie illustrant l’essence mystique de la monarchie tout en valorisant la figure du roi nourricier. Avant d’être une manifestation d’opposition, le banquet fut officiel, organisé pour donner à voir [End Page 258] le soutien au pouvoir. Mais à partir de 1818, avec le banquet de l’« Arc-en-ciel » à Paris (5 mai), les libéraux s’emparent de la forme omniprésente du banquet pour porter leur contestation contre le gouvernement. Le banquet libéral d’opposition est offert par les électeurs aux députés qu’ils soutiennent pour les féliciter de leurs discours et de leurs votes à la tribune. Il doit donner à voir la communauté des libéraux, leur union au-delà des divisions politiques, afficher les idées libérales, mobiliser pour leur cause, soutenir les combats dans l’hémicycle, préparer les élections et, parfois, servir de congrès de fondation pour une association libérale locale ou nationale. Sous le gouvernement des ultras (ministère Villèle puis Polignac), le banquet est donc la manifestation explicite de l’opposition au gouvernement (plus qu’au régime). À l’heure des sociétés secrètes, il affiche l’attachement des libéraux à l’action légale, car les banquets ne peuvent être qu’autorisés. Comment les interdire quand ils sont si présents dans la vie quotidienne et qu’ils se déroulent dans des espaces privés ? De même que les enterrements, le banquet constitue l’espace d’une politisation des interstices d’une vie politique contrôlée. Pour cela, il est minutieusement préparé afin de rester dans les cadres de la légalité (sinon de la tolérance) et de présenter l’image sereine et respectable que les libéraux veulent donner d’euxmêmes.

Le montant élevé de la souscription permet de circonscrire le groupe, réduit aux seuls électeurs et à quelques rares personnalités connues mais en marge du cens. Le banquet est donc affaire de notables, c’est bien une pratique des temps censitaires qui n’assemble des « égaux» (l’idée est chère à V. Robert qui insiste sur la mixité confessionnelle, le partage du repas entre nobles...

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