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  • S’entraider entre exils : La Confrontation duvaliériste dans La Mémoire aux abois d’Évelyne Trouillot et Un Alligator nommé Rosa de Marie-Célie Agnant
  • Lindsey Scott

A l’intérieur de l’exil

La diaspora haïtienne joue un rôle considérable dans le développement de la culture et de la politique contemporaine d’Haïti. Comme l’explique Yanick Lahens, cette diaspora a son origine dans la création même du pays : « Exile is certainly one of the dimensions which . . . give Haitian culture its coherence. Just after Independence, while some were looking towards France, the place of commercial exchange and studies, others remained nostalgic for Africa. »1 La tension qu’évoque Lahens, entre l’Europe et l’Afrique, autour du sujet haïtien date des années du colonialisme et de la traite d’esclaves, des événements sur lesquels l’identité haïtienne se construit, obligeant dès sa conception le sujet postcolonial, et en Haïti, et ailleurs, à faire face à ce passé traumatisant. Toutefois, ce n’est pas seulement la violence du colonialisme et de l’esclavage qui a créé cette diaspora énorme et qui a compliqué l’identité haïtienne ; par contre, la plus grande contribution à la diaspora haïtienne vient de l’exil imposé à de nombreux haïtiens entre 1957 et 1986, pendant les années des dictatures duvaliéristes.

On ne peut désormais nier l’importance de la diaspora haïtienne car « sur une population insulaire d’environ 8 millions, 2 millions de personnes d’origine haïtienne vivent ailleurs ».2 Face à cette diaspora croissante, le président Jean-Bertrand Aristide a même formalisé les relations entre Haïti et sa diaspora en l’appelant le « dixième département » en plus des neuf départements administratifs sur l’île.3 Le dixième département garde des liens bien proches avec Haïti, et les développements technologiques de la deuxième moitié du 20e siècle ont permis aux exilés de rester en contact constant avec leurs proches en Haïti et de leur envoyer de l’argent.4 Ces versements d’argent sont tellement importants qu’en 2007 ils constituèrent 20% du PNB d’Haïti.5 [End Page 84]

En dépit de ce lien important avec la diaspora, il y a également des tensions signifiantes entre ceux qui restent au pays et ceux qui partent. Les versements, eux-mêmes, peuvent créer des tensions ; l’argent envoyé peut élargir l’inégalité économique entre les bourgeois et les pauvres puisque la majorité des familles bourgeoises reçoivent de l’argent de la diaspora tandis que seulement une minorité des familles pauvres en reçoivent.6 Cette tension se voit aussi au niveau de l’éducation ; 93% des Haïtiens aux États-Unis reçoivent une éducation formelle avant l’âge de 25 ans, tandis qu’en Haïti ce chiffre reste à 40%, ce qui crée une tension autour des opportunités éducatives.7 En outre, l’engagement politique de la diaspora peut avoir des conséquences négatives en Haïti : « Overly partisan political engagement by diaspora groups in the homeland can in some cases encourage more intransigent behaviour by homeland politicians, particularly in countries with a history of deep social divisions, or open conflict. »8 Vivant à l’étranger, les perspectives entre la diaspora et ceux qui restent en Haïti peuvent varier d’une façon significative.

Il est également important de considérer la tension sociale qui existe entre les deux groupes. Edwidge Danticat reflète sur sa propre expérience en tant que membre de la diaspora, se souvenant des

conversations or debates in restaurants, parties, or at public gatherings where members of the dyaspora would be classified—justified or not—as arrogant, insensitive, overbearing, and pretentious people who were eager to reap the benefits of good jobs and political positions in times of stability in a country that they had fled during difficult times.9

En dépit de cette tension, il demeure un lien important entre ces groupes qui se développe en partie, comme on verra plus loin, à travers un...

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