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  • Friedrichs Grösse. Inszenierungen des Preussenkönigs in Fest und Zeremoniell 1740-1815 by Thomas Biskup
  • Claire Gantet
Thomas Biskup
Friedrichs Grösse. Inszenierungen des Preussenkönigs in Fest und Zeremoniell 1740-1815
Francfort-sur-le-Main/New York, Campus Verlag, 2012, 316 p.

Comment Frédéric II de Prusse entra-t-il dans l’histoire en tant que « Frédéric le Grand »? Dans ce livre stimulant, Thomas Biskup montre comment le roi de Prusse chercha constamment à conquérir rang et gloire, et utilisa à cette fin, de façon précise et concertée, un cérémonial de cour. Construite, fragile, négociée et disputée de son vivant, l’image de Frédéric II connut une étonnante survie après sa mort en 1786, nourrie d’appropriations, de rejets et de transferts, jusqu’à la fin des guerres napoléoniennes à l’issue desquelles la Prusse se rebâtit sur d’autres ressorts.

T. Biskup bouscule ainsi deux traditions historiographiques. La première a trait à l’objet lui-même. Jusqu’à présent, les historiens s’accordaient à voir en Frédéric II, d’une part, un « roi-connétable » spartiate à la tête de ses armées et vêtu d’un simple uniforme militaire, d’autre part, le « roi-philosophe » qui fit bâtir sa résidence de Sans-Souci non comme un château de représentation mais comme une succession de salons où il invita les savants les plus renommés de son temps ; connétable ou philosophe, Frédéric II, qui ne se fit guère portraiturer, passait pour être hostile à toute forme d’apparat. Même s’il n’en partage ni la perspective téléologique ni l’idéologie, ce jugement rappelle l’historiographie prussienne des XIXe et XXe siècles, qui fit de Frédéric II le père fondateur d’une Prusse moderne et puissante, et l’initiateur du mouvement d’unification « petite-allemande ». Délaissée après la Seconde Guerre mondiale, l’histoire de la Prusse de la seconde moitié du XVIIIe siècle a fait l’objet de relativement peu de travaux jusqu’à ces dernières années.

La seconde ligne historiographique concerne le thème du cérémonial de cour, inséré dans une histoire culturelle du politique. En Allemagne, l’intense discussion soulevée par les travaux de Jürgen Habermas – sa distinction entre une « sphère publique représentative » passive aux XVIIe et XVIIIe siècles et une « sphère publique bourgeoise » dans la première moitié du XIXe siècle – a suscité en réaction maintes études sur les formes de sociabilité apparues avant 1789/1800 et nourri la stylisation d’un XVIIIe siècle par essence « critique », en particulier face aux structures et hiérarchies sociales. Au-delà, c’est la notion même d’absolutisme (Absolutismus) qui se trouve mise en question. Lorsque Wilhelm Roscher, au milieu du XIXe siècle, la définit, il en différencia en effet trois formes : le type confessionnel incarné par Philippe II d’Espagne, le type aulique personnifié par Louis XIV, enfin le type éclairé symbolisé par Frédéric II de Prusse, à qui il prêtait une forte aversion envers l’étiquette et les questions de rang et de protocole.

Enfin, face au courant général qui voit dans les années postérieures à 1750 le moment d’un déclin des cours et d’une désacralisation généralisée, préludes à la Révolution française, T. Biskup rappelle – avec David Cannadine, Eric Hobsbawm, Linda Colley entre autres – la survie de la monarchie, forme de gouvernement dominante jusqu’à la Première Guerre mondiale en Europe, et sonde les acteurs et les facteurs qui participèrent du cérémonial. Son étude du rang de Frédéric II dans la société des princes, de sa place dans l’histoire et des [End Page 236] relations entre le monarque et l’État, procède en cinq chapitres organisés de façon à la fois chronologique et thématique.

Le premier chapitre souligne...

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