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Reviewed by:
  • La liberté guidant les peuples. Les révolutions de 1830 en Europe ed. by Sylvie Aprile, Jean-Claude Caron, and Emmanuel Fureix
  • Quentin Deluermoz
Sylvie Aprile, Jean-Claude Caron et Emmanuel Fureix (dir.)
La liberté guidant les peuples. Les révolutions de 1830 en Europe
Seyssel, Champ Vallon, 2013, 330 p.

Les révolutions des XVIIIe et XIXe siècles se prêtent particulièrement bien aux approches connectées ou transnationales. Ces dernières années, voire décennies, leurs effets heuristiques se sont fait sentir pour l’étude de la Révolution française, dont on connaît maintenant la diffusion à l’échelle européenne, la dimension coloniale et impériale, les relations complexes avec la révolution américaine ou les autres insurrections, qui, tout en étant influencées par elle, ont aussi leurs logiques propres. Il en est de même des révolutions de 1848, dont le caractère européen est depuis longtemps discuté, et dont la portée coloniale, voire globale, a été récemment suggérée1. Dans ce courant d’étude, qui est loin d’avoir produit tous ses effets, deux des révolutions du XIXe siècle européen sont restées à l’écart : la Commune, peut-être parce qu’elle est effectivement plus isolée – quoique ses échos italiens, espagnols et latino-américains suggèrent de plus larges horizons2 –, et 1830, plus généralement oubliée à cause de ses effets à court terme comme de sa position intermédiaire entre les deux « grandes sœurs» de 1789 et 1848 – elle a, de longue date, moins de visibilité.

Tout le mérite de ce livre collectif, qui réunit des spécialistes français, suisses, allemands, belges, polonais, italiens, espagnols, est de s’atteler à un salutaire rééquilibrage. Comme le montre la longue introduction d’Emmanuel Fureix, l’entreprise tire dans ce but le bénéfice des précédentes expérimentations de l’approche connectée du phénomène révolutionnaire. Aussi évite-t-elle par exemple la lecture « contagionniste» des événements, se montre-t-elle soucieuse de déplacer les catégories d’analyse usuellement employées par les historiographies nationales, ou s’attache-t-elle à croiser cette appréhension spatiale avec une lecture de l’événement qui soit sensible à sa discontinuité et à ses virtualités (qui seront pour partie rabattues ensuite). Le programme est vaste et l’ouvrage ne prétend pas livrer une étude complète de la révolution « transnationale » de 1830. Il entend plus modestement tester la pertinence de ce questionnement, proposer quelques résultats et ouvrir des pistes.

Le propos s’organise en quatre parties. La première vise à replacer l’événement dans son cadre chronologique et spatial. Un utile rappel sur les révolutions transatlantiques de la fin du XVIIIe siècle et sur l’« internationale libérale » des années 1820 – un concept qu’il faudrait peut-être discuter – aide à esquisser héritages et singularités de ce moment révolutionnaire. [End Page 256] Celui-ci, tout à la fois « européen, libéral, démocratique et social » (p. 12) ébranle Paris, puis la Belgique, la Pologne, la Suisse, certains États italiens et allemands, inquiète l’Espagne et, à un moindre niveau, le Royaume-Uni. Mais il ne semble pas trouver d’écho au-delà du continent européen. La partie suivante propose une succession de bilans historiographiques par pays pour aider à sortir du cloisonnement national des études sur 1830. On perçoit, à côté de lignes de partage communes opposant lectures libérales et marxistes, une pluralité de pistes interprétatives selon les cadres nationaux, notamment dans les travaux des années 1980-1990, qui peuvent mobiliser une grille plus « culturaliste» comme en Italie, note Arianna Arisi Rota, ou une grille plus « sociologique » en Belgique, selon Els Witte. En résulte un mélange de points convergents et de décalages, un constat somme toute classique, qui peut certes aider à se défaire des implicites de sa propre historiographie, mais qui complique aussi la mise en œuvre d’analyses transversales.

Les deux dernières parties adoptent plus...

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