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  • Déviance et transgressionL’image de l’“ange” rebelle dans Laide de Juliette Lamber
  • Ying Wang

Écrivaine, polémiste, salonnière, et féministe déclarée, Juliette Lamber (1836–1936), alias Juliette Adam, se présente comme une figure influente dans l’histoire de la Troisième République. Elle s’est imposée de diverses manières dans le monde politique et intellectuel, de son temps majoritairement masculin. “On ne pourra pas écrire l’histoire de la France, depuis 1870, sans écrire la sienne,”1 avance Paul Acker dans Portraits de femmes. Antoine Albalat, dans ses Souvenirs de la vie littéraire, fait l’éloge de cette “femme extraordinaire” qui “donnait au travail de propagande patriotique et littéraire française toutes les forces de son intelligence et de son cœur.”2 Comme fondatrice puis directrice de la Nouvelle Revue pendant vingt ans, comme amie intime d’écrivains illustres de son époque tels Sand, Flaubert, Hugo, et Daudet,3 et comme introductrice fervente de jeunes talents (y compris Bourget, Loti, Maupassant, et Barrès) qui connaissent leurs succès initiaux grâce à son aide généreuse, Juliette Lamber lutte aussi passionnément pour sa patrie, faisant entendre sa voix dans les cercles politiques en France comme à l’étranger. Selon le Général Nivelle, “[au] point de vue littéraire comme au point de vue national, le rôle de cette femme est unique.”4 Les titres d’honneur comme ceux de “Grande Française” et “vieille doyenne des lettres françaises” qu’on lui décerne ne peuvent être plus révélateurs pour attester le statut important de cette femme à l’époque où elle a vécu.

Si comme le remarque Saad Morcos, l’œuvre littéraire, le salon, et la Nouvelle Revue constituent les trois centres d’intérêts de Juliette Lamber,5 depuis longtemps, les biographes et les critiques qui insistent sur ses succès en tant que salonnière, sur son action politique et sur son influence comme directrice d’une revue célèbre, négligent souvent son rôle d’auteure dont l’œuvre garde cependant une valeur importante. De fait, Lamber commence par être écrivaine et acquiert son renom grâce à ses réussites initiales en littérature.6 [End Page 33] Après sa première œuvre polémique, Idées antiproudhonniennes sur l’amour, la femme, et le mariage (1858), sa carrière littéraire se poursuit par différents ouvrages: nouvelles, romans, études historiques et politiques, récits de voyage, et théâtre.7 Parmi ces écrits dans des genres variés, ce sont ses œuvres romanesques, connues pour l’incarnation du néo-hellénisme, qui lui ont valu le plus de succès aux yeux des critiques.8 Ses trois romans Laide (1877), Grecque (1879), et Païenne (1883) constituent la partie la plus importante et l’expression la plus achevée du culte des divinités anciennes et du rêve grec de l’écrivaine.9 La valeur littéraire de cette trilogie est reconnue par des critiques influents de l’époque, y compris Jules Lemaître, qui y voit un rare effort d’“imagination sympathique” et une incontestable originalité.10

Laide, le premier roman de sa trilogie grecque, publié en 1877, est un ouvrage que Juliette Lamber dédie à George Sand, son amie et maître qui eut une influence définitive et profonde sur ses idées et ses activités créatives.11 Ce roman raconte l’histoire d’une femme laide et intellectuelle qui, délaissée par son père (un célèbre sculpteur) puis par son mari (un jeune peintre) à cause de sa disgrâce, montre qu’elle a le courage de mener une vie indépendante et retrouve sa beauté après une maladie “purifiante.” Dans le texte, l’évocation de l’art grec, le contexte fictif choisi (tel le salon des artistes), ainsi que la conclusion de l’histoire, attirent le regard des critiques qui voient en eux “l’amour de la beauté” de la romancière. Néanmoins, par hasard ou par intention, ces chercheurs prêtent rarement attention à l...

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